Le partage de contenu sexy est un sujet pour le moins… chaud. Excitant pour certains, effrayant (voire dangereux) pour d’autres, ce phénomène est en train de devenir une pratique assez répandue au sein de la société. Jordane Trépanier, étudiante au doctorat en psychologie de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), dresse le portrait de la situation.
Dans une étude qu’elle vient de réaliser, Jordane a sondé 851 jeunes adultes âgés de 18 à 29 ans afin de connaître leur rapport au sextage. Elle voulait notamment savoir pourquoi les participants s’adonnaient à cette pratique, la fréquence à laquelle ils s’y adonnaient, et qui étaient les destinataires de leurs messages.
« Les résultats ont montré que les personnes interrogées sextaient surtout pour le plaisir de flirter, mais aussi pour amorcer un futur rapprochement sexuel, pour recevoir un message de même nature, ou pour répondre à une photo ou un message reçu. Environ 58 % des participants ont indiqué avoir déjà envoyé du contenu sexuellement explicite, et près des deux tiers ont indiqué avoir déjà reçu un tel contenu », explique l’étudiante au doctorat.
« Toutefois, la fréquence d’envoi et de réception est très faible, puisque les participants ont indiqué l’avoir fait seulement quelques fois. Par ailleurs, il n’y a pas de différence significative entre les hommes et les femmes en ce qui concerne la fréquence d’envoi et de réception de sextos », ajoute-t-elle.
Les données amassées par Jordane révèlent aussi que le partenaire amoureux constitue le principal émetteur et destinataire des personnes sondées. En revanche, les répondants envoient peu de sextos à des connaissances ou à des étrangers, mais en reçoivent une certaine quantité de leur part. Quoi qu’il en soit, cela ne semble pas troubler les participants de l’étude.
« Parmi ceux qui ont déjà envoyé des sextos, la grande majorité ne rapporte pas avoir subi de conséquences négatives par la suite. Quelques-uns soulignent toutefois que l’envoi a nui à leur réputation ou à leurs relations d’amitié. La réception de sextos a surtout suscité chez eux de l’amusement et de l’excitation, mais aussi de la surprise. Peu de personnes se sont senties en colère, déçues, effrayées ou tristes », note l’étudiante.
En analysant ses données, Jordane a également déterminé que la fréquence d’envoi et de réception de sextos est corrélée à une plus grande satisfaction sexuelle, ainsi qu’à une plus grande fréquence de relations sexuelles entre partenaires avec et sans engagement. Elle a cependant remarqué que l’envoi de sextos est relié à une plus grande peur d’être abandonné par son partenaire amoureux, et la réception de sextos à l’évitement de l’intimité à l’égard du partenaire amoureux.
Conséquences du sextage sur le bien-être psychologique
Depuis quelques années, le laboratoire de psychologie du couple de l’UQTR mène des études sur les technologies numériques et leur influence sur les relations de couple. Selon le professeur Yvan Lussier, du Département de psychologie de l’UQTR, l’omniprésence des médias sociaux numériques a aujourd’hui un impact sur la vie sexuelle des individus.
« Si l’on se fie aux chiffres de Statistique Canada, 87 % des adultes de 25 à 34 ans utilisent des sites de médias sociaux tels que Facebook, Instagram, Snapchat et Twitter. Chez les jeunes de 15 à 24 ans, cette proportion atteint 96 %. Il est donc logique que les technologies numériques aient pour eux plusieurs fonctions relationnelles et sexuelles », avance-t-il.
Le professeur reconnaît toutefois que la pratique du sextage peut être hasardeuse. Les femmes sont en effet susceptibles de voir leurs photos partagées sans leur consentement, et les adolescents sont plus à même de subir des problématiques de santé mentale. Néanmoins, les choses semblent plus nuancées chez les jeunes adultes.
« À partir de 18 ans, le sextage est perçu par certains chercheurs comme une forme normale et saine d’expression de la sexualité. Les communications intimes effectuées à l’aide d’outils numériques peuvent en effet contribuer au maintien de relations conjugales et sexuelles, à condition que le sextage soit consensuel et désiré », souligne Marie-Pier Vaillancourt-Morel, professeure au Département de psychologie de l’UQTR.
« Par contre, cette pratique peut aussi avoir des répercussions négatives. Selon plusieurs études, le sextage est positivement associé à certaines pratiques sexuelles à risque, telles que les relations sexuelles non protégées. Incidemment, les personnes qui se sont déjà adonnées au sextage ont contracté trois fois plus de maladies transmises sexuellement, selon les données amassées », précise-t-elle.
Au final, les deux professeurs rappellent que les adolescents et les adultes varient considérablement dans leur niveau de maturité sexuelle. Ils estiment ainsi que les cliniciens doivent actualiser leur perception du sextage afin de développer des interventions plus efficaces.