En 2014, l’inscription de Louis Maltais au baccalauréat en pratique sage-femme a suscité beaucoup de curiosité. Quatre ans plus tard, le candidat au profil inusité s’apprête à devenir le premier homme sage-femme diplômé par l’UQTR.
Bien qu’il ait terminé son internat depuis la fin du mois d’avril, Louis pourra continuer de prodiguer des soins aux futures mamans de la Maison des naissances Colette-Julien. L’établissement de santé de Mont-Joli l’a en effet engagé pour la durée de l’été. Une belle marque de confiance.
« J’ai réussi à faire ma place dans ce milieu de travail. Bien sûr, je dois me conformer au modèle et aux exigences du réseau de la santé, mais d’un autre côté, j’estime que j’ai un grand privilège. Je me trouve chanceux d’être auprès des femmes dans un tel contexte. Ce n’est pas toujours facile, ça va de soi, mais je me sens prêt », affirme le nouvel homme sage-femme.
Animé d’une passion évidente pour sa profession, Louis éprouve également un fort sentiment de satisfaction lorsqu’il regarde en arrière.
« Je suis vraiment fier de ce que j’ai accompli, parce que notre travail est à la fois exigeant et méconnu. Nous permettons aux femmes d’accoucher dans le lieu de naissance de leur choix, ce qui implique une grande responsabilité. Le lien entre les femmes et les sages-femmes est très particulier, parce que nous développons quelque chose de profond au cours du suivi. Ce lien se solidifie encore davantage lors de l’accouchement et de la période postnatale », indique-t-il.
Un parcours inédit
Le fait d’être le premier homme à étudier au sein d’un programme d’étude peut avoir quelque chose d’excitant en soi. Cela demande néanmoins des ajustements de la part des acteurs en place.
« Lucie Hamelin, la directrice du programme, a été une alliée importante pour moi tout au long de mon parcours. Mon arrivée a soulevé beaucoup de questions, mais l’équipe de direction a choisi de me faire confiance, de sorte que j’ai vraiment reçu un accompagnement exceptionnel. Du côté des étudiantes, mes collègues étaient très contentes pour moi. Elles m’ont toujours fait sentir à ma place », témoigne Louis.
Parmi les moments marquants de son baccalauréat, il évoque notamment son stage en milieu hospitalier, qui a eu lieu à la fin de sa troisième année.
« En termes d’étape à franchir, ça a été un très gros morceau. Pendant que j’étais dedans, c’était vraiment exigeant. En fait, c’est la chose la plus difficile que j’ai faite de toute ma vie. Sauf que cette expérience a été tellement riche en apprentissages que je continue de m’y référer », atteste-t-il.
Comme c’est le cas pour toutes les étudiantes, Louis a fait face à plusieurs embûches au cours de sa scolarité. À cet égard, il raconte que ses stages lui ont permis de mieux évaluer la réponse de la clientèle. S’il a eu droit à de beaux gestes d’ouverture, l’homme sage-femme a également essuyé quelques refus.
« Je ne peux pas dire que j’ai dû surmonter beaucoup d’obstacles par rapport au fait que je sois un homme. Ce n’était pas tellement des préjugés que des questions. Néanmoins, il y a eu toutes sortes de situations, par exemple des conjoints qui n’étaient pas à l’aise avec ma présence », évoque-t-il.
Bien que cela ait diminué son expérience sur le terrain, Louis a décidé de conserver une attitude positive face à ces refus, qui ont contribué à l’apprentissage de son métier.
« J’ai choisi de me concentrer sur les femmes qui me disaient oui. Elles ont été tellement généreuses, tellement ouvertes. Le fait qu’elles aient accepté que je sois là à leur accouchement m’a donné la possibilité de grandir comme sage-femme et comme être humain. Elles m’ont permis d’être moi : j’arrivais en toute humilité, j’embarquais dans le jeu, et les femmes embarquaient avec moi », exprime Louis.
La suite des choses
À partir de l’automne, Louis retournera dans sa ville natale de Saguenay, où il espère poursuivre sa carrière de sage-femme. S’il jouit déjà d’une certaine expérience, il a également hâte de voir comment les choses vont se dérouler dans sa pratique professionnelle.
« Jusqu’à maintenant, j’étais seulement stagiaire, donc les gens avaient la possibilité de refuser ma présence. Or, maintenant que je suis vraiment sage-femme, ils ne pourront plus toujours dire non. C’est certain que je suis un peu connu, alors ça aide, mais ça ne fera peut-être pas toujours le bonheur de la clientèle. Tout ça pour dire que je ferai face à de nouvelles situations », anticipe-t-il.
Quoi qu’il en soit, Louis reconnaît que son parcours lui a permis de comprendre le rôle important que jouent les sages-femmes dans la venue au monde des nouveau-nés. L’idée de rejoindre la profession lui donne d’ailleurs un léger vertige.
« J’ai hâte de prendre un peu de recul et de laisser décanter tout ça », lance-t-il.
Sur le vif
Depuis ses premiers pas dans le programme de pratique sage-femme, Louis est suivi par l’équipe de tournage de la documentariste Martine Asselin. Un projet captivant qui comporte son lot de responsabilités.
« Ça m’a amené plus de défis que le fait d’être un homme ! Je devais faire concorder les disponibilités de l’équipe de tournage avec ce qui se passait sur le terrain. Je donnais mon horaire à la documentariste, et la pistais sur les moments clés qu’elle devait filmer. Quand la caméra était là, c’était un stress supplémentaire, mais cela ne m’empêchait pas de travailler. Il n’y a pas à dire, c’est vraiment un beau projet ! », assure-t-il.
Pour le tournage, Martine Asselin et son équipe ont pu être présentes dès le premier jour de sa formation. Ils ont suivi ses quatre années en se rendant notamment à Mont-Joli à plusieurs reprises, en plus d’accompagner Louis chez sa famille à Saguenay. La documentariste a en plus obtenu l’autorisation de filmer deux accouchements. Une belle marque de générosité, selon Louis.
« Je n’en reviens pas qu’elles aient accepté ! Cela dit, je veux laisser la force du documentaire bien partager le vécu de cette expérience. Ce n’est pas quelque chose qui se raconte pleinement dans une entrevue », conclut-il.
La sortie du documentaire Un homme sage-femme est prévue pour la fin de 2018.