Sur une scène de crime, les services de police amassent différents types de traces pouvant éventuellement les aider dans leur enquête. Mais est-il possible de recueillir les traces de parfum laissées par un criminel, par exemple sur les vêtements d’une victime d’agression sexuelle, et d’en tirer des renseignements utiles? Ce sujet, encore peu exploré par les scientifiques du domaine de la criminalistique, est actuellement l’objet des recherches de Camille Gendron et Elizabeth Audette, étudiantes au baccalauréat en science forensique de l’UQTR.
« Nous avons choisi ce sujet pour notre projet de séminaire de fin de baccalauréat, explique Elizabeth Audette. Tout le monde ou presque porte du parfum, mais il n’y a pas beaucoup de recherches qui ont été faites sur les traces de transfert de parfum, en science forensique. Nous avons donc voulu vérifier si nous étions capables de récupérer des traces de parfum laissées sur un tissu et de les analyser, afin de pouvoir déterminer de quel parfum il s’agit. »
S’initier à la recherche : une expérience formatrice
Le projet de séminaire en science forensique se déroule sur deux trimestres. L’automne dernier, Camille et Elizabeth ont d’abord effectué une revue de la littérature scientifique, pour établir ensuite leur procédure de recherche.
« Nous avons trouvé quatre articles en criminalistique liés à l’extraction des parfums, publiés par la chercheuse européenne Simona Gherghel. Nous avons alors décidé de baser notre expérimentation sur les travaux de cette scientifique, mais en utilisant une méthode différente pour extraire les parfums des tissus et récupérer leurs composés volatils. Cette technique a été développée par le chercheur français Vincent Cuzuel, pour l’extraction des fragrances de l’odeur humaine », rapporte Elizabeth Audette.
Les deux chercheuses ont mené leurs travaux en laboratoire au cours de l’hiver. Elles ont d’abord déposé du parfum sur du tissu, laissant quelques minutes au liquide pour imprégner les fibres. Elles ont ensuite placé le tissu parfumé dans un contenant clos, en compagnie d’un solide appelé « polymère adsorbant ». L’ensemble a alors été chauffé dans une étuve, pour que les composés volatils du parfum se dégagent du tissu sous forme de gaz et soient adsorbés par le polymère (c’est-à-dire qu’ils se fixent à la surface de ce dernier).
Une fois les composés du parfum « emprisonnés » sur le polymère adsorbant, ce dernier a été placé dans un autre contenant et chauffé à nouveau, à plus haute température. Ce procédé a permis aux composés volatils du parfum de s’extirper du polymère et de s’accumuler dans le haut du contenant, sous forme de gaz. Les chercheuses ont pu alors récupérer ces gaz à l’aide d’une aiguille transperçant la paroi supérieure du contenant. Ces gaz ont ensuite été analysés dans un appareil prévu à cette fin.
Pendant leurs travaux, les étudiantes ont été dirigées par le professeur en science forensique Frank Crispino. Elles ont aussi bénéficié de la collaboration de Pier-Louis Dumont, un étudiant à la maîtrise en chimie s’intéressant tout particulièrement à la contrefaçon des parfums. « Ces deux personnes, ainsi que les techniciens de laboratoire, étaient toujours là pour nous aider, particulièrement lorsque nous avons rencontré des difficultés pour nous procurer le polymère adsorbant ou utiliser certains appareils », souligne Camille Gendron.
Résultats préliminaires et prochaines étapes
Au moment d’écrire ces lignes, les deux chercheuses viennent tout juste de recevoir les données obtenues lors de leur expérimentation. « Il nous faut maintenant les analyser en profondeur, de dire Elizabeth. Mais les résultats s’annoncent prometteurs. Il semble que la technique que nous avons utilisée a permis d’extraire des composés volatils du parfum imprégné dans le tissu. Nous devons maintenant nous assurer que les composés volatils obtenus sont de bonne qualité et en quantité suffisante pour nous permettre de reconnaître le parfum qui a été utilisé. C’est une condition essentielle pour que ce type de trace soit exploitable par des enquêteurs. »
Les traces de parfum sur tissu utilisées par les deux étudiantes ont été créées en laboratoire, dans des conditions contrôlées. Si les résultats d’analyse s’avèrent suffisamment bons, la technique employée pourra être testée avec des échantillons s’apparentant davantage à ce qu’il est possible de trouver sur une scène réelle de crime.
« Le transfert de parfum comporte aussi plusieurs autres aspects intéressants. Comment distinguer le parfum d’une victime de celui d’un criminel, sur un même tissu? Comment départager les fragrances d’un parfum de celles provenant d’autres produits imprégnant le tissu, comme le détergent à lessive ou un produit d’hygiène corporelle? Quels sont les facteurs influençant le transfert d’un parfum sur un tissu? Comment se dégrade le parfum après le transfert? Toutes ces interrogations ouvrent la porte à d’autres projets de recherche », signale Elizabeth Audette.
L’étudiante et sa collègue présenteront leurs travaux lors de la prochaine conférence des Universités canadiennes pour la science judiciaire, qui se tiendra en mai à l’UQTR. Elles participeront aussi au congrès de l’Acfas, également au mois de mai. « Nous espérons ainsi nous faire connaître de la communauté scientifique forensique, mentionne Camille Gendron. Éventuellement, notre but ultime serait de rédiger un article scientifique sur nos recherches. »
Un milieu d’études stimulant
Provenant de Saint-Jean-sur-Richelieu, Elizabeth Audette a choisi d’étudier en science forensique à l’UQTR afin de marier ses deux intérêts : la science et le domaine judiciaire. Pendant son baccalauréat, elle a pu profiter d’un stage d’initiation à la recherche et réaliser un séjour d’études de quatre mois à l’Université de Lausanne (Suisse). « Ce sont des expériences vraiment enrichissantes, commente-t-elle. L’UQTR fait beaucoup d’efforts pour soutenir les étudiants et leur ouvrir des portes. Dans notre programme, l’enseignement est très personnalisé et nos professeurs sont toujours disponibles pour nous conseiller. Le baccalauréat m’a permis de prendre goût à la recherche et je prévois maintenant continuer mes études à la maîtrise, à l’UQTR ou à l’Université de Lausanne. »
De son côté, Camille Gendron a toujours aimé les sciences et s’est intéressée, dès l’enfance, aux faits divers et à l’actualité judiciaire. La science forensique lui offre ainsi un programme d’études réunissant tous ces aspects. « J’ai aimé mon parcours à l’UQTR. L’entraide qui règne entre les étudiants facilite beaucoup les choses, car nos cours sont exigeants. J’ai aussi apprécié l’accès en tout temps aux équipements informatiques et de laboratoire, dans notre pavillon. Je souhaite maintenant me trouver un emploi après l’obtention de mon diplôme, mais je ne ferme pas la porte à des études à la maîtrise », indique l’étudiante, d’origine trifluvienne.