Pour la majorité des étudiants de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), la fin de la session est synonyme de remises de travaux et passation d’examens. Pour les étudiants des programmes en arts visuels, la fin de l’année scolaire signifie aussi la présentation d’un événement qu’ils attendent tous avec beaucoup d’impatience : l’exposition des finissants à la Galerie R3 de l’Université. Cette année, en raison de la période de confinement et de la fermeture du campus, l’activité, d’abord annulée, est finalement passée au mode virtuel. Les étudiants ont donc dû faire appel à leur grande créativité afin d’adapter leurs œuvres à la nouvelle réalité.
Il faut savoir que cette exposition est primordiale pour les étudiants du domaine des arts visuels. C’est souvent la première chance qu’ils ont d’exposer leurs créations dans un lieu public. La visibilité offerte, à la fois par la soirée du vernissage et par l’exposition elle-même, est excellente pour ces jeunes artistes en quête de visibilité et de reconnaissance. Plusieurs prix et bourses sont également remis à l’issue de l’exposition. Les finissants mettent des semaines, voire des mois, à concevoir les œuvres qu’ils y présenteront. Il est donc facile d’imaginer leur déception lorsqu’ils ont appris que cet événement important au sein de leur cheminement n’aurait pas lieu cette année.
Toutefois, grâce à Lorraine Beaulieu, attachée d’administration au Département de philosophie et des arts et responsable de la Galerie d’art R3, une exposition virtuelle a pu être rapidement offerte aux étudiants comme alternative. Dès le début de la crise, le milieu de la diffusion des arts a enclenché le mode virtuel pour assurer la visibilité de plusieurs contenus culturels. C’est ce qui a incité Mme Beaulieu à tenter le coup pour la cohorte 2019-2020 des finissants.
Avec la collaboration des collègues du Service des technologies de l’information, la page d’accueil du site de la Galerie R3 a pu être améliorée et adaptée. « Notre site n’est pas nécessairement conçu pour présenter des expositions virtuelles, mais nous sommes tout de même parvenus rapidement à un résultat satisfaisant, qui permet de donner de la visibilité aux travaux de nos étudiants », tient à préciser Mme Beaulieu. Sans cette initiative, les étudiants auraient simplement soumis leurs projets à leurs professeurs. Hormis ces derniers, personne n’aurait pu voir de quoi ces artistes de la relève sont capables.
Après le choc, on se retrousse les manches !
Au départ, l’étudiante Isabelle Turcotte n’a pas très bien pris l’annulation de ce rendez-vous annuel. Maintenant, avec le recul, elle est heureuse de la tournure des événements et de la tenue d’une exposition sur le Web. « Honnêtement, au début, j’ai mal réagi, pas à cause des professeurs, mais en raison de la situation que je trouvais totalement injuste. Ça fait des années que nous sommes aux études, nous avons très hâte de présenter le fruit de notre travail. Quand j’ai su qu’il y aurait une exposition virtuelle, j’étais contente de savoir que le public pourrait voir nos œuvres », indique la finissante.
La poursuite du projet a nécessité de la souplesse et de l’imagination pour les étudiants. Pour Isabelle Turcotte, qui souhaitait présenter trois dessins grand format et de la sérigraphie, l’adaptation a quand même été assez facile. Elle avait tout le matériel nécessaire à la maison pour réaliser ses dessins. Par contre, elle a dû renoncer à la sérigraphie, n’ayant plus accès aux ateliers du pavillon Benjamin-Sulte. Pour la même raison, elle n’a pas pu concevoir les encadrements qu’elle avait prévus pour mettre en valeur ses œuvres. Pour l’exposition virtuelle, elle a choisi de réaliser un montage avec le logiciel Photoshop afin de donner au public une meilleure idée de ses dessins, si ceux-ci avaient pu être exposés à la galerie dans leur format original.
Difficile incertitude et travail acharné
Pour Gabriel Mondor, également étudiant au baccalauréat en arts visuels (arts plastiques), l’annulation de l’exposition en galerie a été un grand choc. « Le projet de fins d’études, c’est la consécration de notre travail, c’est LE projet qui nous met au monde. J’ai commencé à y travailler en septembre dernier. J’y ai mis énormément de temps et de cœur. Au début du confinement, nous n’avions aucune information, je ne pouvais pas avancer. Cette latence était intenable pour moi », avoue l’étudiant.
Une fois le choc passé, Gabriel s’est attelé à la tâche pour adapter son œuvre, intitulée Projet SAMOHT. Son travail se compose de nombreux témoignages filmés à la suite d’un événement immersif multisensoriel. Pour sa collecte de témoignages, l’étudiant a créé, l’hiver dernier, une gigantesque montagne de neige sur la ferme familiale, à Lavaltrie. Sur une base volontaire, une soixantaine de personnes ont pu visiter la montagne. Que ce soit par l’aménagement de l’espace, les objets utilisés, les effets de lumière noire ou la musique diffusée, tout avait été mis en œuvre pour que les sens des participants soient stimulés. Ceux-ci ont par la suite été filmés à trois reprises afin qu’ils racontent leur expérience : une journée, une semaine, puis un mois après leur passage.
En temps normal, Gabriel Mondor aurait présenté des projections en taille réelle sur les murs de l’espace d’exposition 0-3/4 (soit la salle noire) de l’Atelier Silex de Trois-Rivières. Devant chaque projection, coupoles et douches sonores auraient également été installées. Comment transposer ces éléments vers une exposition entièrement virtuelle ? Difficilement, aux dires du principal concerné. « Mon œuvre est une installation et selon moi, ça ne peut pas être présenté sur un site web. J’ai donc créé virtuellement une pièce comme celle dans laquelle je devait exposer et j’y ai placé mes œuvres. J’ai voulu faire comme si on était dans la pièce, mais ce n’est jamais pareil comme l’œuvre réelle », explique-t-il.
Pour parvenir à ses fins, il a décidé d’apprendre à utiliser le logiciel Adobe After Effects, un outil utilisé pour créer des effets spéciaux et des animations graphiques. Grâce à un ami, il a aussi acquis les notions de base pour se servir de SketchUp, un outil de conception 3D.
Gabriel Mondor a fait preuve d’une grande dose de résilience et de détermination pour pouvoir transmettre au public un petit bout de son œuvre et certains apprentissages ont été difficiles. Mais il apprécie beaucoup le fait qu’une exposition virtuelle ait été mise en place. « C’est comme si on nous avait dit : on sait ce qui vous arrive et c’est difficile, mais on va au moins organiser ça. En un sens, c’est touchant, ça veut dire qu’on a de l’importance, que nous ne sommes pas des numéros à l’UQTR », confie M. Mondor.
Plus de 20 artistes à la même adresse
L’exposition des finissants de premier cycle, qui regroupe 20 artistes, est accessible sur site de la Galerie R3. Les étudiantes de 2e cycle, Mélanie Mercier et Gaétane Dion, prendront respectivement la relève à compter du 13, puis du 20 mai, à la une de du site de la galerie. Rappelons enfin que Christine Ouellet, également étudiante aux cycles supérieurs, a exposé ses œuvres au début du mois de mai. Toutes les expositions pourront être revues sous l’onglet Expositions antérieures des finissants.