Cette thèse de doctorat cherche à retracer le processus par lequel la société québécoise du milieu du xixe siècle assimile cette technologie nouvelle que constitue le chemin de fer, au cours du demi-siècle qui suit la genèse de la première compagnie ferroviaire canadienne. En s’inspirant à la fois de l’histoire culturelle européenne et de la sociologie des techniques, l’auteur décrit cette assimilation comme une « ferroviarisation ».
Cette notion désigne un double processus, la société et l’objet technique évoluant dans une intrication constante : les populations québécoises du xixe siècle s’approprient le chemin de fer, l’intègrent à leur univers, l’adaptent à leur vie commune et exercent une influence continue sur le système ferroviaire, en constante évolution ; mais dans ce mouvement même elles intériorisent progressivement les rapports à l’espace, au temps, au monde que le chemin de fer leur inculque. La collectivité façonne un objet technique qui la refaçonne en retour. Pour restituer empiriquement ce phénomène, l’auteur s’attache à l’étude de neuf processus concomitants. Les voies ferrées se disséminent partout sur le territoire québécois ; l’infrastructure ferroviaire colonise l’environnement sensible (visuel, auditif) des populations ; le train conquiert des clientèles croissantes et s’inscrit dans les loisirs ; les wagons familiarisent les corps avec un confort nouveau ; les dangers du service ferroviaire inculquent aux voyageurs des comportements propres à le rendre inoffensif ; le train habitue les usagers à une vitesse neuve et à une ponctualité inédite. Comme les rayons d’un même faisceau lumineux, décomposé par le prisme de l’analyse, ces transformations matérielles, sociales et culturelles sont les ramifications multiples d’un même processus : l’assimilation collective d’une technologie qui s’intègre peu à peu au cours ordinaire des choses. L’étude, qui s’inscrit, globalement, dans le sillage de l’anthropologie historique et de l’histoire des sensibilités, montre la façon dont une mutation technique refaçonne l’entrelacs des pratiques, des sensibilités et des représentations qui fondent la vie d’une collectivité.
La thèse a été soutenue le 27 janvier 2025
Membre du jury
Directeur de recherche
Stéphane Castonguay, Ph. D. – UQTR
Président du jury
Mahdi Khelfaoui, Ph. D. – UQTR
Évaluatrice externe
Magda Fahrni, Ph. D. – UQAM
Évaluateur externe
Harold Bérubé, Ph. D. – USherbrooke
Évaluateur externe
Colin M. Coates, Ph. D. – York U