C’est avec tristesse que nous avons appris le décès, le 11 février dernier, de monsieur Louis-Edmond Hamelin, deuxième recteur de l’histoire de l’UQTR, de 1978 à 1983. Né à Saint-Didace et fils de cultivateur, il fera des études en économie avant de compléter un doctorat à l’Université de Grenoble ainsi qu’un doctorat d’État de l’Université de Panthéon-Sorbonne portant sur les Perspectives géographiques de la nordicité : Nord canadien et Nouveau Québec.
Géographe et érudit en même temps qu’homme de terrain, il mènera d’abord une carrière professorale à l’Université Laval, dont il sera le premier directeur de l’Institut de géographie (1955-1961), pour ensuite créer le Comité d’études nordiques dont il sera directeur (1961-1972). Une chaire de recherche nordique en sciences sociales porte d’ailleurs son nom.
Pour lui, « Au Québec, le Nord est omniprésent, et non un monde lointain situé à gauche du soleil levant », considérant que plus de 70 % du territoire québécois se situe en zone nordique. Et quand il ne trouvait pas les mots pour décrire les réalités québécoises du Nord, il les inventait. On lui doit ainsi plus de 200 néologismes, dont « pergélisol » et « nordicité », qui fera son entrée dans les dictionnaires en 1985, soit dix ans après la parution de son ouvrage Nordicité canadienne. Cette passion pour les mots, cette volonté de dire la réalité avec originalité l’amènera à faire une maîtrise en linguistique à l’âge de 64 ans.
Auteur prolifique et insatiable curieux, il se distinguait par la profondeur de sa réflexion sur le sens et le rôle que doit jouer l’université dans la société. Louis-Edmond Hamelin valorisait au plus haut point ce qu’il appelait les « actes intellectifs » qu’il invitait l’ensemble de la communauté à poser, collégialement.
Son érudition et l’intérêt qu’il accordait aux valeurs de la science et de la culture, de même qu’à ceux qu’il appelait les « travailleurs de l’esprit » l’amènera d’ailleurs, en 1985, à publier, en collaboration avec Clermont Dion et Guy Godin, Les chemins de l’Université, ouvrage qui se présente sous la double forme d’une histoire du fait universitaire en Mauricie depuis 1930 et du développement de l’UQTR jusqu’en 1985, et d’extraits de ses textes, d’allocutions diverses et de réflexions parues dans notre média institutionnel de l’époque, Informo, puis La Semaine.
Louis-Edmond Hamelin entame son mandat de recteur dès janvier 1978 et restera à la barre de l’UQTR jusqu’au 30 novembre 1983. Sous sa gouverne, souvent placée entre mémoire (fidélité au passé institutionnel et aux pionniers) et hardiesse (découvrir des champs qui n’ont pas encore été développés), nous retiendrons plusieurs réalisations, malgré le contexte économique difficile de l’époque :
- organisation de cours radiodiffusés ;
- augmentation de la population étudiante en dépit d’une faible croissance démographique ;
- première cérémonie institutionnelle de remise de diplômes, en 1981 ;
- inauguration du pavillon Léon-Provancher ;
- acquisition, par l’UQTR, de la collection Robert-Lionel Séguin ;
- acquisition de l’ancien Grand Séminaire, actuel pavillon Michel-Sarrazin ;
- aménagement de la salle de concert du Michel-Sarrazin ;
- duplication des octrois en recherche, qui passent de 2 à 4 M$ ;
- accroissement des liens avec les partenaires régionaux, etc.
Pour rendre hommage à ce grand humaniste et partager l’intensité intellectuelle et la beauté de sa plume éloquente, voici deux fragments de textes de Louis-Edmond Hamelin.
L’effervescence intellective doit concilier l’audace avec la solidité scientifique, la richesse hétérogène avec la cohérence de l’acquis réfléchi. « Savoir les choses et les savoir telles quelles sont » (Montesquieu) se présente comme un objectif exigeant et qui ne donne pas de répit à ceux qui ont choisi de s’y adonner. J’aimerais que le développement mental réussi de chacun ne pousse pas seulement l’UQTR à bien pratiquer les métiers de chercheurs, de professeurs, d’étudiants, d’administrateurs et d’aides mais qu’il fasse reconnaître cette institution comme une « université d’idées » apte à assurer un véritable leadership, et non seulement à l’intérieur de la région proximale. (La Semaine, 12 janvier 1979)
Au nombre des éléments fondamentaux qui meublent le concept de l’Université se trouve la dimension culturelle. Je m’empresse d’affirmer que ce thème n’arrive pas comme une diversion fantaisiste sortie d’un universitaire rêveur. Précisément, en ce moment où les resserrements financiers, la lutte contre le chômage et la nécessité de résoudre des problèmes économiques poussent la société vers des attitudes utilitaires et d’affaires, il est impérieux de magnifier de tels gestes concrets par une espèce de philosophie vécue. En outre, la culture n’est pas une spécialité que l’Université aurait voulu réserver à ceux qui s’animent à l’intérieur de son axe dit d’études québécoises. La culture suivant ses niveaux propres n’est pas un supplément, une apparence, une manie affectée pour gens sensibles en quête d’émotions; elle s’offre comme une denrée de base en vue d’une consommation universelle. Elle est de l’oxygène en quantité illimitée permettant à chacun de se situer dans une trajectoire historique et dans le sens des changements continus qui affectent le monde. La culture est intimement liée à la formation, à la créativité scientifique et au travail professionnel; elle est un intrant, un élément permanent et bonificateur. (Informo, 28 février 1983).
Nos pensées accompagnent sa famille et ses amis.