La question se pose d’emblée : les Québécois sont-ils entrepreneurs? « Les indicateurs des dernières années laissent penser que le Québec fait partie des endroits dans le monde où l’activité entrepreneuriale est très fertile. Les Québécois passent plus que jamais à l’action et veulent prendre leur place en affaires », répond Étienne St-Jean, professeur au Département de management de l’École de gestion de l’UQTR et chercheur à l’Institut de recherche sur les PME (INRPME). Malgré ce portrait encourageant, une ombre vient assombrir le tableau : une récente étude révèle que les Québécois s’estiment très peu compétents pour devenir des entrepreneurs, une situation néanmoins remédiable en misant sur certaines stratégies pour mieux lancer et encadrer la carrière entrepreneuriale.
L’étude en question, dont Étienne St-Jean est coauteur avec Marc Duhamel, professeur d’économie à l’UQTR et aussi chercheur à l’INRPME, s’intéresse à la situation de l’activité entrepreneuriale québécoise. Elle s’insère dans le projet du Global Entrepreneurship Monitor (GEM), qui vise à mener une évaluation annuelle des attitudes, aspirations et activités entrepreneuriales dans plusieurs pays.
On y apprend que la carrière entrepreneuriale est valorisée au Québec, que l’intention d’entreprendre des Québécois est relativement bonne et que ces derniers ont moins peur de l’échec que leurs contemporains des autres pays. De plus, les femmes québécoises, en plus grande proportion que les hommes, estiment que l’entrepreneuriat constitue un bon choix de carrière. Quant aux jeunes Québécois (18-35 ans), ils perçoivent des opportunités d’affaires et cela se manifeste par des intentions plus élevées d’entreprendre.
« Si le Québec accusait un retard sur le plan entrepreneurial, on peut dire que depuis 2005, il se rattrape et même se démarque avantageusement parmi les pays comparables membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques », remarque celui qui est titulaire de la Chaire de recherche UQTR sur la carrière entrepreneuriale. Il ajoute : « Le gouvernement du Québec met l’accent sur l’entrepreneuriat comme moyen de créer de la richesse et diminuer le chômage. Par exemple, la Stratégie québécoise de l’entrepreneuriat de 2011 semble porter ses fruits en matière d’intention d’entreprendre au sein de la population. »
Toutefois, le nuage de la perception qu’ont les Québécois de leurs propres compétences entrepreneuriales assombrit ces heureux constats. Pour Étienne St-Jean, le fait qu’ils entretiennent ce doute, lié à une perception et non à leurs compétences réelles, peut devenir un frein important à la création d’une entreprise. Parallèlement, l’étude met en relief notamment deux autres constats, à savoir que le taux d’entrepreneurs naissants est assez bas pour le Québec et que les jeunes ayant l’intention d’entreprendre passent plus difficilement à l’action.
Démystifier l’entrepreneuriat
Comment changer cette perception qui semble bloquer l’élan entrepreneurial? « Le système scolaire doit permettre le développement des compétences généralement associées à l’entrepreneuriat, par exemple la prise d’initiatives, l’autonomisation, la responsabilisation, le leadership, la créativité… On doit aussi mettre en place des stratégies permettant d’aider les futurs entrepreneurs à passer de l’intention à l’action », soutient le chercheur.
Selon lui, « une stratégie qui pourrait faire diminuer l’insécurité liée à l’action d’entreprendre tout en stimulant la création d’entreprises innovantes consiste à mettre en lien des personnes ayant des compétences techniques et des compétences entrepreneuriales ». Étienne St-Jean donne l’exemple du Startup weekend, un événement tenu dans 660 villes – dont Trois-Rivières – où les participants présentent des idées, forment des équipes et travaillent sur un projet d’entreprise. « Mettre ensemble des étudiants en gestion avec des confrères en sciences et génie fait germer des idées ayant du potentiel! », dit-il.
Valoriser l’intrapreneuriat et l’essaimage
L’étude du GEM confirme que le Québec renferme beaucoup d’intrapreneurs, soit des personnes qui portent des projets entrepreneuriaux au sein de leur organisation. Cela est susceptible de mener à des cas d’essaimage, un terme qui désigne le processus par lequel une grande entreprise aide des employés entreprenants à se lancer en affaires en leur confiant une de ses activités. Le professeur St-Jean donne l’exemple d’IPL à St-Damien : ce fabricant de produits du plastique a généré une trentaine d’entreprises, en déléguant certaines activités de production à des employés afin qu’ils démarrent leur propre affaire. IPL participe au processus de création de l’entreprise essaimée en gardant un lien fort avec son employé, par exemple au niveau de la comptabilité et de la gestion des clients, jusqu’à ce qu’il puisse voler de ses propres ailes et, à son tour, créer de nouveaux emplois.
Un défi stimulant
Chose certaine, une fois le grand saut fait et malgré les nombreux imprévus qui pimentent le parcours de l’entrepreneur, Étienne St-Jean reste catégorique : « Démarrer une entreprise peut être un défi hautement stimulant! » Voilà une pensée qui saura très certainement redonner confiance à quelques entrepreneurs en devenir!