Pourquoi les apprenants d’une langue étrangère sont-ils souvent incapables de prononcer les sons de cette langue aussi bien qu’un locuteur natif? Paul John, professeur au Département des langues modernes et de traduction de l’UQTR, tente actuellement de trouver une réponse à cette question.
«Lorsqu’on apprend une nouvelle langue, on ne l’apprend pas parfaitement. On garde toujours un certain accent qui est souvent dû à une mauvaise prononciation, et ce, même si on a très longtemps étudié et pratiqué», explique le professeur d’origine américano-britannique, qui a lui-même conservé son accent anglais.
Grâce à une subvention de 40 000$ du Fonds de recherche du Québec – Société et culture, le professeur John étudie principalement les erreurs et la variation phonologique chez les francophones qui apprennent l’anglais. Selon son hypothèse, cette mauvaise prononciation ne résulte pas d’une incapacité physique ou mécanique pour les francophones de prononcer les sons de la même façon que les anglophones. La substitution de certains sons serait plutôt due à une assimilation perceptuelle, faisant en sorte que la lecture et la compréhension des mots anglophones par les apprenants francophones soient erronées. Ce serait donc notre cerveau qui aurait un accent, et non notre langue.
Une erreur souvent présente chez les francophones qui apprennent l’anglais consiste à la substitution des sons «th» par les sons «t» ou «d». Par exemple, la phrase «I think that» serait prononcée «I tink dat».
«Les francophones ne connaissent pas le son «th» puisqu’il n’est pas présent dans la langue française. Dans leur dictionnaire mental, les mots «think» et «thank» sont donc perçus comme «tink» et «tank», de là l’accent ou la mauvaise prononciation. À l’inverse, les anglophones ne connaissent pas le son «u». Ils font souvent la substitution avec le son «ou» qui est présent dans leur langue. L’erreur est donc cognitive et non physique. Du moins, c’est ce que nous avançons», explique M. John.
Tester l’activité cérébrale
Dans un deuxième temps, le professeur et ses collègues du Groupe de recherche cognition, neurosciences, affect et comportement de l’UQTR (CogNAC), ont recours à la neuroimagerie pour analyser la source de variation phonologique des francophones qui apprennent l’anglais. L’intérêt de l’utilisation de cette technologie est de tester l’hypothèse que cette variation résulte d’une compétition entre deux représentations mentales associées à chacun des mots. C’est donc dire que dans le dictionnaire mental de l’apprenant se trouverait à la fois une représentation inexacte (tink et dat) qui se développe à cause de l’assimilation perceptuelle, mais également une représentation exacte (think et that), qui se développe à la suite de l’acquisition des phonèmes correspondants aux sons «th».
«Mesurer les erreurs de variation phonologique grâce à la neuroimagerie est un procédé très novateur. Pour un phonologue comme moi, un spécialiste de la science des sons du langage, c’est une chance de compter sur une équipe multidisciplinaire comme celle du CogNAC et avoir recours à de l’expertise diversifiée pour pousser mes recherches à un autre niveau», souligne M. John qui collabore notamment avec Benoît Brisson, professeur au Département de psychologie.
La période de tests par neuroimagerie est toujours en cours et l’équipe du professeur John recherche actuellement de nouveaux participants. Les personnes intéressées à y prendre part peuvent communiquer directement avec le professeur à l’adresse paul.john@uqtr.ca. Un programme de rémunération est prévu pour les participants.
Débutés en 2017, les travaux devraient se conclurent au cours des prochains moins. Le rapport final devrait quant à lui paraître dès le début de l’année prochaine.