La lutte contre les incendies comporte son lot d’inconforts pour les pompiers et pompières, notamment en contexte hivernal. « En hiver, les pompiers peuvent finir par avoir très froid. Cela s’empire lorsque la couche intérieure de leur l’équipement de protection individuelle est mouillée en raison de l’importante quantité de sueur accumulée lors des phases de travail en début d’intervention », affirme le professeur Philippe Gendron du Département des sciences de l’activité physique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
Un combat exigeant
Le combat du pompier est très exigeant, surtout lorsqu’il est en mode offensif : les tâches à effectuer sont difficiles, et les vêtements de protection contre le feu sont lourds et limitent l’évacuation de la chaleur produite par le corps. Ainsi, l’intérieur de l’habit du pompier peut atteindre en moyenne un taux d’humidité relative de 85 à 90 % et une température de 35 à 37 °C.
Après l’utilisation d’un réservoir d’air qui peut durer environ 25 minutes, période durant laquelle le pompier a très chaud, il doit se reposer et peut aussi passer en mode défensif autour du brasier, par exemple pour arroser ou faire des tâches moins exigeantes. Le pompier vit donc un stress thermique : la chaleur et l’humidité accumulées à l’intérieur de l’habit ne s’évacuant pas, il finit par avoir très froid. Les pompiers sont exposés à ce genre de situations plusieurs mois par année dans les régions nordiques, comme au Québec, où la température moyenne de décembre à mars est sous le point de congélation.
« Dans ces situations, la diminution de la température corporelle peut avoir des effets délétères sur la santé et la sécurité des pompiers. En plus du risque d’hypothermie et d’engelures, l’exposition au froid peut augmenter la contrainte cardiovasculaire, par exemple en augmentant le risque d’événement cardiaque chez des personnes présentant une comorbidité. L’exposition au froid peut aussi diminuer la capacité physique, notamment la force musculaire, l’équilibre et la dextérité manuelle, de même que les performances cognitives nécessaires à la prise de décisions », explique Philippe Gendron.
Mesurer l’impact physiologique du froid
Afin de mieux connaître l’impact du climat nordique sur la santé des pompiers, le professeur Gendron mène un projet de recherche visant à caractériser les réponses physiologiques (thermorégulatrices et cardiovasculaires), perceptuelles, motrices et cognitives occasionnées spécifiquement par une exposition au froid à la suite d’une phase de travail intense lors d’une intervention de combat d’incendie.
Pour y arriver, le chercheur et son équipe disposent d’un environnement en laboratoire permettant la simulation d’une lutte contre un incendie. « On recrée le contexte de travail du pompier grâce à un test standardisé intermittent sur tapis roulant, qui simule des tâches propres à la lutte contre l’incendie. Cela nous permet d’étudier de façon fine et contrôlée le stress physiologique que vivent les pompiers », mentionne le professeur Gendron. Celui-ci compte sur la contribution de la Ville de Québec et son directeur du Service de protection contre l’incendie, Christian Paradis, qui prêtent du matériel essentiel (bottes, habits de pompier, gants, casques, appareils respiratoires, etc.) pour mener cette recherche.
L’expérience consiste donc à faire travailler les participants, vêtus de l’équipement de protection individuelle de pompier, sur un tapis roulant pendant 25 minutes à une température de 22 °C. Ensuite, ils sont installés dans une chambre froide pendant une heure, où la température est réglée soit à 17 °C, à 0 °C, ou à -17 °C.
« Nous mesurons différents paramètres physiologiques, par exemple la température de la peau, la température rectale, la capacité motrice, la pression artérielle, les capacités cognitives, la perception de confort, etc. Cela nous renseigne sur l’état physiologique des participants, et nous permet aussi d’effectuer des comparaisons entre les différents climats », souligne Philippe Gendron.
Celui-ci poursuit : « Après certaines analyses préliminaires, on constate qu’à -17 °C après une heure au repos, les risques d’hypothermie sont assez faibles. Le corps reprend une température interne normale. Par contre, ce qu’on remarque c’est une diminution majeure de la température de la peau et des doigts, ce qui se traduit, par exemple, par un inconfort. Et quand le confort est altéré, ça peut nuire aux capacités cognitives et à la prise de décisions. »
Attention à la santé cardiovasculaire
Il reste que le fait de subir un stress thermique, qui génère des impacts physiologiques, augmente le risque d’événements cardiaques, surtout chez des pompiers qui ne font pas régulièrement de l’activité physique. « La demande physiologique au travail est énorme, et les pompiers ne sont pas tous des athlètes olympiques. Ils travaillent fort, ont chaud et se déshydratent : ce sont trois éléments qui augmentent la charge sur le système cardiovasculaire, ce à quoi peuvent s’ajouter de mauvaises habitudes alimentaires. Alors si un pompier a déjà des facteurs de risques ou une maladie cardiovasculaire, il est plus à risque d’avoir un événement cardiaque », précise le chercheur de l’UQTR.
« Pour réduire le risque, en plus de leur offrir des périodes de repos et de favoriser une meilleure hydratation, il faut promouvoir une bonne santé cardiovasculaire et inciter les pompiers à adopter de saines habitudes de vie », conclut Philippe Gendron.