Inondations, feux de forêt, séismes… Ces mots, de plus en plus populaires au Québec, sèment une crainte chez certaines personnes. Et si je vous disais que les perturbations écologiques pouvaient parfois être positives pour l’environnement ?

Stéphanie L’Italien-Simard, étudiante à la maîtrise en sciences de l’environnement (profil avec mémoire) de l’UQTR. (Photo: Louis-Philippe Beauchamp – Holobionte)
Cet article – Courant d’idées – est rédigé par Stéphanie L’Italien-Simard, étudiante à la maîtrise en sciences de l’environnement (profil avec mémoire) de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Ce fut d’ailleurs le cas du mont Saint Helens, dans l’État de Washington, qui, en 1980, a subi un séisme de magnitude 5,1. Les violentes secousses ont déclenché un glissement de terrain et une explosion d’une intensité équivalente à celle de 1 500 bombes d’Hiroshima. Propulsées par l’éruption, la lave et la cendre ont anéanti 600 km² de forêt, dont certaines portions étaient centenaires. Cette catastrophe semblait marquer la fin de la richesse animale et végétale sur le mont. Pourtant, elle allait donner naissance à un phénomène tout autre : les écosystèmes, après le chaos, s’adaptent et se régénèrent.

Vue du mont Saint Helens à la suite de l’éruption volcanique. (Photo: U.S. Geological Survey)
Aujourd’hui, le mont Saint Helens témoigne de la capacité des écosystèmes à se reconstruire après une perturbation majeure. Plus de 150 nouveaux lacs et étangs se sont formés dans les dépressions laissées par l’éruption, créant des milieux propices à l’installation de nombreuses espèces. L’un des plus marquants, le Spirit Lake, fut recouvert d’un épais tapis de billots de bois arrachés par l’explosion. Avec le temps, la vie y a repris son cours, attirant amphibiens, poissons et oiseaux. En parallèle, les cendres volcaniques, riches en nutriments, ont favorisé la repousse de la végétation et permis à l’écosystème de se régénérer progressivement.

Vue du mont Saint Helens en 2022. (Photo: Peter Robbins, Unsplash)
Quand la nature joue aux dominos
Le mont Saint Helens n’est pas un cas isolé : les perturbations naturelles ont toujours façonné les écosystèmes. Elles modifient les conditions environnementales, comme la composition des sols ou des cours d’eau, influençant par le fait même la présence des animaux et de la végétation. Lorsqu’une perturbation agit avec une intensité variable dans un territoire – par exemple, un feu qui brûle uniquement certaines portions d’une forêt – elle crée une mosaïque de conditions environnementales. Cette disparité peut favoriser la biodiversité en permettant l’installation d’espèces adaptées à différents milieux.

Mosaïques créées lors des feux de Yellowstone en 1988. (Photo: Jim Peaco, National Park Service)
C’est d’ailleurs ce qui s’est produit après les grands feux de Yellowstone en 1988 : certaines espèces végétales adaptées aux milieux ouverts ont prospéré, assurant ainsi la succession forestière. Certains organismes dépendent même du feu pour compléter leur cycle de vie. C’est notamment le cas de certains cônes de pins (les fameuses cocottes !), qui nécessitent la chaleur pour libérer leurs graines, ainsi que des morilles, qui se développent en abondance après un incendie, profitant des nouvelles conditions créées par le feu.

Cône de pin ouvert sous la chaleur des feux de Yellowstone permettant aux graines d’être libérées. (Photo: Jennifer Jerrett, National Park Service)

Une morille émerge du sol à la suite d’un feu au parc de Yellowstone. (Photo: Andrew J. Larson, University of Montana)
Quand la nature perd pied
Bref, les perturbations naturelles font partie du cycle des écosystèmes et, dans bien des cas, elles contribuent au renouvellement et à la diversité du vivant. Il ne faut donc pas s’alarmer à chaque feu de forêt ou inondation d’origine naturelle, car ces événements participent à la dynamique naturelle des habitats. Cependant, tout est une question d’équilibre. Certains écosystèmes sont plus vulnérables et ne se rétablissent pas aussi facilement après une perturbation – surtout lorsqu’il s’agit de perturbations particulièrement intenses… ou d’origine humaine.
En effet, les perturbations anthropiques, comme la déforestation, la pollution et l’urbanisation, engendrent des conséquences supplémentaires et rendent les milieux plus vulnérables. Les études le confirment : ce type de perturbation entraîne plus souvent des effets négatifs dans l’environnement.
À cela s’ajoutent les changements climatiques, qui augmentent la fréquence et l’intensité des perturbations. Résultat : la capacité de récupération des écosystèmes diminue, menaçant leur stabilité à long terme.
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