Souvent, l’employé se demande : « Pourquoi le patron nous demande d’améliorer ça? Ça n’a pas de sens… ». On peut entendre, dans beaucoup d’organisations, des conversations semblables dans les corridors. Lorsqu’un changement nous touche personnellement, on apprécie comprendre le sens de l’amélioration, de participer à la réflexion et d’éviter de se le faire imposer.
À titre d’exemple, peu nombreux sont ceux qui laisseraient une autre personne (son conjoint ou sa conjointe?) choisir leurs résolutions de la nouvelle année, comme faire plus d’exercice ou dépenser moins. Peut-être auriez-vous des objections ou d’autres suggestions à proposer (vous pourriez aussi lui répondre avec des mots moins polis)…
Donner du sens
Une des raisons principales de la difficulté d’implanter des améliorations dans les organisations est l’absence de sens pour les employés. Comprendre les détails du raisonnement qui ont mené au choix de la voie à suivre plutôt que de l’imposer est un facteur de succès incontournable. Que ce soit pour viser la réduction des coûts d’opération, l’amélioration de la qualité ou l’amélioration de la satisfaction de la clientèle, un raisonnement est à la base de la nécessité de s’améliorer.
Il est généralement ardu, voire impossible dans certains milieux syndiqués ou très scolarisés, d’implanter un changement sans l’appui des employés. J’utiliserai un exemple pour appuyer mes propos. En 2015, le ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) a entrepris une réorganisation du réseau de la santé et des services sociaux, entre autres par la fusion de nombreux établissements de santé. La raison principale évoquée par le Ministère est un meilleur service aux usagers et à la population.
L’éveil au changement
Dans chaque cas d’amélioration proposée ou obligée, l’employé réfléchit aux avantages et désavantages encourus. Certains chercheurs appellent l’« éveil » cette première étape du changement. Pour éviter un affrontement ou un refus des employés (ou de leur syndicat), il faut réussir à avoir une lecture partagée du problème et du sens du changement.
Pour notre exemple, a-t-on un problème de satisfaction des patients dans le réseau de la santé québécois? La fusion de services est-elle un moyen intéressant pour améliorer cette satisfaction? Cela aurait-il un impact sur l’accès aux médecins de famille? Cela entraînera-t-il une diminution du stress et des heures supplémentaires chez le personnel?
Si les employés adhèrent au sens donné à l’amélioration, le changement sera plus facilement effectué. Autrement, il pourrait bien y avoir du sable dans l’engrenage de l’amélioration, pour ne pas dire de bons gros cailloux.
Accepter et partager le sens
La responsabilité de la communication du sens revient aux gestionnaires. D’abord, ils ou elles doivent établir une lecture partagée des problèmes actuels en communiquant à leurs employés les détails de la situation. Des rencontres ou des publications sont souvent utilisées à cette fin. Ensuite, les gestionnaires doivent être mobilisés et convaincus du bien-fondé des améliorations proposées. Puis, une masse critique d’employés doivent supporter l’amélioration, pour encourager et contaminer les employés ambivalents ou opposants.
En lien avec notre exemple du réseau de la santé, on peut se questionner sur le sens accepté par les employés. Premièrement, en ce qui a trait à la souffrance et aux risques, une certaine partie de la population croit que l’accès et l’attente pour bénéficier de soins sont insatisfaisants, entre autres à l’urgence et dans les cliniques médicales.
Présumons ici que les employés sont d’accord avec cet état des choses, étant parfois même patients eux-mêmes. Par contre, il est moins clair qu’ils partagent le sens des améliorations proposées.
Deuxièmement, en ce qui concerne la mobilisation des gestionnaires, le MSSS a pris les grands moyens : il a mis en place des gestionnaires en accord avec son approche et s’est débarrassé des autres… Efficace, mais radical.
Troisièmement, là où le bât blesse, c’est du point de vue du support d’une masse critique d’employés. Dans notre exemple, plutôt que d’applaudir l’amélioration, nombreux sont ceux qui s’y opposent, dénonçant les problèmes engendrés et la diminution de la satisfaction des employés eux-mêmes.
À ce jour, les avis sont partagés sur la réussite ou non de cette réorganisation. Est-ce que cette amélioration du réseau pourra être considérée comme un succès? Peut-être entendrons-nous bientôt dans les corridors des hôpitaux : « Ça a bien du sens, cette réorganisation… ». Ou non.
Si vous avez des idées de sujets ou des bons coups d’amélioration à souligner, écrivez-moi à : pascal.forget@uqtr.ca.