Une nouvelle étude internationale, que j’ai dirigé avec le professeur Patrice Potvin de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), révèle l’omniprésence des neuromythes liés à l’apprentissage parmi les enseignants d’école primaire à travers le monde.
Cet article – Courant d’idées – est rédigé par Oktay Adiguzel, professeur au Département des sciences de l’éducation de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Cette recherche, unique en son genre par son ampleur, a exploré la prévalence et les sources des neuromythes dans différents contextes culturels et linguistiques. L’étude a analysé les réponses de 1 257 enseignants d’écoles primaires issus de 11 pays répartis sur plusieurs continents, couvrant huit langues principales : le français, l’anglais, le turc, le grec, le kazakh, l’arabe, le malais et le chinois. Les pays participants incluent la Belgique, le Cameroun, le Canada (Québec), la Grèce, le Kazakhstan, la Malaisie, le Mali, le Maroc, Taïwan, la Turquie et le Sénégal. La collecte des données s’est déroulée entre le 10 mars et le 10 mai 2024.
Résultats
Les résultats de l’étude montrent que des croyances populaires, mais scientifiquement erronées, persistent à un niveau alarmant :
Neuromythes forts
- 92 % pensent que les élèves apprennent mieux lorsqu’ils reçoivent l’information dans leur style d’apprentissage préféré (p. ex., auditif, visuel ou kinesthésique).
- 93 % estiment que le profil d’intelligence prédominant des apprenants (p. ex., logico-mathématique, verbale, spatiale) doit être pris en compte dans l’enseignement.
- 84 % croient que les environnements qui offrent une plus grande quantité de stimuli améliorent le fonctionnement du cerveau des enfants d’âge préscolaire.
Neuromythes courants
-
77 % croient que des séances d’exercices de coordination peuvent améliorer le fonctionnement du cerveau (par exemple toucher la cheville droite avec la main gauche et vice versa).
- 75 % adhèrent à l’idée que certaines personnes sont plutôt « cerveau droit » et d’autres plutôt « cerveau gauche », ce qui contribue à expliquer les différences dans la manière dont on apprend.
- 68 % pensent que le cerveau des humains est particulièrement compatible avec le multitâches.
- 62 % pensent que les suppléments tels que les Oméga-3 et les Oméga-6 ont un effet positif sur les performances cognitives.
- 59 % croient qu’écouter de la musique classique permet d’améliorer les capacités mentales.
- 49 % croient que nous n’utilisons que 10 % de notre cerveau.
La recherche montre que les médias sociaux jouent un rôle mineur dans la propagation des neuromythes. Ce sont principalement la formation des enseignants et l’expérience professionnelle qui renforcent ces idées fausses.
Les résultats mettent aussi en lumière une nécessité urgente : intégrer des connaissances fiables issues des neurosciences et de la psychologie cognitive dans les programmes de formation des enseignants. Une éducation basée sur des données scientifiques est essentielle pour limiter l’impact des neuromythes et favoriser l’apprentissage des élèves.