Depuis des millénaires, des infusions de racines de cannabis sont utilisées en médecine traditionnelle contre l’inflammation et pour soulager les crampes articulaires, par exemple. Ce savoir-faire, qui a voyagé de la Chine antique jusqu’à la Grèce de notre époque, s’est toutefois perdu depuis plusieurs décennies, alors que l’accent se met davantage sur les deux constituantes bien connues de la plante : le tétrahydrocannabinol (THC) et de cannabidiol (CBD). Qu’à cela ne tienne, la chercheuse Nathalie Boucher de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) et son étudiante Valérie Gagné entendent redonner la valeur thérapeutique aux racines de cannabis.
« Les racines ne contiennent pas de THC, principal composé psychoactif du cannabis, et de CBD, alors elles ne sont donc pas considérées comme du cannabis en tant que tel. Les producteurs de cannabis les jettent lorsque le plan est récolté, et dans un objectif de culture sans déchet, les racines pourraient être revalorisées en tant qu’agents anti-inflammatoires ou antioxydants, ce pourquoi elles étaient d’ailleurs utilisées anciennement. Il existe actuellement peu de données dans la littérature scientifique sur le sujet et c’est de là que partent nos recherches, pour combler ce vide », explique Mme Boucher.
De fait, les utilisations traditionnelles des racines de cannabis sont connues depuis des centaines d’années; toutefois, les propriétés thérapeutiques des extraits de racines n’ont jamais été prouvées par des études in vitro.
En plus de diminuer les déchets organiques produits par la culture du cannabis, les racines pourraient alors être utilisées pour la fabrication de produits anti-inflammatoires naturels.
Ainsi, dans les laboratoires de l’UQTR, Nathalie Boucher, chargée de cours et professeure associée au Département de chimie, biochimie et physique, et Valérie Gagné, étudiante au baccalauréat en biochimie – profil cannabis et autres drogues médicinales, procèdent à des analyses chimiques de la racine, qui renferment des molécules bioactives telles que des triterpènes, monoterpènes, alcaloïdes et des stérols. Il s’agit d’effectuer les analyses des activités biologiques, antioxydantes et anti-inflammatoires de ces molécules avec différents extraits (par ex. : huile, éthanol, eau, acide acétique), afin de déterminer lesquels ont les propriétés les plus actives.
« Les tests in vitro nous permettront d’observer comment les cellules inflammées réagissent aux différents extraits. Cela nous permettra de détecter quelles sont les molécules d’intérêt et quelles sont les propriétés médicinales qui en découlent afin de cerner leur potentiel commercial pour une production à grande échelle », affirme Nathalie Boucher.
Les chercheuses s’attarderont aussi à déterminer s’il existe une différence entre les racines cultivées dans l’eau (culture hydroponique) et celles cultivées en sol. Cela permettra de voir si les propriétés bioactives des molécules médicinales diffèrent selon la culture.
Ce projet de recherche sur la caractérisation des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires des extraits de racines de cannabis s’inscrit dans les travaux de la professeure Isabel Desgagné-Penix, qui s’intéresse à l’élucidation des métabolismes des molécules bioactives dans les extraits végétaux afin de les produire en grande quantité dans des microalgues génétiquement transformées.
Le projet sur la caractérisation des propriétés antioxydantes et anti-inflammatoires des racines de cannabis est supporté en partie par la bourse conjointe du Syndicat des chargés de cours de l’UQTR et de la Fondation de l’UQTR (7 500 $), et par une contribution de 2 000 $ de la part de la Chaire de recherche du Canada sur le métabolisme spécialisé végétal de la professeure Isabel Desgagné-Penix. Les racines utilisées dans les travaux de recherche sont un don d’une utilisatrice de cannabis médical et de son producteur désigné par Santé Canada.