Au-delà du bonheur amené par l’arrivée d’un bébé, les nouveaux parents se sentent souvent dépassés par les défis qu’ils rencontrent dans leur nouveau rôle, de même que par la quantité d’informations qu’ils reçoivent et au travers desquelles ils doivent naviguer tant bien que mal. Forte des connaissances acquises par deux décennies d’expériences professionnelles et de recherches dans le domaine, la professeure au Département des sciences infirmières Marie-Josée Martel leur propose une avenue toute simple pour mieux vivre cette période de turbulence : mieux écouter leur enfant pour s’assurer de répondre à ses besoins de façon plus adaptée.
Ce regard sur la parentalité, la chercheuse régulière au Centre d’études interdisciplinaires sur le développement de l’enfant et la famille (CEIDEF) l’aborde dans son dernier livre intitulé Bébé arrive, qui vise à amener le parent à réfléchir aux enjeux de l’établissement de la relation parent-bébé. Ainsi, pour chaque soin, qu’il soit lié au sommeil, à l’alimentation, à l’hygiène ou à toute autre sphère, on invite le parent à porter son regard sur son enfant afin de décoder ses signaux et d’y répondre en conséquence. Pour la chercheuse, il ne fait pas de doute que le parent qui comprend comment réagit son bébé sera assurément plus attentif à ses réactions.
En démystifiant le langage du bébé et en étant à l’écoute de celui-ci, le parent apprend à être avec au lieu de réussir son bébé, illustre la chercheuse. On invite donc le parent à observer son bébé pour tenter de décoder ce qu’il essaie de lui dire, et de continuer à le regarder ainsi chaque fois qu’il en prend soin. Un parent qui s’adapte à ce qu’il remarque chez son enfant entre dans une espèce de tango relationnel avec lui, et cette danse se forge tranquillement au fil des interactions qu’ils ont ensemble.
De la clinique à la recherche… en passant par l’enseignement
Forte de ses expériences passées au CHU Sainte-Justine à titre d’infirmière clinicienne puis praticienne en néonatalogie, Marie-Josée Martel a toujours eu à cœur que la clinique et la recherche soient liées et que chacun de ses projets ait des retombées tangibles pour les populations concernées. Au fil des années, elle a donc œuvré dans le but d’humaniser les soins auprès des bébés hospitalisés en néonatalogie et de leurs parents, mais également afin de favoriser l’établissement de la relation parent-bébé et la transition à la parentalité.
Au fil du temps, la professeure a créé divers outils en collaboration avec d’autres chercheurs, d’anciennes étudiantes de l’UQTR et des professionnelles des milieux de pratique, permettant ainsi de croiser les regards disciplinaires pour mieux soutenir les parents, les professionnels et les porteurs de dossiers dans les milieux cliniques. Par exemple, une subvention du Fonds de services aux collectivités et la collaboration avec une équipe multidisciplinaire ont permis la création d’une série de 10 fiches de soins parent-bébé, mais aussi de capsules vidéo visant la promotion de soins qui favorisent la relation parent-enfant en unité néonatale. Ces outils contribuent à l’offre de services de Préma-Québec et sont offerts à toutes les unités néonatales au Québec, en plus d’être accessibles en ligne et de circuler sur les réseaux sociaux.
Si la chercheuse a continuellement en tête le souci de rendre sa production scientifique utile aux parents et aux professionnels œuvrant en périnatalité, son chapeau de professeure n’est jamais bien loin : en effet, elle trouve toujours une façon d’intégrer ses recherches dans les cours qu’elle enseigne aux étudiantes, que ce soit en sciences infirmières, en pratique sage-femme ou dans le DESS interdisciplinaire en allaitement offert à l’UQTR.
Reconnaître la détresse des mères
Depuis des années, des femmes s’insurgent contre les représentations romantisées de la maternité, disant ne pas se reconnaître dans l’image parfaite de la mère heureuse. Au contraire, les défis qu’elles rencontrent les amènent fréquemment à vivre de la détresse puisqu’elles se sentent peu outillées pour y faire face. Interpellée par une mère à s’intéresser à l’envers du décor de la maternité, la chercheuse a saisi la balle au bond. Avec sa collègue Lyne Douville, chercheuse associée au CEIDEF et professeure associée au Département de psychoéducation et travail social, elle s’est ainsi penchée sur des récits de femmes pour qui le lien avec leur bébé s’est créé à retardement. Cette collaboration a donné lieu l’an dernier à un premier article publié dans la revue Intervention. Comme il était impératif pour les chercheuses que la personne ayant levé le drapeau sur les difficultés qu’elle vivait fasse vraiment partie prenante de l’équipe de recherche, une approche phénoménologique a été retenue, de sorte que le texte a été revu et corrigé par celle-ci.
« L’analyse de ces récits a confronté ma vision très enthousiaste et peut-être un peu idéaliste de la parentalité, tout en m’amenant à placer dans l’ombre certains éléments plus difficiles, confie la chercheuse. Mais une chose est certaine : je compte poursuivre ma mission d’optimiser le transfert de connaissances en périnatalité en favorisant la collaboration entre les membres des communautés professorale, étudiante et professionnelle. » Lyne Douville et elle codirigent d’ailleurs actuellement un numéro des Cahiers du CEIDEF sur l’envers du décor de la maternité. Les chercheuses projettent ensuite de créer des balados sur des thématiques ayant émergé de l’analyse des récits des mères : la performance à l’ère des réseaux sociaux, les violences obstétricales, la santé mentale… Gageons que les sujets ne manqueront pas – et que le public sera au rendez-vous !