Trois scientifiques de l’INRAE (France), du CNRS (France) et de l’Université des sciences et technologies du roi Abdallah (Arabie saoudite) ont coordonné une étude internationale de grande ampleur impliquant 120 scientifiques de 27 pays pour comprendre comment les plantes présentes dans les zones arides se sont adaptées à ces habitats extrêmes. Vincent Maire, professeur au Département des sciences de l’environnement à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), fait partie des experts qui ont été mobilisés dans le cadre de cette étude.
Pendant 8 ans, les équipes ont collecté des échantillons sur plusieurs centaines de parcelles de terres arides sélectionnées sur les 6 continents, permettant l’analyse de plus de 1 300 séries d’observations de plus de 300 espèces de plantes, une première à cette échelle. Les résultats, publiés dans Nature, montrent que les plantes des zones arides adoptent de nombreuses stratégies d’adaptation différentes et que, de manière surprenante, cette diversité augmente avec le niveau d’aridité. L’isolement de ces plantes dans les zones plus arides semble avoir réduit la concurrence entre les espèces, ce qui leur a permis d’exprimer une diversité de formes et de fonctions unique au monde, avec une diversité deux fois supérieure à celle observée dans les zones plus tempérées. Cette étude jette un nouvel éclairage sur notre compréhension de l’architecture végétale, de l’adaptation des plantes aux habitats extrêmes, de la colonisation historique des environnements terrestres par les plantes et de la capacité des plantes à répondre aux changements globaux actuels.
La Terre abrite une diversité de plantes aux formes et aux fonctions très variées. Cette extraordinaire diversité morphologique, physiologique et biochimique détermine la manière dont les plantes s’adaptent et réagissent aux changements globaux en cours, avec des conséquences significatives sur le fonctionnement des écosystèmes. Pourtant, 90 % des connaissances actuelles sur la diversité fonctionnelle des plantes ne concernent que les écosystèmes agricoles et les zones tempérées. En revanche, les zones arides, qui représentent 45 % de la surface terrestre de la planète, restent sous-représentées dans les données. Ces zones importantes sont aujourd’hui directement menacées par l’augmentation de l’aridité, la pression du pâturage et la désertification. Nous devons comprendre comment les plantes répondent à ces pressions avant de pouvoir établir l’évolution future possible de ces écosystèmes fragiles en termes de biodiversité et de fonctionnement. Pour répondre à ce besoin urgent, une équipe internationale de 120 scientifiques de 27 pays a réalisé la première étude mondiale sur la diversité fonctionnelle des plantes dans les zones arides.
Après avoir mis au point un protocole d’échantillonnage standardisé, les scientifiques ont collecté et traité des échantillons de 301 espèces végétales présentes sur 326 parcelles représentatives de tous les continents (à l’exception de l’Antarctique) afin de caractériser la diversité fonctionnelle des zones, générant un total de 1 347 ensembles complets d’observations de caractères pour l’analyse. Une attention particulière a été accordée à la caractérisation de l’élémentome des plantes, c’est-à-dire la diversité des éléments chimiques et des oligo-éléments (tels que l’azote, le phosphore, le calcium, le magnésium et le zinc) présents dans les plantes, car ces caractéristiques souvent non enregistrées exercent une forte influence sur le fonctionnement de ces dernières. Au total, l’étude a porté sur plus de 130 000 mesures individuelles des caractéristiques des plantes.
Au début de l’étude, l’une des principales hypothèses était que l’aridité réduirait la diversité des plantes par le biais de la sélection, en ne laissant que les espèces capables de tolérer une pénurie d’eau et un stress thermique extrêmes. Or, c’est l’inverse qui s’est produit dans les pâturages les plus arides de la planète, où les plantes présentent au contraire un large éventail de stratégies individuelles d’adaptation. Par exemple, certaines plantes ont développé des niveaux élevés de calcium, renforçant les parois cellulaires comme protection contre la dessiccation. D’autres contiennent de fortes concentrations de sel, ce qui réduit la transpiration. Bien que l’on observe moins d’espèces à l’échelle locale que dans d’autres régions de la planète (dans les zones tempérées ou tropicales), les plantes des zones arides présentent une extraordinaire diversité de formes, de tailles et de fonctionnements, deux fois plus importante que dans les zones climatiques plus tempérées. Cette augmentation de la diversité des caractères se produit brusquement au moment où les volumes de précipitations tombent en dessous du seuil annuel de 400 mm. C’est également à ce moment-là que l’on assiste à une forte diminution du couvert végétal et à l’apparition de vastes zones de sol nu. Pour expliquer ce phénomène, les auteurs de l’étude suggèrent que la disparition du couvert végétal entraîne un « syndrome de solitude végétale », où l’isolement accru et la concurrence réduite pour les ressources produisent des degrés élevés d’unicité des traits et de diversité fonctionnelle qui sont exceptionnels à l’échelle mondiale. Cette diversité adaptative pourrait également refléter des histoires évolutives complexes remontant à la colonisation initiale des habitats terrestres par les plantes il y a plus de 500 millions d’années, lorsque ces habitats présentaient des conditions extrêmes pour les organismes vivants.
Cette étude révèle l’importance des zones arides en tant que réservoir mondial de diversité fonctionnelle chez les plantes. Elle offre un nouveau regard sur l’architecture des plantes, l’adaptation des plantes aux habitats extrêmes, la colonisation historique des environnements terrestres par les plantes et la capacité des plantes à répondre aux changements globaux actuels.
Que sont les zones arides ?
Les zones arides sont définies comme des zones tropicales et tempérées dont la valeur d’aridité est inférieure à 0,65, c’est-à-dire qu’elles reçoivent moins de 65 % d’eau par précipitations par rapport à l’eau perdue par évapotranspiration. Elles couvrent 45 % de la surface terrestre de la planète et abritent un tiers de la population humaine mondiale. Elles comprennent des écosystèmes subhumides, semi-arides, arides et hyper-arides tels que le paysage méditerranéen, les steppes, les savanes et les déserts.
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