Les commotions cérébrales sont monnaie courante dans les sports où il y a des contacts physiques, comme le hockey ou le football. Leurs impacts sont aussi bien documentés, allant d’un déclin de certaines facultés cognitives à des risques accrus de récidives. Mais comment s’assurer que le retour au jeu soit optimal tout en minimisant le risque ? Une petite révolution se trame dans le continuum de réadaptation des commotions cérébrales grâce à la réalité virtuelle immersive.
Aux avant-postes de cette révolution se trouve Félix-Antoine Bergeron, diplômé en kinésiologie et étudiant à la maîtrise en thérapie du sport à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). « Mon travail de thérapeute m’a sensibilisé aux défis de la réadaptation chez les joueurs qui ont reçu un diagnostic de commotion cérébrale, en particulier dans des sports comme le hockey », affirme-t-il.
Celui-ci souligne les améliorations possibles dans le processus de réadaptation grâce à la réalité virtuelle, et particulièrement la plateforme Sense Arena qu’il a choisi de tester dans son projet de recherche. Il explique : « La plateforme Sense Arena recrée des situations auxquelles les joueurs sont potentiellement exposés durant un match. Cet outil permet des mesures objectives et spécifiques au hockey pour évaluer l’état cognitif des joueurs, par exemple les facultés d’attention, de raisonnement et de perception spatiale. Dans le continuum de la réadaptation d’une commotion cérébrale, la plateforme virtuelle serait utilisée avant le retour au jeu puisqu’en plus d’évaluer la récupération des facultés perceptivo-cognitives, elle permet de les entraîner. »
À la base, Sense Arena est un outil utilisé dans le monde du hockey en début de saison pour tester et préparer les joueurs. Mais pour Félix-Antoine, la plateforme virtuelle peut également être très efficace dans le contexte des commotions cérébrales. Son idée est intimement liée à un concept en thérapie du sport qui stipule que plus on avance dans le processus de réadaptation, plus on doit apporter de la spécificité en lien avec les tâches pour que le joueur soit le mieux préparé pour son retour au jeu.
Projet de recherche
À partir d’une base de données issues d’un projet de recherche sur l’utilisation de Sense Arena pour détecter le talent chez les jeunes joueurs mené à l’Université de Toronto, Félix-Antoine a pu tester la validité de la plateforme pour ses besoins. Il a comparé les résultats avec 39 hockeyeurs recrutés dans la Ligue de développement du hockey M18 AAA, dont certains ont un antécédent de commotions cérébrales et d’autres non. Les joueurs ont suivi le protocole de Sense Arena, qui consiste à mesurer objectivement sept facultés perceptivo-cognitives à travers cinq épreuves : repérage, multitâches, agilité, trouver la cible et un jeu « 4 contre 2 ». Dans la même séance, les joueurs ont également été soumis au Neurotracker, en plus de répondre à un questionnaire sociodémographique.
Son constat : « Les joueurs ayant des antécédents de commotions cérébrales performent moins bien au Sense Arena en général, mais la différence est plus significative sur l’épreuve de multitâches, qui sollicite les facultés du raisonnement, de la vision périphérique et de la capacité à repérer les autres hockeyeurs sur la glace. En ce sens, si les joueurs performent moins bien à cette épreuve, cela veut dire que leur propension à analyse et anticiper le jeu s’en trouve diminuée et, ainsi, ils se mettent plus à risque de blessures et, potentiellement, de souffrir d’autres commotions cérébrales », soutient le jeune chercheur.
Prévenir plutôt que guérir
Sa réflexion touche alors un autre aspect, à savoir la prévention : « Une grosse partie de la réadaptation, c’est aussi la prévention. Ainsi, à la suite d’une commotion, on peut entraîner les facultés perceptivo-cognitives à l’aide de Sense Arena pour ramener le joueur à un niveau de performance adéquat et éviter qu’il se place dans des situations à risque », croit Félix-Antoine, dont le projet de mémoire est dirigé par Jean Lemoyne, professeur au Département des sciences de l’activité physique de l’UQTR, et Daniel Fortin Guichard, professeur à la Faculté de kinésiologie et de l’activité physique de l’Université de Toronto.
Idéalement, il faudrait donc tester les joueurs en début de saison et à la suite d’une blessure entraînant une commotion, pour comparer les deux mesures. « De cette façon, on serait capable de ramener les facultés perceptivo-cognitives d’un joueur à ses critères de présaison. Et Sense Arena offrirait du coup l’opportunité d’informer les professionnels de la santé sur l’état des facultés perceptivo-cognitives des joueurs et implémenter des mesures de prévention efficaces », conclut Félix-Antoine.