Pour la première fois, le consortium du Global Entrepreneurship Monitor (GEM) publie les résultats de leur mesure des écosystèmes entrepreneuriaux. L’analyse effectuée par Étienne St-Jean et Marc Duhamel, professeurs à l’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), révèle que l’écosystème entrepreneurial de Montréal est le plus dynamique au monde. On l’a comparé avec d’autres écosystèmes régionaux comme l’Alberta, Sao Paulo, Madrid et Abu Dhabi.
Dans leur septième analyse consécutive, les professeurs St-Jean et Duhamel, tous deux chercheurs à l’Institut de recherche sur les PME (INRPME) de l’UQTR, ont appris que dans son ensemble, le Québec démontre une activité entrepreneuriale plutôt dynamique. En effet, d’après l’enquête 2019 du GEM, ils constatent notamment que l’entrepreneuriat émergent est à son plus haut niveau depuis 2013, mais également que l’écosystème entrepreneurial de la métropole québécoise est classé au premier rang mondial.
L’écosystème entrepreneurial est défini comme un ensemble d’acteurs et de facteurs interdépendants coordonnés de manière à permettre un entrepreneuriat productif sur un territoire particulier.
Réseautage et infrastructures favorisent Montréal
Parmi les dix indicateurs utilisés pour comparer les écosystèmes entre les régions, on constate que la qualité des infrastructures et le réseautage sont cités comme étant les meilleurs pour Montréal. Sur le plan des infrastructures, autant les experts que les entrepreneurs soulignent les excellents services en télécommunication leur permettant de faire du commerce électronique efficacement. Les services publics, telles les routes et la gestion des déchets, sont aussi qualifiés comme adéquats pour faire des affaires.
Sur le plan du réseautage, les entrepreneurs semblent se connaître et réseauter efficacement entre eux. On souligne aussi le soutien des organismes publics et privés aux entreprises nouvelles et en expansion. Voilà deux atouts positifs au développement de l’entrepreneuriat.
La métropole, un terreau très fertile
« Montréal semble un terreau très fertile pour stimuler l’entrepreneuriat dans le monde. Certes, la bureaucratie semble freiner les entrepreneurs, mais globalement, l’écosystème entrepreneurial est très dynamique », explique Étienne St-Jean, titulaire de la Chaire de recherche sur la carrière entrepreneuriale. En effet, bien que les programmes gouvernementaux pour soutenir les entreprises semblent efficaces selon les experts, la bureaucratie et les règlementations constituent de sérieux problèmes. Mais cela demeure toutefois un enjeu relativement mineur dans l’ensemble.
« Je veux changer le monde » serait la devise des entrepreneurs du Québec
Une nouvelle contribution dans ce rapport concerne les motivations qui poussent les entrepreneurs à démarrer une entreprise. Selon les résultats de l’enquête du GEM, le Québec est l’endroit dans le monde où la plus grande proportion des entrepreneurs émergents décide de démarrer pour faire une différence dans le monde. Les motivations pécuniaires sont beaucoup moins importantes, dans l’absolu et comparativement au reste du Canada.
L’entrepreneuriat émergent québécois au plus haut niveau
Dans leur analyse des résultats du GEM, les deux chercheurs de l’INRPME de l’UQTR constatent une forte progression de l’entrepreneuriat émergent au Québec. En effet, depuis 2013, elle a atteint dans l’enquête de 2019 son plus haut niveau, avec un taux de 17,3 % de la population adulte. « De plus, quelques indicateurs clés nous poussent à croire que la tendance à la hausse pourrait se poursuivre dans les années à venir. » En effet, les chercheurs notent une augmentation de l’intention d’entreprendre, du sentiment perçu de compétence et une baisse de la peur de l’échec. Autant de facteurs propices au dynamisme de l’entrepreneuriat au Québec.
COVID-19 ?
Toutefois, l’arrivée de la pandémie de COVID-19 pourrait changer la donne. Le prochain rapport, qui sera dévoilé dans les prochains mois, sera important à cet égard. Comme le souligne le professeur St-Jean : « La pandémie a rebrassé les cartes en créant de nouvelles opportunités, mais aussi en ajoutant des barrières nouvelles au développement des entreprises. Pour celles qui sont naissantes, ce choc a pu être vécu plus difficilement que les entreprises plus établies, du fait qu’elles n’étaient généralement pas admissibles aux mesures de soutien. »
Pérennité en jeu
Aussi, les chercheurs constatent que la pérennité des entreprises québécoises est en jeu, puisque le nombre d’entrepreneurs établis ne cesse de chuter depuis 2013, passant de 7 % à 5,3 % en 2019. Comme le souligne le professeur Marc Duhamel, « le dynamisme entrepreneurial du Québec ne semble pas mener à des entreprises qui passent le cap des trois ans. Le soutien à la pérennité des entreprises naissantes est donc crucial pour que cet élan se transforme en développement économique ».
L’entrepreneuriat hybride, un phénomène qui prend de l’ampleur
L’entrepreneuriat hybride, soit le fait de démarrer ou diriger une entreprise tout en conservant un emploi salarié, attire toujours l’attention des chercheurs. Bien que la proportion de ce type d’entrepreneurs au Québec se stabilise cette année, le phénomène progresse rapidement ici comparativement au reste du Canada. Plus particulièrement chez les femmes, qui adoptent de plus en plus cette forme d’activité professionnelle. Quelles sont les motivations qui poussent les Québécois à s’engager de plus en plus dans l’entrepreneuriat hybride ? Est-ce la précarisation de l’emploi qui les motive à multiplier les sources de revenus ? Est-ce un moyen pour eux de conserver un certain niveau de vie, avant de se consacrer à plein temps à leur activité entrepreneuriale? Est-ce un moyen pour eux de tester leur idée? Ces questions méritent d’être approfondies par des analyses complémentaires.
L’enquête du GEM
L’enquête du GEM constitue la plus grande étude comparative portant sur le dynamisme entrepreneurial dans le monde. Jusqu’à aujourd’hui, près d’une centaine d’équipes nationales se sont investies à mesurer l’activité entrepreneuriale aux quatre coins du globe. Depuis 2013, le volet québécois de cette enquête est présenté par des chercheurs de l’INRPME à l’UQTR.
Le rapport sur la Situation de l’activité entrepreneuriale québécoise (2019) a pu être produit grâce à la collaboration de l’équipe canadienne du GEM et au soutien financier du ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI) du Québec et de l’École des entrepreneurs du Québec. Il est disponible à l’adresse http://www.gemconsortium.org.