Plusieurs défis attendent le personnel médical lors de naissances prématurées, et l’un d’eux est de prévenir l’apparition de maladies pulmonaires chroniques. « Les poumons sont parmi les derniers organes à se former in utero et ceux-ci ne sont pas encore pleinement fonctionnels lors d’une naissance prématurée. On doit assez fréquemment apporter de l’oxygène en supplémentation au bébé, mais l’un des risques associés à ce traitement est le développement de la dysplasie bronchopulmonaire », explique le professeur Erwan Pernet du Département de biologie médicale de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
La dysplasie bronchopulmonaire (DBP) est une maladie chronique pouvant perturber le développement normal des poumons chez les nouveau-nés prématurés ayant besoin d’une ventilation mécanique prolongée. En plus d’engendrer des problèmes respiratoires qui peuvent favoriser les infections chroniques, c’est l’une des principales complications et causes de mortalité chez les enfants prématurés. « Il existe des traitements pour soulager la dysplasie bronchopulmonaire, mais on ne sait pas encore comment la prévenir », affirme le chercheur de l’UQTR.
Connaître les mécanismes sous-jacents à la DBP
Dans le cadre de ses recherches, le professeur Pernet travaille sur l’inflammation stérile, c’est-à-dire qui n’est pas causée par un agent infectieux. Plus particulièrement, il mène une étude de la pathogenèse de la dysplasie bronchopulmonaire chez les bébés prématurés, un projet pour lequel il a reçu la prestigieuse bourse Discovery Award 2023, remise par la Banting Research Foundation à des chercheurs qui innovent à travers des travaux ayant un impact sur l’avancement des connaissances en lien avec la santé humaine.
« L’analyse de tissus affectés par la dysplasie bronchopulmonaire permet de remarquer que les alvéoles présentent une taille 4 à 5 fois plus grande que ceux d’un poumon normal. Il y a donc un arrêt de l’alvéolisation des poumons ; plutôt que d’observer une structure en ruche, on voit de très grosses alvéoles », poursuit Erwan Pernet, avant de préciser : « Ce serait la conséquence d’un fort apport d’oxygène alors que le poumon est encore immature. Cet apport en oxygène permet bien entendu au bébé de survivre, mais en même temps, cela cause aussi des dommages aux tissus pulmonaires et un arrêt dans le développement des poumons. »
La dysplasie bronchopulmonaire est le résultat d’une inflammation causée par un surplus d’oxygène qui deviendrait toxique pour les cellules respiratoires, déréglant l’homéostasie pulmonaire. « Nous émettons l’hypothèse que ce processus va conduire à l’activation d’une voie de l’immunité innée, nommée cGAS-STING, générant ainsi la production d’interférons de type I qui, lors de cette réponse immunitaire, joueraient un rôle central pour médier à la fois l’inflammation et l’arrêt du développement du poumon », soutient M. Pernet.
Les interférons de type I sont des cytokines, soit une substance dont le rôle est d’assurer la communication entre les cellules du système immunitaire et, par conséquent, de participer à l’activation de celui-ci. « À la base, on pensait que les interférons de type I étaient antiviraux, mais on commence à leur découvrir d’autres rôles dans des pathologies où il n’y a pas forcément de microbes ou d’agents infectieux en cause, comme c’est d’ailleurs le cas pour la dysplasie bronchopulmonaire », ajoute le chercheur de l’UQTR.
Pour mener ses analyses, l’équipe d’Erwan Pernet utilise une approche pluridisciplinaire intégrant l’immunologie, la microbiologie et l’immunométabolisme dans des modèles in vivo (modèle murin) et in vitro (cellules primaires murines et humaines) afin de comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires qui conduisent au développement de la DBP.
« Nous plaçons les deux modèles dans des conditions d’hyperoxie, c’est-à-dire d’excès d’apport en oxygène, pour bien analyser cette activation de la voie cGAS-STING et la production d’interférons de type I. En s’activant, les interférons de type I signaleraient sur les autres cellules environnantes de l’alvéole avec un effet antiprolifératif. On imagine que les macrophages alvéolaires seraient les premiers répondants à cet oxygène et qu’il y aurait un effet sur les cellules épithéliales alvéolaires », explique-t-il.
En générant de nouvelles connaissances sur les mécanismes cellulaires qui causent la DBP, le chercheur souhaite révéler des cibles thérapeutiques spécifiques aux jeunes enfants. « Nous pensons qu’une thérapie visant soit à neutraliser la signalisation des interférons de type I, soit à bloquer la voie cGAS-STING pourrait permettre de prévenir la dysplasie bronchopulmonaire chez les bébés prématurés », conclut Erwan Pernet.