L’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), en collaboration avec l’Université de l’Alberta et l’Université Western en Ontario, a mené un travail titanesque pour mettre à jour les Lignes directrices canadiennes sur l’activité physique pendant la grossesse. Au cours des 3 dernières années, Stephanie-May Ruchat, professeure au Département des sciences de l’activité physique, et ses collègues Margie Davenport et Michelle Mottola, ont épluché et analysé la littérature scientifique portant sur les effets de l’activité physique prénatale sur la santé des mères et de leur futur enfant. « Depuis les dernières lignes directrices, qui dataient de 2003 et qui étaient majoritairement basées sur des opinions d’experts, il y a eu une explosion d’études de qualité publiées sur le sujet. Il était donc vraiment temps que nous fassions le tour de la littérature et la mise à jour des recommandations », explique Mme Ruchat. Une subvention des Instituts de recherche en santé du Canada a permis aux chercheurs d’effectuer ce travail.
Une méthodologie rigoureuse
Afin d’informer les nouvelles lignes directrices, les chercheurs ont suivi une méthodologie très rigoureuse et basée sur un protocole très strict « Nous avons revu 25 000 articles scientifiques. Ce fut un travail de moine, mais nous avons obtenu ce nombre d’articles parce que nous souhaitions ratisser le plus largement possible le sujet à l’étude », note la chercheuse. En effet, 37 paramètres de santé ont été sélectionnés pour étude. À la suite de l’analyse des articles, les chercheurs en ont retenu 675. Ces études ont été incluses dans 12 revues systématiques de la littérature et méta-analyses qui ont servi à informer les recommandations.
La professeure Ruchat a été, dans un premier temps, responsable de la révision de la littérature portant sur les effets de l’activité physique sur les paramètres de santé maternelle. C’est avec l’aide de deux étudiantes de l’UQTR, Andrée-Anne Marchand et Anne Courbalet, que la sélection des articles et l’extraction des données ont été effectuées. Andrée-Anne Marchand a par la suite corédigé une des revues systématiques portant sur les douleurs lombo-pelviennes, une problématique avec laquelle elle est familière puisqu’elle est chiropraticienne.
Des résultats sans équivoque !
Les résultats que les chercheurs ont obtenus démontrent que la pratique régulière de l’activité physique durant la grossesse est non seulement sécuritaire pour la mère et son futur enfant mais qu’en plus, elle permet d’améliorer des paramètres-clés de la santé. En pratiquant 150 minutes par semaine d’activité physique variées (activité d’endurance et de renforcement musculaire) d’intensité modérée, les femmes voient leur risque de diabète de grossesse, d’hypertension de grossesse et de prééclampsie (une affection très sérieuse qui peut mettre en danger les vies de la mère et de son fœtus) diminuer de 40 % et celui de dépression de 25 %. Comme l’indique Mme Ruchat, « un effort modéré nous permet de dialoguer avec quelqu’un durant l’effort, mais pas de chanter. L’effort devient plus intense lorsque, par exemple, nous ne sommes plus en mesure de dire plus que quelques mots sans avoir besoin de prendre une pause pour respirer ».
C’est ainsi que la marche, le vélo stationnaire, la nage et plusieurs autres activités sont préconisées par les chercheurs pour permettre aux femmes enceintes de garder un mode de vie actif durant leurs grossesses. L’activité physique hebdomadaire devrait s’échelonner sur un minimum de trois jours mais idéalement, les femmes devraient être actives tous les jours. La professeure Ruchat souligne que « ces nouvelles recommandations représentent un changement fondamental dans notre vision de l’activité physique prénatale : on est passé d’un comportement qui était recommandé à une composante critique et précise du mode de vie des femmes enceintes pour vivre une grossesse en santé ». Elle espère ainsi « voir dans les prochaines années de meilleures statistiques concernant le pourcentage de femmes enceintes qui atteignent nos recommandations ». En effet, moins de deux femmes enceintes sur dix au Canada répondent à la nouvelle recommandation minimale de 150 minutes d’activité physique par semaine.
Plusieurs acteurs concernés
Près de 25 personnes ont contribué à la réussite de ce projet. En plus des trois chercheurs qui ont été à la tête de ce dernier, un groupe d’experts a été formé pour le mener à bien : chercheurs nationaux et internationaux dans le domaine de l’activité physique prénatale, experts en méthodologie (développement de guide de pratiques cliniques, biostatistiques, recherche littéraire), professionnel de l’exercice, représentants de la Société canadienne de physiologie de l’exercice (SCPE), de la Société des obstétriciens et gynécologues du Canada (SOGC), du Collège des médecins de famille du Canada, de l’Association canadienne des sages-femmes, de l’Académie canadienne de la médecine du sport, et de l’exercice et de L’exercice: un médicament Canada, et d’un représentant de la santé publique (Bureau de santé de Middlesex-London). Le but avoué de cette initiative était de travailler avec les instances susceptibles d’utiliser ces lignes directrices dans le cadre de leurs fonctions professionnelles.
Les Lignes directrices canadiennes sur l’activité physique durant la grossesse ont été publiées conjointement par la SOGC et la SCPE et sont accessibles à tous en anglais et en français sur leur site internet.