Avec l’avènement de l’industrie 4.0, les entreprises manufacturières peuvent se tourner vers plusieurs outils pour améliorer leur productivité : capteurs d’information, systèmes informatiques interconnectés, intelligence artificielle, réseau 5G… Mais encore faut-il trouver la main-d’œuvre qualifiée requise pour utiliser ces nouvelles technologies. Afin de former les travailleurs nécessaires et leur permettre d’acquérir les compétences souhaitées, l’UQTR fait déjà une part importante aux notions de l’industrie 4.0 dans plusieurs de ses formations. Et pour faciliter et agrémenter l’apprentissage, un moyen pédagogique un peu différent sera bientôt proposé aux étudiants : le jeu sérieux.
« Le jeu sérieux est un jeu qui comporte un enseignement, un message. En plus d’offrir au participant le plaisir de jouer, il assure aussi un apprentissage ou la transmission d’idées. En lien avec la pédagogie de l’industrie 4.0, nous avons lancé le projet de créer un jeu sérieux pour sensibiliser les étudiants à l’importance de valoriser les informations obtenues en temps réel grâce aux nouvelles technologies, ce qui permet de prendre de meilleures décisions de gestion et d’être plus performant en contexte manufacturier », explique le professeur en génie industriel Pascal Forget.
Outre le professeur Forget, l’équipe multidisciplinaire travaillant à l’élaboration de ce jeu sérieux réunit les professeurs Jean-François Audy (management), Marc-André Gaudreau (génie mécanique) et Audrey Groleau (sciences de l’éducation), ainsi que le professionnel de recherche Jonathan Lapalme du Centre national intégré du manufacturier intelligent (CNIMI). Deux étudiants au baccalauréat en génie industriel complètent le groupe. Il s’agit de Chloé Samuel et de Jérémie Fortier.
Une réalisation en plusieurs phases
Le projet de jeu sérieux lié à l’industrie 4.0 en est actuellement à l’étape du développement de la trame de jeu. « Il nous faut déterminer ce que vont faire les joueurs, quels problèmes ils devront résoudre et avec quelles ressources, et quelles décisions ils devront prendre pour effectuer la meilleure performance possible », précise Pascal Forget.
Dans ce cas-ci, le jeu situera les participants dans un contexte manufacturier et sera réalisé en équipe. Chaque étudiant se verra confier une responsabilité de direction ou de production (ex. peinture, assemblage, expédition, etc.), avec des objectifs précis. Les équipes recevront ensuite des commandes et devront produire les extrants demandés, de façon fictive.
« À certains moments du jeu, nous allons volontairement introduire des perturbations dans le déroulement des opérations, décrit le professeur Forget. En contexte manufacturier, ces complications entraînent notamment des goulots d’étranglement. Ils peuvent survenir, par exemple, lorsque des postes de travail fonctionnent moins vite que les autres, ce qui affecte la production. Après quelques rondes de jeu, les étudiants vont constater que l’utilisation de technologies de l’industrie 4.0 leur permet de mieux coordonner leurs efforts, de prendre des décisions plus éclairées et d’améliorer leur productivité. »
Lorsqu’elle aura établi la trame du jeu, l’équipe de développement du jeu sérieux devra déterminer quels éléments (objets, tablettes électroniques, ordinateurs, etc.) seront utilisés par les participants. Du travail de programmation sera nécessaire à cette étape. Un cahier de règlements devra aussi être rédigé. Une fois le prototype du jeu testé auprès d’étudiants de différents domaines (génie, logistique et éducation), la version finale sera produite en plusieurs exemplaires, afin de permettre à toutes les équipes d’une même classe de jouer simultanément.
« Notre jeu sérieux sur l’utilisation de technologies 4.0 en contexte manufacturier devrait être prêt d’ici la fin de l’été 2023. Nous avons obtenu le financement nécessaire pour sa réalisation grâce au Fonds d’innovation pédagogique de l’UQTR », mentionne Pascal Forget.
Apprendre différemment
Le jeu sérieux rend l’apprentissage traditionnel plus ludique. « Aujourd’hui, les étudiants s’attendent à être divertis, souligne le professeur Forget. Ils veulent apprendre tout en s’amusant. C’est un défi important pour les pédagogues. En utilisant l’approche du jeu, nous souhaitons que les étudiants prennent davantage plaisir à l’apprentissage et retiennent mieux les notions enseignées. Pour qu’un jeu soit divertissant, il faut notamment donner une mission stimulante au participant, le récompenser rapidement pour ses progrès et lui offrir un niveau de difficulté ni trop facile, ni trop difficile. »
Ce n’est pas première fois que Pascal Forget se lance dans la création de ce type de jeu. En 2012, il a réalisé un jeu sérieux en ligne pour un cours de recherche opérationnelle du baccalauréat en génie industriel. Aujourd’hui encore, il utilise cet outil pédagogique ludique avec ses étudiants.
« Le but de ce jeu sérieux est de placer les apprenants dans une situation de troisième guerre mondiale, avec des enjeux de prise de décision rapide. J’ai fait appel à un réalisateur, un infographiste et des comédiens pour créer ce jeu, qui comprend notamment des capsules vidéo. Les étudiants ont deux semaines pour parcourir les six étapes du jeu et m’envoyer leurs réponses aux différents problèmes mathématiques et logistiques », rapporte le professeur.
Les étudiants participant à ce jeu en ligne réagissent très favorablement à cette méthode différente d’apprentissage. « Ils me disent qu’ils apprécient beaucoup ce jeu sérieux, parce qu’il se démarque de l’enseignement universitaire habituel. Les étudiants trouvent plaisant et amusant d’être placés dans un contexte de jeu vidéo, pour jouer le rôle d’un héros ayant une mission importante à remplir. Et ils me reparlent souvent de ce jeu, même plusieurs années après l’avoir expérimenté », constate Pascal Forget.
Bien que le jeu sérieux existe déjà depuis un certain temps en milieu universitaire, il demeure une méthode pédagogique peu exploitée à ce niveau d’études. « Le gain d’apprentissage par le jeu est beaucoup utilisé chez les enfants, mais moins employé auprès des étudiants universitaires. C’est l’une des raisons qui nous poussent à réaliser ce jeu sérieux lié à l’industrie 4.0. De plus, notre projet s’inscrit parfaitement à l’intérieur des orientations stratégiques de l’UQTR, qui privilégient notamment l’innovation dans les approches de formation ainsi que la transformation de l’enseignement à l’ère numérique. Notre université vise aussi à développer une culture de l’interdisciplinarité. Nous répondons à cet objectif en réunissant des experts de différents domaines dans notre équipe, pour en arriver au meilleur jeu possible », de conclure le professeur Forget.
Ajoutons que trois membres de l’équipe du projet de jeu sérieux sur l’industrie 4.0, soit les professeurs Marc-André Gaudreau, Pascal Forget et Jean-François Audy, mettent également leur expertise en commun au sein de la toute nouvelle Chaire de recherche sur l’usine-laboratoire en intelligence manufacturière (ULIM) du CNIMI, créée l’été dernier.
Le jeu sérieux vous intéresse? Découvrez ici un jeu sérieux en ligne réalisé par les professeurs en sciences comptables Audrey Bistodeau et Martin Dubuc de l’UQTR, qui ont remporté des prix pour cette innovation pédagogique.