Les enfants constituent une cible importante et alléchante pour les gestionnaires marketing, avec un pouvoir d’achat estimé à 15 milliards de dollars pour le Canada (115 milliards de dollars environ si l’on inclut les États-Unis). Et ce pouvoir ne cesse de croître.
Des parents absents…
Dans nos sociétés hypermodernes caractérisées, entre autres, par une surconsommation, les couples dont les deux membres travaillent sont de plus en plus nombreux. Conséquemment, les enfants sont laissés à eux-mêmes plus longtemps et plus souvent, et sont donc poussés à profiter de ce temps libre pour élaborer des stratégies de manipulation[1]. Les enfants formulent des demandes incessantes ou simulent la pitié pour obtenir un produit tant désiré. Les parents tentent alors parfois de se déculpabiliser en leur achetant des cadeaux. C’est ainsi croire qu’une absence physique peut être compensée par un bien matériel.
…aux enfants rois
Outre leur pouvoir d’achat qu’ils utilisent pour magasiner chez Toys“R”Us, Ardène, Joshua Perets et autres, les enfants ont aussi un pouvoir d’influence auprès de leurs parents. Des publicités récentes montraient d’ailleurs comment nos chérubins pouvaient influencer l’achat d’une minifourgonnette. En plus, les enfants, fidélisés dès le plus jeune âge, seront les consommateurs adultes de demain.
Certaines études montrent que dès l’âge de six mois, les enfants sont capables de former leurs représentations mentales des marques. À deux ans, ils reconnaissent et nomment une trentaine de marques; à leur entrée à l’école, ils peuvent en évoquer une centaine.
Une présence insidieuse des marques
Dans la dualité parents-enfants se sont graduellement insérées les marques. Le marketing est devenu si efficace qu’il réussit à faire croire aux parents que la présence de tel produit ou service est réconfortante, tout en ciblant davantage les enfants pour vendre « leur marque » et les fidéliser.
Apple présente ses solutions informatiques comme « une façon de transformer la salle de classe », et offre des rabais aux étudiants et élèves. TD, de son côté, commandite le « plus important club de lecture bilingue au Canada » pour inciter les jeunes à lire. Desjardins investit dans les écoles en apprenant aux élèves à épargner, un geste oublié en Amérique du Nord et au Canada en particulier.
Des stratégies pernicieuses
Au Québec, province où il est interdit de s’adresser aux enfants de moins de 13 ans en faisant de la publicité radio, télé, par affichage ou sur Internet[2], les stratèges marketing utilisent des outils plus insidieux.
Le placement de produits est l’une de ces astuces subtiles pour contourner la loi. Il consiste à intégrer, dans une émission de télévision, des marques connues (jouets, aliments, etc.) sans forcément en présenter le nom, mais en les mettant suffisamment en valeur pour que les enfants les reconnaissent.
Une récente étude américaine menée à l’Université Cornell[3] démontre que les yeux des personnages présents sur les boîtes de céréales pour enfants ont le regard légèrement incliné vers le bas, laissant penser à ceux plus petits en taille qu’il les fixe du regard. Les enfants, se sentant ainsi directement interpellés, ont tendance à désirer fortement le produit.
En obtenant les droits de vendre des produits dérivés, des restaurants fast food attirent des enfants en distribuant figurines ou jouets à l’image de dessins animés ou de films.
On peut aussi se questionner sur le bien-fondé de certaines campagnes. Même si Dove a réalisé des campagnes pour augmenter l’estime de soi des jeunes filles, ces dernières peuvent se sentir interpellées par le pain de savon à la colombe en relief au détriment de celui d’une autre marque, une façon de renforcer le lien avec les consommatrices.
[1] Pour plus de détails, lire : http://habilomedias.ca/publicite-consommation/comment-specialistes-marketing-ciblent-enfants
[2] http://www.opc.gouv.qc.ca/commercant/pratique-commerce/publicite-loi/publicite-enfant/
[3] Voir l’article complet en anglais : http://foodpsychology.cornell.edu/op/cerealeyes