Le tissu industriel des régions du Québec connaît une période de transformation majeure, passant de la grande entreprise à une culture valorisant les petits entrepreneurs. Mais ce changement de culture ne s’opère pas du jour au lendemain; Denis Morin en sait quelque chose, lui qui milite pour stimuler la fibre entrepreneuriale au sein de la communauté shawiniganaise.
Si l’on veut prendre une ville pour illustrer cette transition de la grande industrie vers l’entrepreneuriat local, nos regards se tournent inévitablement vers Shawinigan, en Mauricie. À la suite de plusieurs fermetures d’usines, la Cité de l’énergie avait la mine basse en 2009 : les portraits statistiques la plaçaient au bas de l’échelle dans l’une des régions les plus mal en point au Québec en termes de développement économique.
En 2015, malgré qu’il reste encore beaucoup de travail à abattre, on remarque que les initiatives mises en place commencent à renverser la vapeur : « Chez les moins de 35 ans, on observe à Shawinigan 3 fois plus de propriétaires d’entreprise qu’en moyenne au Québec et davantage de jeunes qui affirment avoir l’intention d’entreprendre. En peu d’années, nous avons réussi à effectuer un basculement culturel », se réjouit Denis Morin.
Éduquer à l’entrepreneuriat
Diplômé de l’UQTR au baccalauréat d’éducation au préscolaire et d’enseignement au primaire en 1984, M. Morin a œuvré comme enseignant au primaire, directeur de plusieurs écoles et professionnel au Secrétariat à la jeunesse du Québec, avant d’accéder au poste de directeur-conseil en entrepreneuriat qu’il occupe actuellement à la Commission scolaire de l’Énergie.
Celui qui souscrit à l’approche de la pédagogie par projet a toujours fait reposer ses enseignements sur l’action d’entreprendre, au sens large : « Les jeunes peuvent agir sur leur entourage, sur leur milieu, en entreprenant des projets de toute sorte pour résoudre les problèmes et répondre aux besoins autour d’eux », croit-il.
Même si l’on sent la promotion d’un certain esprit entrepreneurial en trame de fond, M. Morin soutient que cela va bien au-delà du seul objectif de créer une entreprise. Il précise sa pensée : « L’autonomie, la créativité, la confiance en soi, la détermination, le leadership et la solidarité, par exemple, sont certes des compétences entrepreneuriales, mais ce sont surtout des qualités citoyennes. Tout individu, peu importe les perspectives d’intégration socioprofessionnelle qu’il envisage, doit manifester ces valeurs. À partir de là, certains vont prendre le risque de créer leur propre entreprise. »
Développer une pensée régionale
Dès lors, il faut aider ceux qui ont l’intention d’entreprendre. D’où l’importance, selon Denis Morin, « de développer une pensée régionale où l’entrepreneuriat jouit d’un continuum de services et d’accompagnement pour que s’élève une nouvelle génération de jeunes et d’entrepreneurs qui réussissent. Par exemple, en adoptant une approche interordres en pédagogie, nous souhaitons stimuler le goût d’entreprendre, de persévérer et de réussir, du primaire à l’université ».
Cela témoigne du rôle de la Communauté entrepreneuriale de Shawinigan, pour laquelle il agit à titre de coordonnateur. Cette organisation regroupe des leaders régionaux qui représentent la société civile et partagent la même vision du développement de leur territoire. « Nos actions visent à développer le capital humain, générer des projets, poser les bonnes actions au bon moment et mesurer les progrès qu’on va faire dans le temps », explique-t-il.
Soutenir le démarrage d’entreprises
Un des pans majeurs de la stratégie shawiniganaise se réalise grâce au Centre d’entrepreneuriat Alphonse-Desjardins Shawinigan (CEADS). Cette coopérative de solidarité a pour mandat de favoriser l’émergence d’entreprises en offrant aux nouveaux entrepreneurs un incubateur pour mettre au monde leurs idées.
Denis Morin, qui œuvre aussi comme directeur général du CEADS, utilise l’image d’un « motel industriel » pour en décrire la mission : les entreprises naissantes sont hébergées pendant cinq ans dans un endroit où l’on retrouve, sous un même toit, de l’accompagnement (plan d’affaires, plan financier, plan marketing), l’accès à du financement, de la formation et du mentorat. « Il faut s’assurer que les nouveaux entrepreneurs deviennent autonomes et gèrent efficacement leur entreprise. On multiplie alors les chances que les entreprises créées passent le cap de cinq ans et génèrent de nouveaux emplois », soutient le fier Shawiniganais, précisant qu’un plan de relocalisation sur le territoire est mis en œuvre vers la fin du parcours d’incubation.
De l’intention à l’action
Toutes ces initiatives semblent porter leurs fruits. « L’intention d’entreprendre est grandissante, et celle-ci se concrétise de plus en plus dans le prédémarrage, le démarrage et la création d’entreprises. De l’intention, on est résolument en train de passer à l’action! », se réjouit Denis Morin avec l’optimisme qu’on lui connaît.