Autrefois perçus comme incompatibles, la science et le sport tendent de plus en plus à se rapprocher. À l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), ce rendez-vous est orchestré par deux professeurs enthousiastes, qui ont mis sur pied leur propre laboratoire de recherche sur la performance sportive.
Comme son nom l’indique, le Laboratoire d’innovations et technologies pour le sport et la performance humaine (L-TIPS) allie les champs de recherche de l’ingénierie et des sciences de la santé. Plus précisément, ses membres travaillent sur des technologies qui permettent de recueillir des données utiles à l’optimisation de la performance sportive.
« Le L-TIPS est issu de la volonté de joindre les innovations des technologies du sport à la kinésiologie. Nous couvrons divers aspects, tels que la physiologie, la biomécanique, la nutrition, etc. », indique Claude Lajoie, professeur au Département des sciences de l’activité physique.
« Le laboratoire est axé sur la performance sportive. Nous cherchons donc des méthodes pour aller chercher les gains marginaux. Par exemple, même lorsqu’un athlète est déjà accompli, il peut encore travailler pour améliorer certaines petites choses. Notre objectif est d’utiliser notre expertise pour trouver les limitants de la performance, afin de faire des recommandations à l’athlète et à son entraîneur », ajoute Frédéric Domingue, professeur au Département de génie électrique et génie informatique.
Des outils de mesure
Pour parvenir à bien conseiller les intervenants sportifs, les deux chercheurs utilisent et développent des capteurs biométriques et des technologies émergentes, qui mesurent différents paramètres pendant que les athlètes s’adonnent à leur sport.
« Historiquement, les recommandations faites à l’athlète par l’entraîneur relevaient de l’intuition. Maintenant, il existe des instruments de mesure qui permettent d’amasser une foule d’informations. On peut ainsi comparer la performance optimale théorique de l’athlète à la performance qu’il a réellement obtenue », explique M. Domingue.
L’utilisation des nouvelles technologies à des fins d’évaluation sportive ouvre en effet un vaste champ de possibilité. Toutefois, les chercheurs ont choisi d’orienter leurs recherches sur les pratiques reliées aux sports d’endurance.
« Nous nous concentrons particulièrement sur le cyclisme, la natation et le triathlon », note M. Lajoie.
« Pour le vélo, les chercheurs utilisent des capteurs pour l’analyse biomécanique mesurant notamment l’angle des pieds, la dynamique des jambes, la position du tronc, la position du bassin, la stabilité, l’aérodynamisme, etc. L’entraîneur peut donc bénéficier de toutes ces informations », renchérit M. Domingue.
M. Lajoie rappelle cependant que le vélo n’est pas la seule discipline pour laquelle les chercheurs ont besoin de collecter des données. Reprenant l’exemple du triathlon, il évoque la nécessité de mesurer les paramètres de la course à pied et de la nage.
« Sur le marché, il existe déjà des capteurs pour la course, mais ce n’est pas le cas pour la nage. Voilà pourquoi les chercheurs et leur équipe en ont développé un », lance-t-il avec fierté.
Les professeurs et leurs collaborateurs ont en effet mis au point un dispositif de mesure adapté à la nage : ils ont fabriqué les prototypes, développé l’interface, et conçu l’entièreté du système. Pour le moment, l’équipe travaille à miniaturiser son invention.
« Nous sommes en train de finaliser un prototype final, qui sera plus évolué et plus petit. Il se portera dans la main, et il donnera une information importante aux entraîneurs et aux athlètes. Ils seront ainsi renseignés sur l’efficacité, la distribution de la force, la façon dont la personne nage, etc. », assure le professeur d’ingénierie.
Prêter main-forte à l’élite
Dans le sport de haut niveau, le type d’évaluation proposé par messieurs Lajoie et Domingue fait grande impression. Il n’est donc pas surprenant que certains représentants de l’élite sportive fassent appel à leurs services.
« Depuis quelque temps déjà, nous travaillons avec des Olympiens et d’autres athlètes de calibre international. Cela fait en sorte que notre laboratoire compte déjà certains ambassadeurs, comme Cindy Montambault et Charles-Étienne Chrétien. Nous avons aussi eu la chance de travailler avec Hugo Houle, entre autres », énumère M. Lajoie.
« Ces athlètes constituent la relève du cyclisme en Amérique du Nord. Nos projets de recherche nous permettent de faire des trouvailles sur les limitants de la performance, et d’aider ces athlètes à tirer le maximum de leurs efforts. Par exemple, nous avons invité Cindy Montambault et son entraîneur au parc de la rivière Gentilly, et nous avons passé une journée complète avec eux sur le terrain. Nous avons utilisé différentes technologies et procédé à une collecte de données permettant à l’athlète et à l’entraîneur de peaufiner leur préparation pour les Coupes du monde », complète M. Domingue.
De plus, les chercheurs se sont rendus en soufflerie chez A2 Wind Tunnel, en Caroline du Nord, afin de développer des protocoles uniques de positionnement pour optimiser et modéliser l’aérodynamisme des cyclistes.
Ils y sont d’ailleurs retourné à la mi-juillet, afin d’améliorer les modèles et techniques développés. Ils espèrent ainsi bonifier les offres de service du laboratoire L-Tips.
Partager l’expertise
Bien que les chercheurs se soient jusqu’à maintenant concentrés sur les athlètes professionnels, ceux-ci ont bien l’intention de démocratiser leurs connaissances.
« Nous voulons développer un service à la clientèle plus général, pas seulement axé sur l’élite. Il y a quand même quatre millions de cyclistes au Québec, et c’est une population cible importante pour nos cliniques de thérapie du sport, de podiatrie et de kinésiologie », remarque M. Lajoie.
« Nous espérons ouvrir nos services au public pour le début du mois de septembre. Nous sommes en train de peaufiner les méthodes et de finaliser la sélection des services à offrir », précise M. Domingue.
Les deux chercheurs intègrent de nombreux stagiaires à leur laboratoire aux trois cycles d’études. À cet égard, près d’une dizaine d’étudiants en ingénierie et en activité physique étaient impliqués dans leurs travaux lors de la dernière session d’hiver.
À l’international, le L-TIPS semble aussi attiser une certaine curiosité, puisque des intervenants français et américains ont accepté de collaborer à ses recherches.
Bientôt une chaire de recherche ?
Devant le succès et les promesses d’innovation qui découlent de leurs démarches, messieurs Lajoie et Domingue souhaitent maintenant faire passer leur laboratoire à une autre étape.
« Nous souhaitons utiliser le L-Tips pour développer une chaire de recherche. Le programme est bien défini, et il génère des activités conjointes entre technologie, ingénierie et sport », souligne M. Domingue.
La Chaire de recherche sur les méthodes innovantes pour la performance en cyclisme aurait pour mission de développer des technologies modernes et des outils d’analyse de la performance en cyclisme, ainsi que de mettre les expertises et les ressources développées à l’UQTR à la disposition de la communauté.
Selon les chercheurs, les recherches effectuées sur les performances humaines et l’ingénierie liée à la pratique sportive du cyclisme permettraient l’avancement des connaissances sur le terrain, de même que la mise en place d’une formation de qualité pour le personnel d’entraînement.