Comme les humains, les espèces végétales adoptent diverses stratégies de survie en fonction du stress environnemental. La manière dont celles-ci s’organisent pour répondre aux variations planétaires des conditions du climat et du sol constitue un phénomène qui intéresse le biologiste Vincent Maire, professeur au Département des sciences de l’environnement de l’UQTR.
« On connaît de mieux en mieux les rôles respectifs du climat et du sol sur la photosynthèse foliaire. Par exemple, le long d’un gradient d’aridité, les plantes auront tendance à garder fermés leurs stomates, ces petites cavités essentielles pour laisser entrer le CO2 atmosphérique dans la feuille avant d’être transformé en sucre. Précisons que, pour chaque entrée de molécules de CO2, des molécules d’eau sortent, nécessitant une régulation de la plante pour éviter une déshydratation », explique le chercheur.
Toutefois, moins de certitudes existent sur le rôle complémentaire / interactif du climat et du sol pour la régulation de la photosynthèse. « Par exemple, précise-t-il, le long d’un gradient de carence minérale du sol, les plantes peuvent également laisser ouverts leurs stomates pour créer un flux d’eau du sol vers la plante, afin d’acquérir davantage d’éléments nutritifs. Ces derniers constituent une grande proportion des enzymes, tels que la Rubisco, qui transforme le CO2 en sucre au sein des feuilles. » Ainsi, la question est de savoir quelles sont les conditions du climat qui autorisent ce type de stratégie sans affecter la survie de la plante.
Maire explique : « La photosynthèse peut se résumer comme une petite unité de fabrication industrielle de sucre qui doit gérer de manière adéquate les ressources en eau et en nutriments pour optimiser le retour sur investissement, à savoir les substrats carbonés, pour la performance de l’espèce. L’évolution biologique aura façonnée la machinerie de telle sorte que l’optimisation sera atteinte pour un moindre coût total d’utilisation de ces deux types de ressources, l’eau versus les nutriments ».
Les recherches actuelles du professeur de l’UQTR portent sur le développement de cette théorie pour améliorer la santé des érablières du Centre-du-Québec, qui ont subi les pluies acides des années 1980-1990 et ont vu diminuer la fertilité en cations de leur sol. Ce travail se réalise en collaboration avec Jean-David Moore et le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, à travers un projet expérimental de chaulage (apport de calcium, magnésium) mené depuis une vingtaine d’années dans la forêt Duchesnay.
Un second projet, en collaboration avec les professeurs Esther Lévesque (UQTR) et Steeve Pépin (Université Laval), porte sur les stratégies des espèces de toundra à l’île Bylot. Dans des conditions très contraignantes en eau, l’utilisation préférentielle des nutriments pour optimiser la photosynthèse pourrait être une stratégie alternative très efficace pour la survie des plantes.
Ces connaissances bonifient ensuite les observations colligées dans les bases de données mondiales durant le dernier siècle. « La construction de base de données mondiales couplées au développement théorique de mécanismes biologiques est une combinaison prometteuse. Cela permettra de mieux prédire les réactions potentielles des espèces végétales à l’évolution du changement climatique selon le type de sol sur lequel elles évoluent », conclut Vincent Maire.