Faut-il vraiment s’inquiéter d’un été comme celui que les Québécois ont connu en 2018, alors que se sont enchaînées semaine après semaine des températures chaudes et un temps relativement sec ? Eh bien oui. Car même si ce climat exceptionnel fut apprécié par les vacanciers, le réchauffement estival a des effets directs sur la faune, la flore et l’agriculture, rappelle Ali Assani, professeur au Département des sciences de l’environnement de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Le professeur Assani est spécialiste de l’hydroclimatologie, c’est-à-dire l’étude de l’impact du climat sur le cycle de l’eau. Ses recherches l’amènent entre autres à étudier la température et les précipitations, notamment au Québec et en Algérie. Il est ainsi témoin de changements climatiques bien réels et, à l’instar des autres scientifiques de la planète, il anticipe les effets qu’auront ceux-ci sur la planète.
Des effets observables au Québec
Le climat se réchauffe généralement plus rapidement en hiver qu’en été dans les régions tempérées froides. Sur la base de l’analyse des données de températures et des précipitations de 1950 à 2010, Ali Assani et ses collègues ont pourtant pu constater l’inverse au Québec : le climat se réchauffe plus vite en été qu’en hiver. En effet, c’est plus spécifiquement en août et septembre que le réchauffement se fait davantage sentir, un possible résultat du réchauffement des eaux de surface des océans, qui sont plus chaudes à ce moment de l’année. De plus, ils ont observé que les températures estivales sont mieux corrélées aux épisodes d’El Niño, associés aux eaux chaudes, qu’aux épisodes de La Niña, associés aux eaux froides de l’océan Pacifique.
« Par ailleurs, si les précipitations estivales sont restées sensiblement les mêmes au Québec au fil des ans, nous avons toutefois constaté que la quantité de neige en hiver a quant à elle chuté d’environ 20 % depuis la fin des années 1980, expose le chercheur. Contrairement à ce à quoi on pourrait s’attendre, cette diminution n’est pas compensée par une augmentation des précipitations sous forme de pluie. »
Comme la fonte des neiges est la principale source de renouvellement de l’eau au Québec, l’état des nappes phréatiques, le débit des rivières et le niveau des lacs seront à surveiller ces prochaines années; jusqu’à maintenant, ils ne semblent pas encore en être trop affectés. La fonte des neiges a par ailleurs tendance à survenir plus tôt en saison printanière, de façon à modifier la dynamique de la crue des eaux, celle-ci se faisant désormais plus précocement.
Ces deux facteurs, soit le réchauffement estival et la diminution de la quantité de neige en hiver, risquent d’engendrer des épisodes de sécheresse persistants qui auront des impacts socioéconomiques néfastes au Québec. Rappelons que l’une de plus grandes richesses naturelles du Québec est sans nul doute son abondante ressource en eau. Selon le professeur Assani, la diminution en raison du réchauffement climatique risque donc de compromettre le développement de la province.
Des pistes de solution
L’élément fondamental des changements climatiques est sans contredit la hausse de la température, alors que la planète a vu sa température augmenter de 1 °C depuis l’ère industrielle. Il y a actuellement un consensus selon lequel limiter le réchauffement à 1,5 °C permettrait d’éviter le pire aux générations futures. Cet objectif est cependant utopique aux yeux des experts puisque ce niveau risque d’être atteint dès 2030, et que l’engagement des pays signataires de l’Accord de Paris pointe plutôt vers une augmentation autour de 3 °C.
On sait depuis longtemps déjà que ce sont les gaz à effet de serre à la surface de la Terre qui sont responsables du réchauffement climatique, et que ceux-ci sont directement liés aux activités anthropiques. L’emploi des énergies renouvelables, le reboisement ainsi que la rénovation des bâtiments sont quelques stratégies possibles pour réduire les émissions des gaz à effet de serre. Selon Ali Assani, l’une des meilleures façons de diminuer ces émissions au Québec est de s’attaquer au secteur du transport, principale source de CO2.
« Ainsi, si on souhaite limiter à 1,5 °C la hausse de la température d’ici 2030, il faut agir dès maintenant et de façon importante. Outre le bien connu CO2, d’autres gaz à effet de serre contribuent cependant au réchauffement climatique, notamment le protoxyde d’azote et le méthane, des gaz essentiellement liés à l’agriculture et dont les effets potentiels sur le réchauffement de la planète sont encore plus grands que ceux du CO2, rappelle le professeur Assani. Il faudrait ainsi non seulement réviser les engagements de tous les pays signataires de l’Accord de Paris par rapport à leur réduction d’émission de CO2, mais également porter attention à ces autres gaz afin d’en réduire les émissions. »