En octobre dernier, des étudiantes et étudiants de l’UQTR ont effectué une sortie dans les boisés du campus, lors d’un cours du Département des sciences de l’environnement, afin d’y faire la cueillette de champignons en compagnie de leur enseignant. À l’occasion de cette activité, deux participants ont eu la surprise de trouver un champignon plutôt rare qui pousse sous le sol, connu sous le nom de truffe.
« Ces étudiants prenaient part à un cours sur la biologie des champignons que j’ai offert pendant le trimestre d’automne. À l’intérieur de cette formation, deux sorties sont prévues sur les terrains du campus. La première permet de rechercher des champignons épigés, soit ceux qui poussent au-dessus du sol. La seconde est consacrée à la collecte de champignons hypogés, c’est-à-dire souterrains. C’est pendant cette deuxième activité que la truffe a été découverte », rapporte le chargé de cours Théo Devèze, qui est également doctorant en biologie cellulaire et moléculaire à l’UQTR.
Parmi la vingtaine d’étudiantes et étudiants participant à la cueillette des champignons souterrains, ce sont Florence Gagné et Édouard Campbell, tous deux inscrits au baccalauréat en sciences biologiques et écologiques, qui ont récolté des truffes.
« Pour trouver des champignons souterrains, les étudiants doivent d’abord repérer des trous creusés dans le sol par de petits mammifères, comme des rongeurs ou des écureuils. Ces animaux fouillent la terre pour se nourrir de ces champignons. À l’aide de truelles ou de griffes de jardinage, les étudiants grattent ensuite délicatement autour des trous, afin d’y dénicher des champignons hypogés se situant habituellement dans les premiers centimètres de sol », explique Théo Devèze.
Lorsque Florence et Édouard ont découvert quelques spécimens de champignons souterrains, d’environ un centimètre de diamètre, ils ignoraient à quelle variété ils avaient affaire. Ce n’est qu’une fois arrivés en laboratoire, où ils devaient identifier leurs champignons à l’aide de différents critères, qu’ils ont découvert qu’il s’agissait de truffes.
« La truffe présente des traits caractéristiques qui permettent de l’identifier assez facilement, signale Théo Devèze. L’intérieur de ce champignon est ferme et parcouru de veines blanches, ce qu’il est possible de constater lors de la dissection d’un spécimen. »
Une espèce encore inconnue
Mais quel type de truffe a été trouvé par les deux étudiants ? S’agit-il d’une truffe comestible et délicieuse, qui fait le bonheur des gourmets, ou d’une autre variété de ce champignon ?
« Afin de déterminer quelle est l’espèce exacte, il faut effectuer une analyse d’ADN. Pour ce faire, nous avons fourni un échantillon de la truffe au professeur Hugo Germain du Département de chimie, biochimie et physique de l’UQTR. Son équipe a effectué différentes manipulations en laboratoire pour extraire l’ADN du champignon. L’ADN a ensuite été envoyé à l’organisme Génome Québec pour la dernière phase d’analyse, soit le séquençage », précise Théo Devèze.
Moins de deux semaines après la cueillette de la truffe sur le campus, le chargé de cours et ses étudiants ont été informés des résultats obtenus par Génome Québec.
« À première vue, le champignon récolté par les étudiants n’est pas une espèce connue. Il se rapproche d’une espèce de truffe appelée Tuber separans, qui pousse en Amérique du Nord, mais il n’est pas identique à 100 %. Pour s’assurer qu’il s’agit bel et bien d’une nouvelle espèce de truffe, il faudra effectuer d’autres recherches ou possiblement des études d’ADN plus poussées », mentionne Théo Devèze.
Pour l’instant, il est également impossible de savoir si cette truffe inconnue peut être consommée. « Certaines truffes sont réputées comestibles, mais c’est parce que des gens y ont déjà goûté et ont survécu à l’expérience. En fait, il n’y a pas d’autres manières de connaître la comestibilité d’un champignon que de le goûter, avec tous les dangers que cela comporte. En présence d’un champignon sans historique de consommation, il faut donc éviter de le manger. Même en faisant une analyse chimique du champignon, il peut être encore difficile de dire si ce dernier est comestible, car les résultats obtenus peuvent révéler la présence de molécules inconnues, potentiellement toxiques », souligne le doctorant.
Une autre découverte qui remonte à 2019
Selon la chargée de cours et biologiste Véronique Cloutier, qui a développé le cours sur la biologie des champignons à l’UQTR et l’a enseigné pendant quelques trimestres, ce n’est pas la première fois qu’une truffe est trouvée sur le campus.
« En 2019, des étudiants ont découvert sur les terrains de l’UQTR un spécimen de Tuber rufum, une truffe comestible de grande variabilité de physionomies et d’arômes. Chose remarquable, le spécimen trouvé était une truffe lilas d’une très grande beauté », indique Véronique Cloutier. Cette dernière, dont les travaux au doctorat portaient sur les champignons souterrains du Québec et les animaux qui les consomment, a participé à la cueillette de champignons sur le campus avec le groupe d’étudiantes et d’étudiants de Théo Devèze.
La truffe : un champignon fascinant
Les truffes ont ceci de particulier qu’elles vivent en symbiose avec les arbres de leur environnement. « Grâce à un réseau de filaments très fins, appelé mycélium, ce champignon explore le sol et récupère des nutriments. Le mycélium peut également se fusionner avec les racines d’un arbre, formant ainsi une mycorhize qui permet à la truffe de fournir des nutriments et de l’eau à cet arbre. Ce dernier, en retour, distribue à la truffe des sucres issus de la photosynthèse. En ce qui concerne la truffe découverte cet automne sur le campus, elle a été récoltée à proximité de pins blancs et de hêtres à grandes feuilles », décrit Théo Devèze.
Il existe plus d’une centaine d’espèces de truffes, mais seulement un petit nombre sont comestibles. En Europe, les truffes sont bien connues et particulièrement recherchées pour leur valeur gustative et monétaire. Au Québec, des truffes sont trouvées de plus en plus fréquemment et des projets se développent pour cultiver notamment la truffe des Appalaches, prisée des gastronomes.
Pour découvrir où les truffes se cachent dans le sol, il est possible de faire appel à des chiens qui ont appris à reconnaître le parfum caractéristique de ces champignons. « Des cochons sont aussi entraînés pour ce type de prospection, spécifie Théo Devèze. Une truie truffière en formation nous a d’ailleurs accompagnés sur le campus, lors de notre cueillette de champignons. »
En raison des conditions de sécheresse automnale, la récolte des champignons souterrains sur le campus de l’UQTR s’est avérée peu diversifiée cette année. « Outre la truffe, les étudiants n’ont trouvé qu’une seule autre espèce de champignon hypogé. Il s’agit de Elaphomyces muricatus, un champignon sphérique d’aspect jaunâtre relativement commun et non comestible, présent dans plusieurs écosystèmes et continents différents. Les spécimens récoltés par les étudiants étaient de taille variable, de quelques centimètres de diamètre », précise Théo Devèze.
Au fil de ses études universitaires en lien avec la biologie des plantes, le chargé de cours s’est intéressé tout particulièrement aux interactions entre les végétaux et les champignons. « Je me suis alors passionné pour ces derniers. C’est pourquoi j’enseigne un cours sur la biologie des champignons. Encore mal connus, ces organismes sont plus proches biologiquement des animaux que des plantes », d’ajouter Théo Devèze, qui consacre actuellement ses travaux de recherche doctoraux à la biodiversité du cannabis.