Avec la montée de l’inclusion scolaire, les enseignants des programmes réguliers doivent accueillir des personnes ayant des besoins particuliers, ce qui inclut ceux ayant une déficience intellectuelle. Conscient de ce phénomène, Paul Gaudet, du Département des sciences de l’éducation de l’UQTR, a eu l’idée de prendre les devants.
Dans le cadre du cours Intervention auprès des élèves en difficulté d’apprentissage, M. Gaudet apprend aux futurs enseignants les bonnes façons d’agir avec des gens présentant une déficience intellectuelle en intégrant ces derniers à sa salle de classe. Le contact direct est une stratégie pédagogique que le chargé de cours utilise depuis maintenant plus de dix ans. Lorsque lui et ses collaborateurs ont commencé à pratiquer l’intégration scolaire à l’UQTR, leur principal but était de démystifier la déficience intellectuelle.
« Ça allait au-delà d’une perspective pédagogique : nous voulions préparer les jeunes enseignants à vivre l’inclusion pédagogique des élèves à besoins particuliers. Une personne peut avoir un baccalauréat en enseignement, mais ça ne veut pas dire qu’elle connaît la déficience intellectuelle », explique-t-il.
Une présence bénéfique
Cette activité unique ne serait pas possible sans l’étroite collaboration du Plateau de travail UQTR. C’est en effet grâce à ses bénéficiaires que les étudiants peuvent vivre une expérience aussi instructive.
Le fait d’être partie intégrante d’un cours constitue un enrichissement majeur pour les gens du Plateau. Ceux-ci se font également un point d’honneur de participer activement à la dynamique de classe.
« À moins d’exception, ils sont présents tout au long du cours. Ils interviennent comme n’importe quel étudiant, et posent des questions pertinentes. À force de me voir agir avec eux, les étudiants apprennent comment ils peuvent s’y prendre avec la déficience intellectuelle. Le rôle de l’enseignant, c’est justement d’amener les autres à comprendre. C’est la base même de l’enseignement », lance M. Gaudet.
« Nous sommes l’une des rares universités à avoir développé un tel projet. C’est une plus-value pour les étudiants, et c’est encore plus important pour les gens du Plateau qui vivent une inclusion pédagogique et sociale », ajoute-t-il.
Le chemin de l’apprentissage
Les étudiants disposent habituellement de sept à huit semaines pour enseigner aux élèves du Plateau. Ils planifient ainsi des rencontres hebdomadaires, dans lesquelles ils déterminent des objectifs à atteindre. Ces objectifs doivent cependant être adaptés à la personne avec qui ils travaillent.
« Les étudiants doivent s’assurer que la personne est capable de participer adéquatement à leur démarche pédagogique. Évidemment, cela va plus loin que de lui demander si elle a compris. Elle peut répondre que oui, mais a-t-elle réellement saisi ? Comment peut-on le vérifier ? Nous sommes dans un processus d’intervention, il faut donc s’en assurer », précise M. Gaudet.
Pour bien orienter la démarche pédagogique, les étudiants ont recours à un principe d’évaluation. La personne du Plateau passe ainsi un prétest, afin de déterminer son niveau de connaissances. Ensuite, les étudiants l’aident à progresser pendant la session, pour lui procurer le plus grand gain pédagogique possible. Le chargé de cours constate toutefois que le gain humain est souvent beaucoup plus grand puisque les liens entre les étudiants et les gens du Plateau demeurent solides après la fin du cours. Ainsi, lorsqu’il mange à la cafétéria, il voit régulièrement d’anciens étudiants inviter les gens du Plateau à s’asseoir avec eux.
Félix-Antoine, un pionnier
À l’origine, M. Gaudet a eu l’idée d’inviter les gens du Plateau dans son cours lorsqu’il les a vus s’affairer à différentes tâches sur le campus. Il a d’abord invité Félix-Antoine Aubert, avec qui il discutait souvent à la cafétéria, pour quelques minutes seulement.
Cette expérience s’est avérée décisive pour la suite des choses. Motivé par son contact avec les étudiants, Félix-Antoine a voulu assister au cours.
« Il m’a dit une phrase clé qui démontre toute l’importance de la démarche. Il voulait venir dans mon cours pour faire comme tous les autres étudiants. À la fin des repas, il les voyait se lever pour aller à leurs cours, et il m’a dit qu’il voulait vivre ça », confie M. Gaudet.
Avec ses collaborateurs, le chargé de cours s’est donc arrangé pour que Félix-Antoine ait des objectifs à atteindre à l’intérieur du cours. Si au départ il devait fixer lui-même les objectifs de Félix-Antoine, ce mandat est graduellement devenu celui de ses étudiants. Cette nouvelle définition des rôles a rapidement donné lieu à un phénomène de pairage.
Impact famille-étude
M. Gaudet rappelle que la collaboration école-famille est un enjeu important dans la réussite éducative des élèves. La mère de Félix-Antoine, Mme Françoise Morasse, confirme que les retombées du projet sont importantes.
« C’est extraordinaire ce que le cours de Paul a apporté à Félix-Antoine. Je remarque qu’il est plus confiant, et plus fonceur aussi. Il a développé des qualités, et il a appris beaucoup de choses, autant du point de vue académique que sur le plan social, donc c’est important qu’il en bénéficie », témoigne Mme Morasse.
Au final, M. Gaudet souligne qu’en cette Semaine de la déficience intellectuelle, il faut permettre à ceux qui vivent une différence de participer activement dans notre collectivité.
« Il faut leur permettre de réaliser leur rêve, tout comme Félix-Antoine et les autres bénéficiaires du Plateau le vivent par leur inclusion dans les cours de notre université », conclut-il.
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