Le harcèlement psychologique en milieu professionnel est néfaste, tant pour les employés qui en sont victimes que pour les organisations. Heureusement, les recherches effectuées par Sarah-Geneviève Trépanier, professeure au Département de gestion des ressources humaines de l’École de gestion à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), permettent de mieux comprendre ces situations indésirables.
« Le harcèlement réfère aux situations où un employé est confronté à des comportements néfastes au travail. Afin de pouvoir parler de harcèlement, ces comportements doivent survenir sur une base régulière et être persistants dans le temps », indique la chercheuse de l’UQTR.
Au cours de sa carrière, Mme Trépanier a notamment étudié le phénomène de harcèlement chez le personnel infirmier, puisque la problématique du harcèlement est particulièrement saillante dans ce milieu.
« Afin de mieux comprendre comment le harcèlement se manifeste et quels impacts il peut avoir sur la santé, nous avons réalisé un certain nombre d’études auprès d’infirmières et d’infirmiers. Nous avons vu qu’au fil du temps, le fait d’être exposé à des comportements de harcèlement est associé à une motivation au travail de faible qualité, à plus de symptômes d’épuisement professionnel, à un désengagement face à la tâche, et à une augmentation de l’intention de quitter son emploi. Ceci est d’autant plus problématique considérant que nous traversons actuellement une pénurie de main-d’œuvre dans le secteur infirmier », souligne-t-elle.
L’équipe de Mme Trépanier s’intéresse notamment aux effets immédiats des comportements de harcèlement.
« Cela nous permet de mieux déterminer quelles ressources sont les plus efficaces immédiatement après une situation de harcèlement. Par exemple, nos recherches montrent que le soutien social est un facteur de protection important. Si les employés sont en mesure d’aller chercher du soutien lorsqu’ils vivent des situations de harcèlement, ou si quelqu’un leur en offre naturellement, cela minimise les effets néfastes des comportements de harcèlement », affirme la professeure.
Outre le domaine de la santé, la chercheuse et les membres de son équipe s’intéressent aux déterminants et aux conséquences du harcèlement dans le monde du travail en général. Entre autres, Mme Trépanier tente d’identifier les éléments qui peuvent favoriser ou expliquer la présence du harcèlement dans certains environnements de travail.
« Bien que la situation soit complexe, il existe plusieurs pistes. Par exemple, nous souhaitons évaluer si certaines pratiques de gestion favorisent l’émergence et le maintien de situations conflictuelles qui peuvent escalader en harcèlement. Est-ce qu’un climat de stress et de tension rend les interactions interpersonnelles plus difficiles ? Pour le savoir, nous travaillons avec différentes populations afin de comparer les réalités qui sont propres à chaque milieu », explique-t-elle.
En étudiant les pratiques de gestion, l’équipe de Mme Trépanier a observé que les gestionnaires qui avaient des pratiques laisser-faire favorisaient les situations de harcèlement, puisqu’ils étaient moins présents et moins proactifs au sein de leur groupe de travail.
« Si les rôles et les responsabilités de chacun ne sont pas clairement établis, cela peut causer des situations de stress qui favorisent des situations de conflits et l’émission de comportements négatifs. Le fait d’être très peu présent fait en sorte que les situations perdurent, puisque sans l’intervention du gestionnaire, les comportements peuvent devenir plus fréquents et plus directs, jusqu’à dégénérer en actions hostiles et néfastes », prévient la professeure.
Par ailleurs, les travaux en cours de la chercheuse visent à mieux mesurer le concept de harcèlement. En effet, l’objectif est de proposer un instrument permettant d’évaluer plus adéquatement le harcèlement psychologique au travail et de distinguer les comportements qui le constituent, ainsi que leurs effets distincts sur le fonctionnement et la santé des employés.
D’autres facteurs à considérer
En plus de se pencher sur le phénomène de harcèlement psychologique au travail, les travaux de Mme Trépanier s’intéressent aux facteurs individuels qui peuvent avoir un impact sur la santé des employés.
« Avec mes collègues Claude Fernet et Stéphanie Austin, nous nous intéressons notamment à la motivation au travail. Nous savons que la qualité de la motivation des employés, c’est-à-dire les raisons pour lesquelles ils font leur travail, va avoir un impact majeur sur leur adaptation à leur environnement. Par exemple, en situation de surcharge de travail, les employés qui ont une motivation de faible qualité vont réagir plus négativement et éprouver plus de détresse que les employés qui ont une motivation de haute qualité. Ceux qui font leur travail parce qu’ils se sentent obligés, que ce soit pour des raisons externes (comme le salaire) ou internes (pour préserver l’estime de soi, par exemple), sont plus à risque que ceux qui effectuent leur travail pour le plaisir ou la satisfaction qu’ils en retirent. Par ailleurs, nos travaux montrent qu’une motivation de faible qualité est associée à l’intention de quitter l’emploi, ainsi qu’à d’autres problèmes de santé, comme l’épuisement professionnel », signale Mme Trépanier.
La professeure ajoute que pour bien fonctionner et s’épanouir au travail, les employés doivent pouvoir combler trois besoins essentiels.
« Chaque individu a besoin de se sentir autonome, compétent, et d’avoir des relations significatives dans son entourage. Il faut nourrir chacun de ces besoins pour pouvoir fonctionner de manière optimale. Quand nous vivons des situations de harcèlement, nous nous sentons opprimés, incompétents, isolés et stigmatisés. Nos besoins sont alors frustrés, ce qui nous laisse plus vulnérables à des problèmes de santé », conclut-elle.