Est-ce que le déconfinement que la société québécoise vit actuellement va sauver votre couple ? Il se peut bien que oui ! Parce que vivre le confinement en couple n’est pas une période facile pour bien des conjoints. Néanmoins, la bonne gestion des conflits conjugaux, en tout temps, peut sauver votre couple. Voici quelques conseils et pistes de réflexion.
« Les conflits sont inévitables dans les relations de couple, puisque deux conjoints ne peuvent désirer exactement les mêmes choses en tout temps et au même moment. Cela est encore plus vrai en ces temps de pandémie et de confinement. Les conjoints se retrouvent ensembles toute la journée et les conflits s’en trouvent exacerbés s’il y a d’autres stresseurs présents dans l’entourage immédiat, comme l’encadrement continuel des enfants, les difficultés financières, ainsi qu’une panoplie de préoccupations et de peurs », explique Yvan Lussier, professeur au Département de psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Celui-ci ajoute : « Les conflits sont un mal nécessaire dans la relation de couple, car ils permettent la négociation d’enjeux importants pour les conjoints en regard de leurs objectifs de vie. Ils leur fournissent l’opportunité d’évaluer et de remettre en question leurs sentiments et croyances envers leur conjoint et la relation. Toutefois, il ne faut pas les laisser être destructeurs. »
Qu’est-ce qu’un conflit ?
Un conflit apparait lorsqu’une personne exprime, verbalement ou non verbalement, quelque chose ou un comportement qui interfère avec les valeurs, les attentes ou les buts du partenaire. Le processus menant au conflit n’est pas toujours direct ; il est bien souvent subtil et complexe.
« Parfois, les conjoints ne savent plus trop qu’est-ce qui a conduit au conflit… Il est là, tout simplement ! Souvent, il provient de petites choses négatives qui se sont accumulées au fil du temps ou au cours d’une période précise comme, par exemple, pendant le confinement. Cette accumulation génère parfois une réaction démesurée face à une nouvelle situation irritante, agissant comme la goutte qui fait déborder le vase et venant servir de soupape pour les frustrations accumulées mais non exprimées », précise Marie-Pier Vaillancourt-Morel, également professeure au Département de psychologie de l’UQTR.
Conflits et sexualité
La chercheuse poursuit : « Les problèmes entourant la sexualité peuvent être majeurs, surtout en termes de fréquence. Ça ne tente pas toujours à l’autre conjoint d’avoir des relations sexuelles avec les tensions ou les préoccupations reliées à la situation de pandémie, par exemple après avoir passé toute la journée à alterner entre le télétravail et s’occuper des enfants. Également, les enjeux reliés à la communication, les tâches ménagères, la jalousie – surtout si le conjoint passe beaucoup de temps sur les réseaux sociaux ou sur les sites pour adulte –, les finances, la consommation d’alcool ou d’autres drogues, les relations extra-conjugales, les mensonges, une trahison de confiance, le manque de soutien, entre autres, émergent le plus souvent comme étant les sources de conflits conjugaux plus susceptibles d’entraîner une rupture. »
Quel type de couple êtes-vous ?
Il y a plusieurs façons de gérer des conflits, du positif au négatif, en fonction du type de couple. Les couples validant démontrent une capacité à s’appuyer l’un sur l’autre émotionnellement, et à se parler et s’écouter calmement pendant la résolution de conflit. Idéalement, tout couple aimerait être comme cela.
Les couples explosifs sont des individus plutôt passionnés qui cherchent à s’influencer, se disputent fréquemment et sont très expressifs émotionnellement.
Les couples hostiles sont caractérisés par des patrons défensifs de retrait, de critiques et de mépris entre les conjoints.
Les conjoints de type évitant tendent à minimiser les conflits, sont relativement neutres émotionnellement et plutôt distants.
« Le mélange de ces styles peut entrainer des patrons d’interaction nuisibles qui peuvent causer ou amplifier des conflits. Par exemple, on voit souvent le patron demande – retrait, dans lequel un partenaire, identifié comme le poursuivant, tente d’amener son conjoint à changer en lui faisant des demandes, souvent persistantes, tandis que l’autre évite le changement en se retirant de la discussion, se montrant passif ou en s’opposant », affirme Yvan Lussier.
Les stratégies négatives de gestion des conflits peuvent mener à des conséquences néfastes pouvant aller jusqu’au contrôle et aux comportements de violence au sein du couple.
Que doit-on faire pour gérer des conflits ?
Les deux chercheurs de l’UQTR, Yvan Lussier et Marie-Pier Vaillancourt-Morel, se sont adjoints à leur collègue Audrey Brassard, professeure au Département de psychologie de l’Université de Sherbrooke, pour proposer une saine gestion des conflits conjugaux.
D’abord, vous ne devez pas voir votre partenaire comme un ennemi, mais bien comme un allié. Ensemble, par votre engagement mutuel, vous avez bâti votre couple et votre famille. Vous devez faire équipe ! Des échanges réguliers, pour ne pas dire quotidiens, sur le fonctionnement à la maison, surtout en période de pandémie, où chacun est libre d’exprimer ses besoins et attentes, pourraient permettre d’éviter l’accumulation des frustrations. Malgré tout, il est fort possible que certains conflits émergent ; rappelez-vous, c’est tout à fait normal.
En situation de crise où un conflit vient littéralement d’exploser, ce n’est pas toujours le temps d’essayer de le régler. La situation ne peut que s’envenimer. Vous devez exprimer à votre conjoint que vous devenez trop émotif. Prenez un temps d’arrêt pour sortir à l’extérieur ou changer de pièce.
Trouvez un moment propice où vous serez disposés à vous écouter sans être fatigué, sans interférence des enfants ou d’autres distractions, sans consommation de drogue ou d’alcool. Ça sera peut-être lorsque les enfants seront en train de regarder un film ou couchés.
Donnez-vous quelques règles de fonctionnement pour discuter du conflit : celui qui va parler en premier ; une seule personne parle à la fois ; l’autre doit écouter sans interrompre, etc. Les échanges devront se faire de manière respectueuse et égalitaire (il ne faut pas qu’il y ait un dominant ou un contrôlant et un soumis ou une victime).
Exprimez ce que vous avez ressenti lorsque le conflit a éclaté. Toutefois, ne monopolisez pas tout le temps. Évitez la critique, les accusations, les attaques, le blâme et surtout le retour sur de vieux confits non réglés.
Chacun devra suggérer des solutions potentielles positives qui permettraient de régler le conflit. Une fois que toutes les solutions auront été mises sur la table, vous devrez les évaluer et choisir la plus réaliste qui conviendrait aux deux. Si cette solution que vous aurez mise en pratique fonctionne, tant mieux. Sinon, vous devrez voir ce qui n’a pas fonctionné en exprimant votre point de vue. Vous devrez peut-être revoir et évaluer les autres solutions ou en suggérer de nouvelles. L’important, c’est que la solution retenue convienne aux deux et qu’elle puisse vous aider à retrouver une meilleure qualité de vie conjugale.
Il est bon de préciser que plus vous vivez de la détresse ou êtes malheureux à l’intérieur de votre vie de couple, plus il sera difficile d’atteindre une résolution de problème efficace. Une aggravation des problèmes peut survenir au lieu d’une diminution. Alors, il serait plus profitable d’aller chercher l’aide auprès d’un psychothérapeute (plusieurs travaillent en télé-pratique), qui a une expertise auprès de couples. À long terme, des désaccords en apparence mineurs peuvent prendre de l’ampleur s’ils ne sont jamais résolus et se transformer en conflits majeurs, qui risquent davantage de miner la qualité des interactions du couple et conduire à une rupture.