Une relation toxique qui dégénère en agression sexuelle. Une bagarre d’une rare violence. Un meurtre sordide. Si de tels sujets ont tendance à attirer l’attention, ils cachent souvent des histoires plus complexes qui méritent d’être racontées. En tant que journaliste aux affaires judiciaires et policières, Claudia Berthiaume met en lumière le récit derrière ces crimes dans les pages du Journal de Montréal.
Diplômée du baccalauréat en études françaises (études littéraires) de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), Claudia pratique le métier de journaliste depuis une dizaine d’années. Rédactrice chevronnée, elle a consacré sa plume à décortiquer de nombreux crimes, en prenant soin d’aller au-delà de leur dimension spectaculaire.
« Ce qui me passionne dans mon travail, c’est que je fais face à l’émotion brute des gens. Que je sois en train d’écouter les victimes ou les accusés, cette intensité crue me permet de rendre un témoignage authentique de ce que ces personnes vivent. On reproche souvent aux médias de faire preuve de sensationnalisme lorsque nous traitons d’affaires policières et judiciaires. Sauf que ce genre de raccourci est plutôt insultant, compte tenu du caractère fondamentalement humain de notre travail », indique Claudia d’entrée de jeu.
Reconnaissant la rigueur qu’implique son métier, la journaliste considère également que son rôle est d’assurer la crédibilité de l’information. Alors que les blogues se multiplient, elle remarque que de plus en plus d’individus sans réelle qualification ou légitimité s’improvisent journalistes. En ce sens, elle croit que les reportages et les enquêtes approfondies menées par des journalistes professionnels demeurent des vecteurs de changement importants dans la société.
Trouver sa vocation… et aller jusqu’au bout
C’est en 2006 que Claudia entreprend son parcours à l’UQTR. De son propre aveu, ses études au baccalauréat ont été plutôt tranquilles, puisqu’elle concentrait ses énergies à avoir de bonnes notes. En 2009, après avoir obtenu son diplôme, elle entame une maîtrise en lettres (avec mémoire – études littéraires), mais cette fois avec une perspective… différente.
« J’ai décidé de prendre mes études un peu plus relax, et d’en profiter pour m’impliquer dans l’Association générale des étudiant(e)s. J’ai été secrétaire pendant environ deux ans, et à ma troisième année de maîtrise, j’ai commencé à écrire pour Zone Campus. C’est là que j’ai eu le déclic, et que j’ai réalisé que ce que j’aimais, c’était de raconter des histoires », se souvient Claudia.
En 2012, l’étudiante fait face à une décision difficile. Même si son mémoire n’est pas terminé, une opportunité se présente à elle dans le domaine du journalisme. Ne pouvant laisser passer cette chance, elle se résout à appeler son directeur de recherche pour mettre un terme à sa maîtrise.
« À l’époque, Québecor investissait beaucoup dans les hebdos. J’ai d’abord travaillé à Drummondville, puis à Shawinigan, avant d’obtenir un poste à l’Écho de Trois-Rivières. Au début, je faisais un peu de tout ; je crois que mon premier reportage portait sur un incendie dans une porcherie. Malgré tout, j’essayais tranquillement de faire ma marque, en couvrant le milieu culturel, la politique municipale et la justice. C’est à ce moment que j’ai découvert que j’aimais vraiment les affaires judiciaires », note la journaliste.
À travers le drame, faire ses preuves
À l’hiver 2014, un événement tragique survient dans la région, et laisse toute la province sous le choc. Alors qu’elle est responsable de la salle de rédaction, Claudia s’apprête à vivre des jours qui marqueront à jamais son parcours de journaliste.
« Mon patron était en vacances, et c’est moi qui le remplaçais. Le mardi 11 février, il y a eu le triple meurtre sur la rue Sicard. Du point de vue de la nouvelle, c’était beaucoup trop gros pour notre hebdo régional, alors l’équipe du Journal de Montréal est venue nous prêter main-forte », raconte-t-elle.
« Le vendredi de cette même semaine, le directeur de l’information du Journal m’a invitée à aller le rencontrer lorsque je serais de passage dans la métropole. Le lundi suivant, je me suis trouvé une excuse, et je me suis rendue là-bas pour aller lui serrer la main. Le mercredi, son adjoint m’a reçue pour une entrevue, et deux semaines plus tard, je commençais à travailler pour le Journal de Montréal. Donc, d’une certaine façon, ce drame a été déterminant pour la suite de ma carrière », reconnaît Claudia.
Même si elle doit déménager à la hâte et laisser son cercle social derrière elle, la journaliste entame avec enthousiasme le « camp d’entraînement » du Journal de Montréal. En poste le jour, le soir ou les fins de semaine, les premiers mois qu’elle passe au quotidien l’amènent une fois de plus à couvrir une variété de sujets. Malgré tout, c’est encore la justice et les interventions policières qui lui permettent de se démarquer.
« À l’automne 2014, il y a eu le procès Magnotta, et mon collègue affecté aux affaires judiciaires suivait la cause à temps plein. Mon patron m’a alors demandé de m’occuper de tous les autres dossiers liés au palais de justice de Montréal. Cette immersion m’a permis d’apprivoiser rapidement le domaine, à un point tel que je n’ai jamais fait autre chose par la suite », relate-t-elle.
De Kuujjuaq à Toronto, en passant par Calgary et les États-Unis, le journalisme judiciaire amène Claudia à faire le tour des palais de justice. Elle estime qu’au cours des années, son métier l’a conduite dans au moins la moitié des tribunaux du Québec. Au printemps 2021, ce travail acharné lui vaut une autre opportunité : joindre le Bureau d’enquête de Québecor Média.
« Quand on est journaliste judiciaire, on a un agenda assez strict en raison des causes que l’on doit suivre. En étant membre du Bureau d’enquête, j’ai toujours un agenda, mais j’ai plus de liberté pour choisir les histoires qui m’intéressent. De plus, je n’ai pas l’obligation de publier chaque jour ; je peux me concentrer sur le travail d’investigation, qui demande plus de temps. Cela donne des dossiers plus étoffés, que le Journal peut mettre de l’avant », explique Claudia.
Sortir du canevas
Pour bien vulgariser l’actualité, les journalistes utilisent un style de rédaction basé sur la concision. Afin de varier les plaisirs, Claudia s’est aussi mise à publier des livres portant sur des cas qui ont marqué son parcours.
« Lors des procès pour agression sexuelle, on voit souvent que la victime et l’agresseur se connaissaient. Pourtant, dans l’affaire que je raconte dans mon premier livre, Le piège : Vingt-quatre heures aux mains d’un prédateur, ce n’était pas le cas. Cette histoire est particulière, parce qu’elle aurait pu arriver à n’importe qui. Je voulais donc lui donner une plus grande diffusion, afin de faire de la prévention », souligne Claudia.
« Dans mon deuxième livre, Le crime parfait, je mets en lumière le travail de maître d’une équipe d’enquêteurs. Pour élucider un double meurtre, ceux-ci ont traité l’affaire avec un niveau de détail fascinant, dans le but d’obtenir les aveux du suspect », complète la journaliste.
Comme il lui reste encore des histoires à raconter, Claudia ne compte pas s’arrêter là. « Il y a d’autres projets de livres dans les cartons », laisse-t-elle tomber sans pouvoir en dire davantage pour le moment.