Des 40 millions de personnes infectées par le VIH dans le monde, un peu moins de 1 % bénéficie d’un système immunitaire fort leur permettant de résister plus longtemps que les autres au virus. On les nomme « contrôleurs élites ». Et ceux-ci pourraient bien fournir une clé pour lutter contre le VIH, ce qui a poussé Natacha Mérindol, chercheuse postdoctorante au Laboratoire d’immunité antivirale de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), à se poser la question suivante : par quel mécanisme ces contrôleurs élites parviennent-ils, justement, à contrôler leur virus ?
La découverte, récemment publiée sur le prestigieux journal PLOS Pathogens, met en lumière le rôle d’une protéine de « l’immunité innée » chez l’humain, soit TRIM5alpha, qui induit un mécanisme de protection contre le VIH-1 (le type de VIH responsable de la pandémie mondiale) chez les contrôleurs élites. « Chez la plupart des individus infectés, la force d’activation de TRIM5a est si faible qu’il n’y a pas d’effet sur le virus. Toutefois, il semblerait, chez les contrôleurs élites, que TRIM5a soit impliquée dans l’inhibition naturelle du VIH-1 », explique Mme Mérindol.
Nous démontrons pourquoi le système immunitaire de certains patients est en mesure de combattre le VIH-1. Cette découverte, qui arrive à l’approche de la Journée mondiale du SIDA, le 1er décembre, permet de rappeler que la recherche continue pour améliorer le sort des 40 millions de personnes infectées par le VIH dans le monde.
Il n’existe ni vaccin ni traitement curatif pour le VIH-1. Pour ces raisons, « il est important de comprendre pourquoi le virus est naturellement inhibé chez les contrôleurs élites », soutient la chercheuse, dont les travaux sont dirigés par Lionel Berthoux, professeur au Département de biologie médicale et directeur du Laboratoire d’immunité antivirale de l’UQTR, en collaboration avec Cécile Tremblay, professeure à la Faculté de médecine de l’UdeM et chercheuse clinicienne au Centre de recherche du Centre hospitalier de l’Université de Montréal.
Les contrôleurs élites
Représentant moins de 1 % des personnes atteintes par le VIH-1, les contrôleurs élites sont tout de même aux prises avec le virus, mais l’infection est beaucoup plus faible que chez la très grande majorité des patients infectés. « Leur système immunitaire est très fort et il est capable de contrôler l’infection comme si elles étaient traitées même lorsqu’elles ne le sont pas », constate Natacha Mérindol.
TRIM5a : une protéine sous la loupe
Des études avaient suggéré que la protéine TRIM5a contribuerait à nous protéger contre le VIH-1. L’équipe de chercheurs a donc analysé le virus trouvé chez plusieurs de ces contrôleurs élites, obtenus grâce à la Cohorte canadienne des progresseurs lents VIH, gérée par le réseau FRQS-SIDA/MI. Il s’agissait de comparer les échantillons sanguins de patients non traités par des agents antirétroviraux chez deux cohortes : contrôleurs élites et progresseurs normaux.
« Notre objectif consistait à aller chercher plus précisément une partie du virus qui nous intéresse : la capside, c’est-à-dire le “manteau du virus”, qui détermine la sensibilité à TRIM5a », explique Mme Mérindol. Le rôle de la capside vise à protéger l’acide ribonucléide (ARN) – l’information génétique du virus –, mais cette capside est attaquée par notre système immunitaire par l’entremise de plusieurs mécanismes.
La chercheuse précise : « La capside subit donc une forte pression du système immunitaire, ce qui favorise les mutations du virus et celui-ci devrait se multiplier plus facilement. Pourtant, cela ne se produit pas avant longtemps. Nous avons alors observé que le gène de la capside porte effectivement un nombre élevé de mutations, mais que celles-ci rendent sensibles le VIH-1 à l’action de TRIM5a. »
Ce constat a poussé les chercheurs à se demander quelles étaient les conséquences de l’attaque de la capside par TRIM5a chez les contrôleurs élites. « L’interaction entre TRIM5a et la capside génère un état antiviral qui diminue la sensibilité des cellules au VIH-1. TRIM5a envoie un signal suffisamment fort pour que la cellule devienne résistante. Chez un patient normal, TRIM5a ne fait pas cette opération de manière efficace », avance Natacha Mérindol.
Développer de nouvelles stratégies immunitaires
Ce mécanisme pourrait être mis à contribution dans le développement de stratégies immunitaires d’inhibition du VIH-1. Dans la lignée des travaux menés par le professeur Lionel Berthoux de l’UQTR, une potentielle stratégie thérapeutique consisterait à opérer des modifications génétiques sur TRIM5a en vue d’augmenter sa force d’activation pour protéger l’individu contre le VIH. Comme la force d’activation de TRIM5a est trop faible chez les individus normaux, il s’agirait de modifier TRIM5a pour la renforcer, ce qui aurait comme conséquence de diminuer le risque d’infection.
Soulignons que l’étude est financée par le Fonds de recherche du Québec en santé SIDA et Maladies infectieuses (FRQS-SIDA/MI), par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et par MITACS.
Lien vers l’article dans PLOS Pathogens : « HIV-1 capsids from B27/B57+ elite controllers escape Mx2 but are targeted by TRIM5?, leading to the induction of an antiviral state ».
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