Les changements climatiques ont de nombreux effets sur les écosystèmes de la planète. Les glaciers, entre autres, subissent fortement les contrecoups des fluctuations du climat. Si la situation se poursuit au rythme actuel, plusieurs populations à travers le monde auront à relever d’importants défis au cours des prochaines années.
La glaciologie est la science qui étudie l’ensemble des formes d’eau gelée sur la Terre, comme les glaciers, la neige, les sols gelés, la glace de mer, etc. Spécialiste en la matière, le professeur Christophe Kinnard, du Département des sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Trois-Rivières, s’intéresse plus particulièrement à la réponse climatique de ces masses de glace.
« Je m’intéresse aux effets des fluctuations du climat sur les glaciers. J’étudie par exemple comment ça affecte le débit des rivières, ou encore l’humidité des sols. J’essaie aussi de comprendre et de prévoir ce qui va se produire dans les prochaines décennies, étant donné que notre système climatique est en transformation », explique-t-il.
Un des axes de recherche du professeur Kinnard porte sur les glaciers de montagne. Ainsi, le chercheur et son équipe passent au crible la glace de plusieurs chaînes montagneuses, comme les Rocheuses, les Alpes et les Andes. Pour y parvenir, ils récoltent des données en se référant à des images satellites et à des photos aériennes. Ils produisent également des relevés topographiques des surfaces glaciaires à l’aide de GPS et de drones.
« Nous essayons de voir les changements dans l’étendue et le volume des glaciers afin de les comprendre. Nous tentons aussi de développer des modèles de leur bilan de masse. Cela nous permet d’estimer combien d’eau un glacier peut accumuler et perdre au cours d’une année », précise-t-il.
Sur le terrain, le professeur Kinnard et ses collaborateurs installent des réseaux de balises, qu’ils retournent mesurer une ou deux fois par année. Ils sont ainsi en mesure de remarquer les changements dans la hauteur des surfaces, ce qui leur permet éventuellement d’extrapoler leurs données à l’ensemble du glacier. À ce sujet, le chercheur rappelle que pour produire un bilan annuel complet, il est nécessaire de considérer les paramètres météorologiques.
« Nous installons des stations météo automatiques qui nous permettent de mesurer la température, l’humidité de l’air, la vitesse des vents, le rayonnement solaire, bref tout ce qui affecte la quantité d’énergie reçue par le glacier. Nous utilisons ensuite ces variables pour faire des prévisions », indique-t-il.
Voir en avant
Grâce à l’information collectée, l’équipe du professeur Kinnard peut développer des modèles prévisionnels. Ceux-ci permettent entre autres de poser des diagnostics en lien avec les changements climatiques.
« Pour un glacier quelconque, qu’arriverait-il si les précipitations diminuaient de 20%, alors que la température moyenne augmentait de 2 °C ? À quel point le glacier perdrait-il de la masse ? Quelle forme aurait-il ? L’objectif de nos travaux est en partie de répondre à ces questions », mentionne le chercheur.
À cet égard, le professeur Kinnard remarque que les chutes de neige se sont raréfiées au cours des dernières années, diminuant du même coup le volume des grandes masses de glace. Or, cette situation réduit la contribution hydrologique des glaciers, de sorte que dans certaines régions, les populations locales manquent d’eau pour irriguer leurs cultures, voire pour s’approvisionner en eau potable.
« Dans les régions arides du monde, comme le Chili, l’Argentine et le Maroc, les effets des changements climatiques sont vraiment criants. En été, il n’y a pratiquement aucune précipitation, donc les populations locales dépendent directement de l’eau qui est stockée sous forme de neige ou de glaciers pendant l’hiver », constate-t-il.
L’effet du réchauffement climatique
Le réchauffement de la température est étroitement associé à la question des changements climatiques. Le professeur Kinnard affirme que si un changement de 2 °C ou de 3 °C dans la moyenne peut a priori paraître bénin, c’est l’augmentation de la fréquence des événements météorologiques extrêmes qui cause de plus en plus d’ennuis à différentes populations à travers le monde.
Le chercheur ajoute également que dans l’Arctique, le climat se réchauffe environ deux fois plus vite qu’ailleurs. Cette situation fait en sorte que la quantité de neige diminue, laissant la végétation vulnérable au froid. De plus, avec les fontes hivernales de plus en plus fréquentes, des croûtes de glace se forment sous la neige, ce qui empêche les animaux d’atteindre la toundra pour se nourrir.
L’heure des solutions
En s’appuyant sur des données scientifiques, l’être humain peut prévoir les impacts des changements climatiques. Partant de ce fait, le professeur Kinnard estime que, sans être capables de freiner les conséquences liées aux changements climatiques, les populations seront préparées à y faire face.
« On sait que d’ici une cinquantaine d’années, le niveau des océans va être trois quarts de mètre plus haut qu’aujourd’hui. Heureusement, grâce à ces projections, les populations qui habitent près des côtes ne se feront pas prendre par surprise, elles vont simplement s’adapter », assure-t-il.
Le chercheur croit cependant que les économies pourraient s’en ressentir si des mesures d’adaptation ne sont pas mises en place. À ce propos, il salue les efforts que la société réalise en ce sens.
« Même si on a longtemps opposé économie et environnement, on sait aujourd’hui que le futur de l’économie est intimement lié à l’environnement. Nous vivons une période d’opportunités, où nous transformons l’économie afin de répondre aux préoccupations environnementales exprimées par les scientifiques et les populations en général. Il y a un mouvement pour électrifier les transports, réduire les émissions, proposer des innovations, etc. Les possibilités sont énormes, alors il faut les saisir pour poursuivre dans cette voie », lance le professeur Kinnard.
Au final, le chercheur encourage les gens à rester vigilants. Si l’humanité peut affronter les changements climatiques, ceux-ci ne constituent qu’une petite partie des problématiques qui menacent l’environnement.
« On peut parler de crise environnementale à grande échelle. Outre les changements climatiques, il y a d’autres menaces, comme la pollution à grande échelle. Il ne faut donc pas détourner le regard, parce qu’il est urgent d’agir », conclut-il.