C’est avec tristesse que la communauté universitaire a appris le décès, survenu le dimanche 28 avril 2019, de monsieur Jacques R. Parent, ancien recteur, créateur de la Fondation de l’UQTR et grand ambassadeur de notre université.
Après avoir obtenu son doctorat en génie chimique à l’Université Laval et fort d’un stage postdoctoral sur les phénomènes de transfert à Stanford, Jacques R. Parent débute sa carrière de professeur, mais pas pour très longtemps, puisque dès son arrivée, il occupe la direction du module d’ingénierie. Rappelons qu’au printemps 1969, l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) compte quatre programmes de baccalauréat en génie.
Il faut croire qu’il avait une fibre de visionnaire et de gestionnaire puisque dès la cinquième réunion du conseil d’administration, le voilà nommé doyen des études avancées et de la recherche. Il le sera jusqu’en 1978. Tout est à faire et à bâtir autour de la recherche : mise en place de politiques, organisation des études et des programmes de cycles supérieurs, accompagnement et réglementation des centres de recherche, l’éthique, les procédures diverses autour des commandites et subventions, etc.
Le 20 mars 1978, Jacques Parent n’a que 38 ans lorsqu’il est nommé vice-recteur à l’enseignement et à la recherche, et il sera nommé recteur alors que l’UQTR célèbre son quinzième anniversaire, le 22 décembre 1983. Très estimé par la communauté universitaire, il assumera deux mandats qui auront des répercussions majeures sur l’UQTR.
Infatigable curieux, il était de tous les comités, de toutes les implications, de tous les efforts. Il s’impliquait à l’UQTR, à l’Université du Québec, dans de nombreuses organisations et dans la région. Et il est demeuré fidèle dans ses attachements, dont l’exemple le plus éloquent est son attachement à la Fondation chiropratique qui ne s’est pas démenti depuis la mise en place du doctorat de premier cycle en chiropratique, en 1994.
Dresser la liste des réalisations auxquelles sa figure est associée nécessiterait des rouleaux entiers de papyrus, mais voici quelques contributions dans un parcours pavé de grandes idées et d’un repositionnement dont on recueille encore aujourd’hui les fruits.
En juin 1984, il initie la Table de concertation enseignement supérieur-milieu. Il était fondamental pour lui que l’UQTR assure une présence beaucoup plus dynamique et articulée avec nos partenaires du milieu éducatif, économique et culturel régional. C’est dans cet esprit d’ouverture que la même année, le Bureau de coopération internationale de l’UQTR, le premier du Réseau UQ, était créé. Voici comment il illustrait lui-même, dans le rapport annuel de 1983-84, la performance de l’UQTR, alors que le nombre d’ententes ne cessait de croître avec plusieurs pays : « Une des conséquences de ces ententes est la transformation de l’Université en un véritable foyer culturel et scientifique où convergent les colloques, les séminaires et les congrès tant nationaux qu’internationaux[1] ».
Ce qu’il aura porté comme doyen, puis comme vice-recteur, aboutira durant ses deux mandats à la mise en place de structures aujourd’hui majeures pour la communauté et le campus : le Centre interuniversitaire d’études québécoises et le lancement du programme de doctorat, la création de la Fondation de l’UQTR, le doctorat en génie papetier, le doctorat de premier cycle en chiropratique.
Au printemps 1989, à la Conférence socioéconomique de la région, l’UQTR prend l’initiative de trois projets d’envergure : le Musée des arts et traditions populaires du Québec, un Centre de recherche sur l’hydrogène, un banc d’essai en pâtes et papier. Lors de la réforme de la politique de formation des maîtres, en 1990-1991, l’UQTR fait preuve de leadership, et est la première université à déposer un nouveau programme de baccalauréat d’enseignement secondaire, mettant l’accent sur les nouveaux besoins d’une formation pédagogique plus poussée et d’une plus grande polyvalence des maîtres dans les matières à enseigner. Il a en outre collaboré à la réorientation des secteurs économique et gestion vers les PME et leur environnement ; il s’est assuré que la collaboration de Bombardier pour la Chaire de recherche sur les PME est acquise. Il fut aussi le premier directeur de notre École d’ingénierie, mais son architecte également, puisqu’il en a pensé la structure. Du côté des infrastructures, là encore, la liste est longue : construction de nouvelles résidences, du Centre de l’activité physique et sportive, ajout d’un étage au pavillon Ringuet, construction de l’Institut de recherche sur l’hydrogène, entrepôt des produits chimiques, etc.
Fortifier la vocation générale de l’UQTR et sa pertinence régionale à travers les partenariats étaient prioritaires pour Jacques Parent. Lorsqu’il quitte le rectorat en 1993, l’UQTR a 25 ans, « l’âge de la maturité », pour le citer.
La présence accrue de l’UQTR dans le domaine de la santé n’est pas étrangère à sa fougue et à son sens de la ténacité. Si nous avons aujourd’hui la grande opportunité d’accueillir près du tiers de nos étudiants dans des programmes en santé, dont plusieurs n’ont pas d’équivalent ailleurs, c’est en grande partie grâce à l’élan qu’il a donné. Élan, parce que Jacques Parent était un leader, un homme profondément respectueux dont l’acuité lui permettait d’identifier les forces des gens qui l’entouraient et de les valoriser pour que ceux-ci se dépassent et atteignent les résultats souhaitables.
Jacques Parent, il était entier. Son engagement, il était total. Il est un de nos fondateurs et il était encore aussi dévoué et dynamique pour l’UQTR, même quelques jours avant son décès. Les collègues qui ont eu le bonheur de le côtoyer au quotidien ou par le biais des instances de l’Université saluaient « sa connaissance des dossiers, sa rigueur intellectuelle, son respect des procédures, sa fidélité aux décisions[2] », son sens de l’écoute et sa disponibilité. En 1997, on lui remettait la Médaille de l’UQTR pour souligner l’ensemble de sa contribution, son sens de l’organisation et son implication dans la communauté régionale. À l’automne 2018, il faisait partie des personnalités qui recevaient la Médaille du cinquantième de l’Université du Québec.
En guise d’hommage, nous laissons le mot de la fin à son ancien patron, le recteur Louis-Edmond Hamelin, auquel Jacques Parent a succédé :
Si les historiens écrivent l’histoire, le vice-recteur Jacques Parent, lui, a fait une partie importante de l’histoire de cette Université. « Le style, c’est l’homme. » La façon dont monsieur Parent s’est acquitté de ses importantes fonctions reflète des traits de caractère bien campés. Il est un homme fortement engagé dans ce qu’il fait, d’un enthousiasme sans limite, d’une persistance sans défaillance à poursuivre ses objectifs ; il prépare et fait préparer ses dossiers comme je ne l’ai jamais vu faire auparavant par quiconque. Chimiste et ingénieur de profession, il est un homme ordonné, cherchant partout et toujours des cheminements logiques, préparant des solutions, contrôlant les expériences et se destinant vers une réponse aux problèmes posés. Une mécanique efficace semble l’habiter. Il possède la finalité inexorable du solutionnaire. Jacques Parent pourrait être considéré comme l’un des « fondateurs » de l’Université et à divers titres : organisation de la recherche sans doute, mais aussi préparation de politiques, structurations de cellules de travail, administration efficace et surtout attachement inconditionnel à l’institution[3].
Les pensées sincères de toute la communauté universitaire accompagnent sa famille et ses amis.
Références
[1] Rapport annuel 1983-1984.
[2] Extrait du procès-verbal de la 200e réunion du conseil d’administration, 22 novembre 1982. Résolution 200-CA-1312, Témoignage de reconnaissance à M. Jacques R. Parent à l’occasion de son départ du CA.
[3] Louis-Edmond Hamelin (avec la collaboration de Clermont Dion et Guy Godin), Les chemins de l’Université, 1985, p. 137.