Depuis quelque temps déjà, le phénomène des influenceurs s’est implanté dans le paysage numérique. Préoccupé par l’émergence de cette tendance, le professeur Léo Trespeuch, du Département de marketing et systèmes d’information à l’École de Gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières (EG-UQTR), s’est penché sur la dynamique qui entoure ces nouvelles vedettes des réseaux sociaux.
Sur les plates-formes telles qu’Instagram et YouTube, les influenceurs se présentent comme des personnalités sympathiques possédant une expertise dans un domaine donné. Friands du contenu qu’ils publient, les internautes suivent avec attention l’activité de ces gourous du Web 2.0.
Or, plusieurs adeptes ont tendance à oublier que certains influenceurs sont financés par des entreprises pour assurer la promotion de leur marque. La communauté de chaque influenceur est en effet composée de consommateurs potentiels, dont le comportement d’achat peut être influencé. Et ça, les entreprises le savent très bien.
« Certaines études ont démontré que le comportement des consommateurs était davantage influencé par le « facteur F », c’est-à-dire Family, Friends, Fans et Followers, que par les communications et publicités officielles des entreprises », explique M. Trespeuch.
L’influence des proches semble ainsi jouer un grand rôle dans la modification des comportements d’achat. Cependant, il peut sembler un peu saugrenu que les célébrités des réseaux sociaux puissent générer un impact similaire. À cet égard, le spécialiste du marketing numérique mentionne une variable importante.
« Les publications qui sont faites par des influenceurs ne sont pas considérées par les internautes comme des publicités officielles. Elles sont ainsi jugées plus crédibles, comme si l’influenceur le faisait spontanément, par amour du produit et qu’il n’était pas rémunéré par une entreprise. Cela augmente le degré de persuasion de ce type de publicité », indique M. Trespeuch.
Une question de proximité
En raison de leur grande efficacité publicitaire, les entreprises ont visiblement intérêt à inclure les influenceurs dans leurs stratégies de vente. Ces derniers constituent en effet un outil de persuasion capable de convaincre la majorité des consommateurs. Le développement d’une stratégie basée sur les influenceurs doit cependant respecter une certaine marche à suivre.
« Quand on veut cultiver une stratégie avec des influenceurs, il y a trois grandes étapes. D’abord, il faut identifier les influenceurs clés par rapport à notre stratégie. Ensuite, il faut les recruter, et enfin, il faut les convertir en ambassadeurs de la marque », indique M. Trespeuch.
Afin de démontrer ce processus, le professeur raconte qu’il a étudié le contenu marketing de différentes pages Facebook officielles associées à des stations de ski. Le but de cet exercice était de déterminer si les publications faites par les sportifs de la station avaient plus d’impact que celles réalisées par des célébrités internationales n’ayant pas de lien direct avec l’entreprise.
« Nos résultats ont démontré que les publications des athlètes de la station obtenaient significativement plus de « Mentions J’aime » que les publications des grandes vedettes. Donc, que l’on soit une petite PME ou une grande entreprise, on a plus à gagner en se tournant vers un influenceur qui est expert dans notre domaine qu’en faisant affaire avec une vedette internationale », lance M. Trespeuch.
Du pain sur la table ?
Comme dans tout échange commercial, les influenceurs sont rémunérés par les marques pour leurs services promotionnels. Or, le professeur Trespeuch remarque que la balance financière semble pencher à l’avantage des entreprises.
« Ça coûte moins cher d’engager un petit influenceur et grand expert d’un domaine, qu’une vedette de hockey ou un chanteur de musique populaire. De cette manière, les entreprises économisent des coûts. Un dommage collatéral est la difficulté pour ces influenceurs de vivre de cette activité. Ils vont généralement avoir des avantages en produits, voire toucher un peu d’argent, mais il faut garder à l’esprit que la majorité ne vit pas de ce travail », souligne-t-il.
À cet égard, certains chiffres suggèrent qu’à chacune de leurs publications, les influenceurs gagnent par publication environ 10 $ par tranche de 1 000 abonnés. Pour les aspirants influenceurs, l’enjeu est donc de réussir à se créer une communauté d’internautes suffisamment grande, en mettant de l’avant une expertise ou une passion.
« Souvent, ce sont les passionnés qui transmettent leur intérêt pour un domaine ou une marque et réussissent ainsi à créer des communautés. Ce sont davantage les internautes passionnés par un sujet qui finissent par tirer un revenu de leurs publications, plutôt que ceux qui ont des motivations mercantiles », affirme M. Trespeuch.
La suite des choses
Si jusqu’à maintenant le phénomène des influenceurs a surtout émergé dans le secteur du marketing, son potentiel demeure encore à explorer pour les autres sphères de la société. À ce sujet, le professeur se permet un commentaire qui porte à réflexion.
« Je pense que la portée du phénomène peut s’étendre à l’ensemble des comportements que l’on peut souhaiter modifier. Il peut donc y avoir des applications politiques, marketing ou autres, puisque les influenceurs ont un grand ascendant sur leur public », conclut M. Trespeuch.
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Sources :
Kotler, P., Kartajaya, H., & Setiawan, I. (2017). Marketing 4.0: Moving from Traditional to Digital. Hoboken, NJ: Wiley.
Salgues, F. (2018). Comment fixer le prix de l’influence ? Repéré à http://www.e-marketing.fr/