Depuis que je m’intéresse à l’étude de la langue, j’ai pris soin de consigner des passages de mes lectures qui méritaient d’être notés, qu’ils soient tirés d’ouvrages de linguistique, de romans, de poésie, ou d’essais ou même de textes publiés dans les médias et en lien avec la langue.
Ces citations cadrent bien avec le grand titre de ces chroniques, soit des Réflexions linguistiques. La lecture de ces passages permet d’exercer un esprit critique à propos de la langue sous ses divers aspects ou d’en découvrir les subtilités. Permettez-moi de partager avec vous ces quelques exemples dont les signataires sont des linguistes reconnus ou de bons auteurs.
Vive l’emprunt linguistique !
« La force d’une langue n’est pas de repousser l’étranger mais de le dévorer » (Goethe).
« Qu’on voit en ce que j’emprunte si j’ai su choisir de quoi rehausser mon propos » (Montaigne).
« Le jour où elles se fixent les langues se meurent » (Victor Hugo).
Au-delà des mots
« …un geste ou une mimique peut commander l’actualisation d’un trait sémantique » (François Rastier).
« Les oiseaux se font prendre par les pattes et les hommes par leur langue » (auteur inconnu).
Dictionnaires
« Les mots ne vivent pas dans les dictionnaires; ils vivent dans l’esprit. Et comment vivent-ils dans l’esprit? Exactement comme les humains, en étant changeants, mystérieux, en errant de-ci de-là, en tombant amoureux, en s’accouplant » (Virginia Woolf).
« Un dictionnaire, c’est tout l’univers par ordre alphabétique » (Anatole France).
« Le dictionnaire est certainement l’une des plus grandes inventions intellectuelles de l’humanité » (Jean-Claude Boulanger).
« Cette grosse boîte de mots comme une énorme boîte de chocolats mélangés » (Félix Leclerc).
Grammaire
« Le français n’est pas écorché par tout le monde, et quelques solécismes oraux par-ci par-là, quelques barbarismes lexicaux aussi (par exemple le “si j’aurais voulu”, “si je viendrais”, courant en Picardie) émaillant pittoresquement les propos, ne portent pas à une langue un tort irrémissible » (Berthier et Colignon).
« Je m’en vais ou je m’en va, car l’un ou l’autre se disent je crois » (phrase de Claude Favre, seigneur de Vaugelas, célèbre grammairien français, prononcée sur son lit de mort).
Euphémisme
« Plus ça va, plus notre langue s’édulcore, s’affadit, s’adoucit, comme si le mot lénifiant avait une vertu curative, gommait la réalité honteuse, douloureuse, ou simplement gênante » (Josée Doyère).
Poésie
C’est un enfant qui trouvera
Les mots qui vont sauver le mode
Regardez-les faire leur ronde
Avec l’air de ne pas être là
Vos mots que je lance
Loin de nous s’en vont
Briser des silences
Et bâtir des ponts
(Gilles Vigneault)
Méchant…
« Un homme qui parle trois langues est trilingue. Un homme qui parle deux langues est bilingue. Un homme qui ne parle qu’une langue est anglophone » (Claude Gagnière).
Pour qui veut en savoir plus, les dictionnaires de citations, publiés depuis longtemps surtout par des éditeurs de dictionnaires, contribuent à alimenter richement les réflexions, tous sujets confondus. Mentionnons la parution récente de l’anthologie C’est pas parce qu’ils sont nombreux à avoir tort qu’ils ont raison – 12 923 citations pour aiguiser l’esprit critique[1]. La première partie, plutôt originale, de ce titre est justement une phrase de Coluche. Classés par thèmes, par exemple, sous « langue », « langage », le lecteur y découvrira des passages intéressants. Les auteurs de ce dictionnaire écrivent que l’ouvrage « donne la parole à quelque 3 500 auteur.e.s qui se sont exprimés depuis quatre millénaires et sur les six continents ».
Référence
[1] Boyer, Jean-Pierre Photos de Pierre Crépô (2018), Montréal, Écosociété, 779 pages.