Il est 13 h, juste après le retour en classe. L’enseignant remet à ses élèves les copies corrigées de l’examen de la veille. Et là, malheur ! L’un d’entre eux vient d’apercevoir sa note. Sa déception est immense : il n’a eu que… 97 %.
Bien que clichée, cette scène typique des bancs d’école illustre bien le concept de perfectionnisme. Comme ce dernier a un impact important sur le bien-être des gens, plusieurs chercheurs du domaine de la psychologie tentent de mieux le comprendre. C’est notamment le cas de Justine Bordeleau, étudiante au doctorat continuum d’études en psychologie (profil intervention et recherche) de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
« Quand on évoque le perfectionnisme, on pense tout de suite à son aspect plus négatif. Dans la littérature scientifique, plusieurs études l’associent à certaines psychopathologies, comme les troubles anxieux ou les troubles alimentaires. Or, quand on creuse un peu plus, on réalise que le perfectionnisme peut aussi apporter des éléments qui sont bénéfiques pour le fonctionnement de la personne », révèle-t-elle.
« Le perfectionnisme peut se définir à l’aide de deux facteurs. D’une part, il y a les préoccupations perfectionnistes, qui représentent l’aspect plus dysfonctionnel du concept. D’autre part, il y a la recherche de hauts standards, qui correspond au côté plus fonctionnel du perfectionnisme », ajoute l’étudiante.
Ainsi, une personne peut présenter des degrés variables de ces facteurs lorsque vient le temps de réaliser une performance. Si elle tend vers les préoccupations perfectionnistes, tout autre résultat que la perfection sera vu de sa part comme un échec. Si elle tend plutôt vers la recherche de hauts standards, la personne accordera une plus grande importance au dépassement de soi, même si le but initial n’est pas atteint.
« Habituellement, les gens ont en eux ces deux tendances, mais à des degrés différents. Certains facteurs vont faire en sorte que l’une va se manifester plus fortement que l’autre. En ce qui concerne mes recherches, je pense que la flexibilité psychologique pourrait jouer un rôle d’intermédiaire entre le perfectionnisme et le fonctionnement des gens au quotidien », indique Justine.
La flexibilité à laquelle la doctorante fait référence correspond plus ou moins à la capacité d’adaptation d’une personne. Ainsi, un individu flexible a plus de facilité à apprivoiser la nouveauté et les changements.
Documenter le phénomène
Dans la cadre de sa thèse de doctorat, Justine a conçu deux protocoles de recherche qui permettent d’analyser la relation entre le perfectionnisme et la flexibilité psychologique. La première étude, qu’elle vient tout juste de conclure, a révélé que l’interface de ces concepts donnait lieu à deux tendances.
« Cette recherche m’a permis de constater que la relation entre la flexibilité et les deux facteurs du perfectionnisme n’était pas la même. La recherche de hauts standards va influencer positivement le fonctionnement, mais uniquement par le biais de la flexibilité. L’influence est donc indirecte », explique-t-elle.
« Par contre, les préoccupations perfectionnistes altèrent directement le fonctionnement des individus. Elles augmentent les degrés de dépression et d’anxiété, en plus d’abaisser la satisfaction de vie. Les personnes présentant des préoccupations perfectionnistes étaient donc moins fonctionnelles, mais lorsque leur degré de flexibilité était faible, c’était encore pire », complète l’étudiante.
La seconde étude réalisée par Justine porte quant à elle sur l’évolution de ces tendances à travers le temps. La jeune chercheuse compte ainsi amasser de nouvelles données, mais en laissant s’écouler une période de six mois entre les deux mesures.
« Cette seconde recherche, qui vient tout juste de commencer, devrait me permettre de mieux conceptualiser le fonctionnement. En plus des paramètres utilisés dans la première étude, je souhaite recueillir des informations sur les pensées automatiques et la sphère émotionnelle », précise-t-elle.
Le perfectionnisme à grande échelle
Avec Frédéric Langlois comme directeur de thèse, Justine mesure très bien la portée sociale de son sujet de recherche. Spécialiste de l’anxiété de performance, le professeur au Département de psychologie de l’UQTR l’amène à réfléchir aux impacts qu’a le perfectionnisme sur les comportements collectifs.
« Le perfectionnisme est omniprésent dans notre société. Que ce soit à l’école, au travail ou dans les sports, on valorise beaucoup la performance. Ce n’est pas un hasard si l’on parle de plus en plus des effets néfastes associés à la pression ! Le problème, c’est que les individus ont le réflexe de se fixer des standards irréalistes basés sur les autres. Ils auraient plutôt intérêt à se comparer à eux-mêmes, en se fixant des objectifs adaptés à leur réalité », constate l’étudiante.
Loin d’être sain ou malsain, le perfectionnisme s’avère donc un concept de nuances. Justine rappelle d’ailleurs que la ligne est mince entre la motivation qu’il procure et l’anxiété qu’il génère. Selon elle, le mieux à faire est d’adopter une posture équilibrée, qui évacue la peur d’échouer, et qui laisse place à une certaine flexibilité.