C’est grâce à des personnes comme Nicole Vincent, son mari feu Bernard Laplante et leurs deux enfants, qui ont tous décidé de confier leur corps à la science une fois décédés, que l’enseignement et la recherche deviennent possibles au Laboratoire d’anatomie humaine de l’UQTR. Regard sur un geste noble, qui fait une grande différence dans la formation des professionnels de la santé et la recherche en anatomie.
En octobre de chaque année, quelque 400 personnes se recueillent dans une atmosphère sereine, lors de la messe commémorative célébrée annuellement à l’UQTR pour les gens qui ont offert leur corps à la science et leurs proches. L’abbé Georges Croteau souligne ainsi la contribution des donneurs : « Félicitations à tous ceux et celles qui ont offert leur corps pour l’avancement de la science et la régression des maladies dans le monde. Vous êtes des modèles pour chacun d’entre nous. »
Ce fut la décision de sa sœur de léguer son corps à la science qui motiva le choix de Nicole Vincent et son mari d’en faire autant. « Ma sœur a en quelque sorte été notre modèle. Nous trouvions qu’il s’agissait d’un très beau geste, qui permettrait aux chercheurs d’aller plus loin dans leur connaissance de l’anatomie », affirme la dame originaire de Shawinigan. Elle poursuit : « C’est d’une grande importance pour les professeurs de pouvoir compter sur des corps afin de former les étudiants. Malgré les nouvelles technologies, rien ne peut remplacer les organes humains. »
L’importance du don de corps
De fait, en dépit des progrès technologiques, la plupart des laboratoires d’anatomie en Europe et en Amérique du Nord comptent sur les dons de corps pour mener leurs activités. « Si l’on peut utiliser un corps pour former un médecin, un chiropraticien ou un ostéopathe, par exemple, c’est grâce à des donneurs », soutient Gilles Bronchti, responsable du Laboratoire d’anatomie humaine de l’UQTR. Même s’il existe des logiciels performants, rien ne se compare à l’exploration tactile d’un corps en trois dimensions, ce qui permet aux étudiants de découvrir eux-mêmes les notions d’anatomie vues en théorie.
Le respect
Les étudiants sont donc privilégiés et en sont bien conscients. « Ils démontrent un très grand respect envers les corps, qui sont pour eux plus précieux que n’importe quel livre ou encyclopédie, insiste le professeur Bronchti. C’est aussi par respect qu’ils se doivent d’en tirer le plus d’enseignement. »
Le respect des corps fait partie de la formation des étudiants et des pratiques au Laboratoire d’anatomie humaine de l’UQTR. Par exemple, « l’identité des donneurs n’est jamais divulguée; les seuls renseignements transmis aux étudiants sont l’âge et le diagnostic du décès. Également, l’accès aux salles de dissection, de préparation et d’entreposage des corps est strictement limité aux professeurs, aux médecins résidents ainsi qu’aux étudiants en sciences de la santé », spécifie Johanne Pellerin, technicienne de laboratoire, qui s’occupe notamment du programme de dons de corps.
Le soutien aux donneurs et à leurs proches constitue une autre forme de respect considérée comme étant prioritaire pour l’équipe de techniciennes du Laboratoire d’anatomie humaine de l’UQTR. Nicole Vincent en témoigne : « Johanne Pellerin m’a téléphoné quand le Laboratoire a reçu le corps de mon mari, lors de son décès en juillet 2009. Elle a toujours pris le temps de répondre à mes questions, de m’informer aux différentes étapes du processus. »
La mission des donneurs
Que se passe-t-il le jour où le donneur quitte notre monde? « Lorsque la personne décède, la famille est consultée pour prendre la décision finale quant au don du corps. Ensuite, l’institution où le décès a été constaté communique avec l’Agence de la santé et des services sociaux, qui fait tous les arrangements pour le transfert du corps à l’Université », explique Mme Pellerin. Rappelons que certaines restrictions s’appliquent à l’acceptation du corps, par exemple si la personne a subi un accident majeur.
Le défunt est donc rapidement pris en charge par l’UQTR. En fait, l’Université s’occupe du transport, de l’embaumement et de l’inhumation, tout cela sans aucuns frais pour la famille. Johanne Pellerin précise : « Je préviens les familles à toutes les étapes importantes, lors de l’arrivée du corps à l’Université, lors de l’incinération, au cas où la famille voudrait récupérer les cendres, et lors de l’inhumation. Ce contact est important et rassurant pour les proches. »
La mission des donneurs s’achève lorsque le processus d’enseignement et de recherche est complété. Johanne Pellerin dit qu’il s’écoule au minimum deux années depuis l’arrivée du corps à l’Université. C’est à ce moment que la dépouille du donneur pourra être incinérée et les cendres inhumées au cimetière Saint-Michel ou retournées à la famille.
Briser le tabou
Malgré toute l’importance que revêt l’acte de donner son corps à la science, Nicole Vincent concède que le sujet reste encore tabou : « Pourtant, il s’agit d’un beau geste qu’il faut démystifier. Les gens ont encore de la difficulté avec cela et c’est pourquoi je les invite à s’informer. »
D’ailleurs, celle-ci a pris pleinement conscience des retombées de son geste lors d’un dîner avec des professeurs et étudiants, ainsi qu’après une visite du Laboratoire d’anatomie humaine de l’UQTR. « J’ai compris à quel point mon mari a été utile, affirme Nicole Vincent, qui a recueilli les cendres de son conjoint en 2012. Je serai utile à mon tour, et j’en suis très fière. »