Comme individu, ou comme consommateur, il vous est probablement déjà arrivé de pester contre une entreprise, de boycotter une marque ou de critiquer une publicité. Ce sont là des formes de ce que la littérature en marketing appelle « la résistance du consommateur », qui se définit comme une riposte ou une opposition dans le but de contrecarrer des manœuvres jugées oppressives par les entreprises commerciales [1]. Voyons plus en détail les formes d’opposition à cette logique marchande et comment ce phénomène de résistance se déploie.
La résistance passive
Tout comme il est possible de zapper les publicités télévisées, certains consommateurs résisteront aux publicités sur Internet, jugées à tort ou à raison trop envahissantes, et les contourneront en téléchargeant des logiciels sur leur téléphone ou leur ordinateur (Adblock, Adguard,). Ils seront, de leur plein gré, ou à leur insu, des adeptes d’Adbusters (https://www.adbusters.org/), une association canadienne sans but lucratif qui milite contre la publicité et les excès du marketing. Passant de la parole aux actes, Adbuster a lancé la Journée sans achat, qui incite les adeptes à ne rien acheter ce jour-là pour des raisons environnementales, sociales ou économiques.
La résistance active
Dans cette logique, la résistance s’inscrit aussi comme une volonté de réduction ou de simplification volontaire de la consommation [2]. Pour certains partisans, la non-consommation est la véritable expression du rejet du système du marché; les consommateurs sont à la quête de valeurs profondes sociales en achetant des produits usagés, en réutilisant, voire en remettant en état ceux désuets [3].
Certains particuliers ont su s’affranchir du système marchand classique et faire commerce de leurs biens et services. Les ventes-débarras s’inscrivent dans cette réalité, tout comme la vente sur les sites Web de petites annonces. Se sont aussi développés des phénomènes comme AirBnb ou Uber.
Les comportements déviants
De façon extrême, la résistance du consommateur peut être mise en exergue par un comportement délictueux. La fraude, le vol ou le vandalisme, les dégradations ou le bouche-à-oreille négatif en constituent les expressions :
- Les comportements négligents plus ou moins « éthiques », qui s’expriment de différentes façons [4]: utiliser consciemment des coupons pour un produit dont le prix est réduit ou des coupons périmés, déplacer ou enlever des étiquettes de prix, etc.
- Le vol : 50 % des vols est commis par le consommateur qui se révolte ainsi contre les marques. Ce fut le cas pour Lacoste, dont les vêtements, symboles de l’élitisme français, étaient volés par des jeunes défavorisés.
- Le vandalisme : certains consommateurs insatisfaits ne se contentent pas d’une évaluation négative ou de réprimandes à l’égard des employés; ils vandalisent des objets [5]. Ce vandalisme peut être aussi simple que sortir des produits congelés des zones réfrigérées ou ouvrir des produits alimentaires.
- Le bouche-à-oreille négatif : on a longtemps attribué aux employés de Budweiser la rumeur selon laquelle une bière mexicaine contenait de l’urine pour empêcher un concurrent du nom de Corona de gagner en popularité auprès des consommateurs et de prendre des parts de marché, par exemple.
On le voit : si les formations enseignent le comportement « classique » d’un consommateur ingénu, se trouvent en parallèle des actes de résistance que les entreprises ne prennent pas assez au sérieux. Plusieurs stratégies existent, comme l’éducation, le piégeage des produits avec des étiquettes et antivols résistants, ou l’augmentation des vigiles et des employés à l’accueil (cf. Walmart ou Home Depot). Mais dans un contexte social et économique difficile, ces comportements de résistance risquent de perdurer.
[1] Fournier S. (1998), Consumer resistance: societal motivations, consumer manfestations, and mplications in the marketing domain, Advances in Consumer Research, 25, eds. J. W Alba et J. W. Hutchinson, Provo, Utah, Association for Consumer Research, 88-90.
[2] Elgin, D. (1993). Voluntary simplicity: Toward a way of life that is outwardly simple, inwardly rich (Vol. 25). New York: Quill.
[3] Cova, B. (1995). La déconsommation: Symptôme de rupture de la modernité. Sociétés, (50), 359-368.
[4] Djelassi, S., & Perron, F. (2009). Comportements déviants du consommateur et démarque, une approche exploratoire. Actes des 14ème Journées de Recherche en Marketing de Bourgogne.
[5] Fullerton, R. A., & Punj, G. (1993). Choosing to misbehave: A structural model of aberrant consumer behavior. NA-Advances in Consumer Research Volume 20. Et Fullerton, R. A., & Punj, G. (1997). What is consumer misbehavior?. NA-Advances in Consumer Research Volume 24.