Participer à la plus grande expédition scientifique jamais menée en Arctique : c’est le rêve qu’a réalisé Alex Mavrovic, doctorant en sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Pendant plus d’un mois, il a travaillé sur la banquise et côtoyé des experts du monde entier, contribuant à un immense projet de collecte de données sur l’Arctique, une région à propos de laquelle il reste beaucoup à apprendre.
C’est en répondant à un appel de candidatures qu’Alex été sélectionné pour prendre part à cette expédition, appelée MOSAiC (Multidisciplinary drifting Observatory for the Study of Arctic Climate). Seulement une trentaine de doctorants à travers le monde ont pu se joindre à ce vaste projet.
« Il a fallu une dizaine d’années pour préparer cette expédition, destinée à recueillir de multiples informations sur l’Arctique et son environnement, afin de mieux comprendre et prévoir les changements climatiques. Le projet consistait à établir un camp de base sur la banquise et à le laisser dériver avec les glaces pendant un an, à travers l’océan Arctique. Une centaine de scientifiques provenant de 20 pays se sont succédé à ce camp de base, de l’automne 2019 à l’automne 2020, pour y mener des recherches », explique Alex.
Faisant partie de la première équipe envoyée en Arctique, l’étudiant y a passé six semaines. Il a participé à l’installation du camp de base – dont le bâtiment principal était un brise-glace figé volontairement dans la glace – et au déploiement des instruments de mesure. L’équipe s’est également déplacée jusqu’à 50 km de distance du camp de base, pour placer différents équipements de recherche (radars, sondes, capteurs, bouées, stations météorologiques, etc.).
« Nous avons dû relever plusieurs défis, mentionne Alex. Il a d’abord été long et difficile de trouver une glace suffisamment épaisse pour accueillir nos installations, incluant des routes et un aéroport. Le froid rendait aussi nos opérations plus ardues et les mouvements de la glace déplaçaient souvent nos instruments. Nous devions également assurer une surveillance constante des ours polaires, pour garantir la sécurité des équipes. »
Le doctorant qualifie son expérience de marquante et d’inoubliable. « C’était une chance unique. J’ai pu côtoyer des experts mondiaux très expérimentés et échanger avec eux. J’ai d’ailleurs gardé contact avec des gens rencontrés là-bas. Je suis très heureux d’avoir participé à MOSAiC, car c’est probablement la dernière expédition de cette envergure dans l’Arctique, en raison de la fonte de la banquise. »
L’appel du Nord
MOSAiC n’est pas la première expédition scientifique en territoire nordique à laquelle a participé Alex. Pendant son parcours universitaire, il a étudié l’environnement boréal au nord du Québec et de la Saskatchewan. Il a aussi mené des recherches sur les milieux présentant des risques d’avalanche dans les Rocheuses canadiennes et les monts Chic-Chocs (Gaspésie). Il s’est également déplacé à Inuvik (Territoire du Nord-Ouest) et en Finlande.
« Je travaille maintenant sur mon projet de recherche doctoral qui vise le développement d’outils utilisant la télédétection et la technologie satellitaire, pour mieux suivre l’évolution du climat en Arctique. Dans cette région, il y a très peu de stations météorologiques et l’information climatique est peu disponible. C’est pourquoi il faut faire appel aux satellites, qui survolent l’Arctique chaque jour, pour obtenir des données », indique le doctorant, dont les travaux se déroulent sous la direction du professeur Alexandre Roy (sciences de l’environnement, UQTR) et la codirection de Juha Lemmetyinen de l’Institut météorologique finlandais.
Développer des modèles climatiques
Alex Mavrovic s’intéresse tout particulièrement aux conditions du climat en période hivernale en Arctique. Actuellement, les données brutes fournies par les satellites ne permettent pas d’extraire facilement des informations comme l’épaisseur et la densité de la neige ou la température au sol sous la neige. Le doctorant veut donc améliorer le traitement des données provenant des satellites, pour obtenir des renseignements météorologiques utiles.
« Pour en arriver à cela, nous devons aller en Arctique et prendre des mesures directement sur le terrain. Nous pouvons alors comparer nos résultats avec les données satellitaires enregistrées aux mêmes dates. Cela nous permet de mettre au point des méthodes pour produire des informations fidèles à la réalité, à partir des données collectées par les satellites », mentionne le doctorant, qui a reçu récemment une bourse du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie (CRSNG) du Canada.
À l’intérieur de son projet doctoral, Alex se préoccupe aussi des échanges de CO2 entre l’atmosphère et le sol, en Arctique. « En été, la toundra capture du CO2 grâce à la photosynthèse des plantes présentes. Mais en hiver, le sol relâche ce CO2 vers l’atmosphère. Il faut arriver à bâtir un modèle scientifique pour illustrer ces échanges gazeux, car cela nous servira d’indicateur pour mieux comprendre l’évolution du climat », souligne le chercheur.
Pour ses travaux, Alex utilise principalement les données de satellites faisant appel à la technologie des micro-ondes. Ces dernières pouvant traverser la neige ainsi qu’une partie du sol et de la végétation, elles fournissent des renseignements fort utiles au doctorant. « Mes recherches m’amènent à travailler souvent avec les agences spatiales, dont la NASA. Je participe aussi à l’amélioration d’un modèle météorologique avec Environnement Canada », rapporte-t-il.
L’étudiant espère pouvoir bientôt retourner en milieu nordique pour poursuivre ses recherches. La pandémie de COVID-19 ne lui permet pas de voyager pour le moment, mais les projets ne manquent pas. « Avec les données que j’avais déjà recueillies sur le terrain, j’ai pu développer de nouveaux types de mesure. J’ai hâte de valider ces idées en sol nordique, possiblement au Canada, en Finlande et dans l’Arctique », ajoute-t-il.