Molly Chagnon est étudiante au baccalauréat en kinésiologie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). C’est une jeune femme curieuse, souriante, sportive et surtout très persévérante. Elle se démarque par sa ténacité dans tout ce qu’elle entreprend. Elle n’a jamais eu le choix, car elle présente une surdité profonde congénitale. Pour réaliser ses rêves et faire éclore tout son potentiel, Molly doit défoncer des portes. Suis le parcours de cette battante!
Les personnes sourdes et malentendantes doivent composer au quotidien avec des préjugés et de nombreuses barrières se dressent sur leur route. Beaucoup de gens sont animés d’opinions négatives face aux personnes différentes dans leur environnement. Le campus de l’UQTR, qui est un microcosme de la société québécoise, n’y échappe pas. Voilà ce que Molly a senti : Est-ce que cette nouvelle camarade du programme de kinésiologie, accompagnée d’une interprète, pourra réussir? C’était bien mal la connaître.
Malgré la différence on peut réussir
Les commentaires désobligeants, préjugés et actes de discriminations issus de certaines personnes impliquées dans sa formation et dans son entourage sont finalement devenus une puissante source de motivation. « Je ne voulais pas leur laisser le droit de me dicter mon chemin de vie, simplement par leur innocence et la peur de l’inconnu. Je m’en suis sortie plus forte, et même gagnante, car je leur ai prouvé que bien malgré la différence, on peut réussir. Une faiblesse peut aussi être notre plus grande force », explique celle qui a choisi l’UQTR pour le programme de kinésiologie et aussi pour voler de ses propres ailes.
Sa victoire, elle l’a obtenu une fois qu’elle a pu prouver qu’elle pouvait réussir haut la main ses cours, travaux, stages, etc. « La plupart des personnes qui me mettaient des bâtons dans les roues, m’ont félicité et avoué que finalement leurs préjugés étaient mal fondés », confie l’étudiante de troisième année originaire de Blainville.
« Cette mentalité de foncer dans la vie, me permet de réussir dans la vie de tous les jours », ajoute celle qui présente une moyenne cumulative au-dessus de 4,00.
Personnalité persévérante Forces Avenir
Au chapitre des réussites, il ne faut pas passer sous silence la nomination de Molly Chagnon dans la catégorie Avenir Personnalité persévérante lors de l’édition 2021 de Forces Avenir. Montrer aux gens, handicapés ou non, que l’on peut accomplir de grandes choses quand on veut, la rend très fière. « C’est un réel honneur d’avoir eu la chance d’être parmi tant d’autres finalistes qui, à mes yeux, étaient inspirants et impressionnants. Sachant que cette fondation met l’emphase sur la reconnaissance de l’importance de l’engagement étudiant, ça été pour moi une grande fierté. Je le reçois comme une tape dans le dos. Ça démontre que je suis sur la bonne voie avec mes accomplissements et mes engagements. Ça prouve que je peux déployer mon plein potentiel sans retenue, pour m’épanouir », a-t-elle commenté.
Les défis de l’université et de la vie
Le succès de Molly se mesure aussi à la hauteur de ses défis. Le port obligatoire du couvre-visage demeure un véritable cauchemar pour les personnes sourdes et malentendantes, car il rend impossible la lecture labiale. Bien que Molly porte un implant cochléaire depuis juillet 2019, il est impératif qu’elle puisse compléter sa compréhension en suivant les lèvres de la personne qui se trouve devant elle. « Un implant cochléaire ne remplace pas une oreille normale. Ce n’est pas parce qu’on entend que l’on comprend. » Le masque à fenêtre, utilisé à la Clinique de kinésiologie de l’UQTR, lui a d’ailleurs donné un très bon coup de pouce.
La compréhension d’une discussion en grand groupe, que ce soit en présentiel ou en Zoom, est toute une embûche et davantage dans un environnement bruyant. « Je dois sensibiliser que je ne peux pas écouter et lire en même temps ou écouter et écrire. Je ne peux pas combiner deux tâches qui demandant le visuel en tout temps pour pallier l’ouïe. On peut penser que je suis paresseuse ou bête, parce que je ne réponds pas quand on me parle, ou que je ne participe pas quand on discute. En fait, si j’ai un interprète, il y a un délai pour l’interprétation. Sans cette personne, je perds le fil. Je ne parviens pas toujours à savoir qui parle et quel est le sujet, surtout si le débit est rapide », explique Molly Chagnon.
Des conseils pour tous
Si tu avais des conseils à donner aux jeunes et aux futurs membres de la communauté étudiante, quels seraient-ils?
Il y aura toujours des obstacles, une influence négative qui tentera de nous mettre des bâtons dans les roues. Peu importe le projet qu’on veut entamer, l’important c’est de savoir au fond de soi que c’est vraiment ce qu’on veut faire. Il y a une solution à tout problème, alors quand on veut, on peut!
La vie est une montagne russe, il faut savoir l’apprivoiser pour surmonter des épreuves et défis. Donc, garde en tête que le chemin dont tu rêvais sera peut-être différent et complexe. Garde l’esprit ouvert et profite des occasions qui te seront présentées.
Ose prendre ta place, ose dire ce que tu penses, arrête de te censurer. Le travail, les faux amis, l’entourage toxique et le jugement des inconnus, ne vaudra jamais l’importance de ton authenticité.
Ouverture
À ce jour, crois-tu être parvenue à changer les attitudes durant ton parcours? Penses-tu avoir été en mesure d’inspirer d’autres jeunes, la société, nos institutions? « De façon inconsciente, je crois que oui », répond Molly. Au début de son aventure universitaire, elle devait obligatoirement aller vers les autres. « Probablement qu’on m’associait comme la personne sourde qui a des interprètes en classe. C’était intimidant pour eux, de même que pour les professeurs. Je le voyais dans leur non-verbal et dans leurs yeux. Et maintenant, les gens m’approchent plus aisément et communiquent plus facilement avec moi. Ils réalisent davantage à quel point les petits gestes peuvent grandement contribuer à ma réussite. »
Choisir pour elle
Molly estime que son plus grand défi de vie dans l’avenir sera de choisir pour elle. « J’ai passé la majorité de ma vie à tenter de prouver que je peux faire ce que je veux, car j’ai droit à ma place autant qu’une autre. Mon défi sera de m’écouter et prendre des décisions pour moi, en choisissant mes batailles en fonction de mes limites. »
L’avenir
Molly Chagnon pense déjà à la maîtrise. La kinésiologie, la thérapie du sport et la physiothérapie sont les options sur sa feuille de route.
En juillet prochain à Montréal, elle aura peut-être une occasion en or de mettre en pratique ses connaissances en kinésiologie auprès des athlètes participants aux Jeux des Sourds du Canada. « À défaut d’être apte physiquement pour participer à ces jeux en volleyball (réparation du ligament croisé antérieur en décembre 2021), j’ai été approchée pour agir en tant que première répondante auprès des athlètes, et pour faire la prévention et le traitement avec taping pour les blessures. »
Elle se promet bien de maîtriser la LSQ et apprendre l’ASL. Elle rêve également que tous les jeunes québécois puissent en apprendre les bases au secondaire et au primaire, de même que les personnes qui travaillent en services publics. « Je veux découvrir davantage la communauté sourde. Elle est à la fois si petite, mais si grande. Encore aujourd’hui, j’en découvre et ça me fait grandir. »