La majorité des multinationales qui s’implantent en Afrique ou ailleurs ont une approche de la responsabilité sociale qui s’articule du haut vers le bas. Ces entreprises étrangères contribuent certes au développement socioéconomique des communautés, mais est-ce que cela correspond aux besoins réels de la collectivité? Armel Brice Adanhounme, professeur de relations industrielles à l’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) s’intéresse au rôle des acteurs locaux dans la gouvernance des entreprises en s’inspirant du modèle inverse, une approche du bas vers le haut.
Le développement des entreprises multinationales en Afrique subsaharienne engendre des changements importants dans la vie des communautés où elles s’implantent. Elles assument certes leurs responsabilités sociales en finançant par exemple certaines infrastructures essentielles à leur projet, comme la construction de routes, d’écoles, de centre de santé, etc. «Mais dans cette perspective de gouvernance, est-ce que l’entreprise tient vraiment compte des besoins réels des gens du bas, ceux qui vivent dans les communautés concernées par leur venue?», questionne le professeur Adanhounme, natif du Bénin.
Dans le cadre des programmes, surtout philanthropiques, en responsabilité sociale par lesquelles les entreprises souhaitent partager avec leur communauté riveraine les richesses produites par leur exploitation, il se pose de plus en plus la question de la gouvernance de ces entreprises en vue du développement socioéconomique des communautés.
Pour explorer la question du rôle des acteurs locaux dans la gouvernance des entreprises multinationales et leur responsabilité sociale, Armel Brice Adanhounme a initié un projet de recherche-action unissant des collègues universitaires et des collaborateurs de la société civile du Bénin, de la Côte d’Ivoire et du Canada. Cette approche du bas vers le haut, très peu documentée dans la littérature scientifique, va se dérouler avec en toile de fond des études de cas portant sur des entreprises minières et agroalimentaires d’origine européenne et asiatique.
Le projet subventionné à la hauteur de 200 000$ par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada va s’échelonner sur trois ans. Il vise dans un premier temps à répertorier les ressources et les capacités institutionnelles à la portée des acteurs locaux dans le processus d’institutionnalisation de la responsabilité sociale des entreprises. Les chercheurs complètent actuellement la collecte d’information en initiant des rencontres sur le terrain au Bénin et en Côte d’Ivoire avec des travailleurs des communautés rurales, des chefs de clans et des gestionnaires.
Le second objectif poursuivi par les chercheurs consiste à initier les acteurs de la société civile aux modalités de négociation et de dialogue social avec les acteurs corporatifs, étatiques et les communautés. Au final, en ayant voix au chapitre dans le concept de responsabilité sociale, les membres de la communauté pourraient partager leurs besoins avec les dirigeants de l’entreprise. Ainsi, la contribution au développement pourra prendre la forme de bourses pour aider les jeunes à fréquenter une université dans la capitale ou encore de construire une école dans un village voisin où les besoins sont plus pressants que dans la zone immédiate de l’entreprise, par exemple.
L’objectif ultime des chercheurs est de développer des outils avec les acteurs locaux et élaborer les modalités de diffusion et de formation pour ces acteurs à l’importance des institutions locales dans le processus de responsabilité sociale de l’entreprise. «Comme universitaires, notre souhait est que le projet contribue à la formation de nos étudiants ici au Canada et en Afrique à cette problématique de la gouvernance par le bas des entreprises. Et comme chercheurs engagés, nous souhaitons également contribuer à mieux comprendre, afin d’y répondre, aux questions de justice sociale dans nos économies mondialisées dans lesquelles les multinationales jouent de plus en plus un rôle charnière», a conclu le chercheur de l’École de gestion de l’UQTR.
Outre le professeur Adanhounme de l’UQTR, les membres de l’équipe de recherche sont: E. Adelle Blackett (McGill University); Jeanne G. Zoundjihekpon (Université d’Abomey-Calavi); Aguidioli Chrysal Kénoukon (Université d’Abomey-Calavi, Bénin); Martin P. Dumas (Université Laval); Nanga Silué (Université Alassane Ouattara de Bouaké, Côte d’Ivoire); Aurélien C. Atidégla (Dynamique OSCAF, Bénin); René M. Ségbénou (Jinukun – Copagen, Bénin).