Alors que les milieux d’affaires de la province se mobilisent pour favoriser les entreprises québécoises, de nombreux anciens étudiants de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) se retrouvent au centre de la frénésie entourant l’achat local.
Les entrepreneurs sont évidemment les premiers à ressentir les impacts économiques découlant des mesures d’isolation sociale. À la microbrasserie L’Hermite de Victoriaville, on constate une baisse importante de la demande.
« Nous avons dû fermer notre resto-pub, qui représentait environ 50 % de nos revenus. Pour ce qui est des ventes de bière, nos clients qui achetaient en fût ont aussi été contraints de fermer leur établissement. Les commandes de cannettes de certains fournisseurs ont aussi diminué », révèle Geneviève Bouffard, gestionnaire et ancienne étudiante au baccalauréat en enseignement préscolaire et primaire.
Constatant la situation, Mme Bouffard et ses deux partenaires d’affaires, Marc Lefebvre et William Hébert (deux diplômés de l’École d’ingénierie), ont décidé d’inscrire leur entreprise au Panier Bleu. La gestionnaire aimerait cependant pouvoir en faire plus.
« Nos moyens de rejoindre nos consommateurs sont limités par les lois actuelles (ex. interdiction de livrer à domicile). Pour l’instant, nous misons sur le travail extraordinaire de nos détaillants. L’Hermite vend uniquement ses produits au Québec, alors l’achat local représente 100 % de nos ventes. D’ailleurs, la très grande majorité de nos produits sont vendus à Victoriaville et dans les grandes villes à proximité. Ainsi, l’augmentation des ventes locales pourrait nous aider à traverser la crise », ajoute-t-elle.
Du côté de Treko, une entreprise qui prépare des repas d’expédition, le confinement cause plutôt un retard dans les activités.
« La pandémie a retardé notre lancement de produit, qui était prévu pour le Salon Aventure et Plein Air de Montréal ! La crise actuelle nous amène à revoir notre stratégie d’entrée sur le marché. Heureusement, comme nous fabriquons des produits alimentaires secs, nous pourrons bientôt les vendre en ligne », indique Anaïs Carrier, responsable marketing chez Treko et finissante du baccalauréat en administration des affaires.
Chez L’Hermite comme chez Treko, on soutient que l’achat local est au cœur des valeurs de l’entreprise. Alors que la microbrasserie propose un menu bouffe inspiré des produits du terroir, le fabricant de repas d’expédition apprécie le côté écoresponsable de ce type d’approvisionnement.
« L’achat local limite l’impact environnemental du transport. Dans le but d’avoir l’empreinte carbone la plus petite possible, nous intégrons ce principe à nos produits dès leur conception. Or, dans le contexte d’entreprise, l’achat local devient un véritable défi en ce moment, sans faute de bonne volonté. Comme plusieurs fournisseurs alimentaires réduisent ou cessent leurs activités, nous devons nous approvisionner ailleurs », précise Mme Carrier.
Le pouvoir du numérique
Avec la mise en ligne du Panier Bleu au début du mois d’avril, le gouvernement du Québec a voulu aider les PME de la province à s’afficher de manière plus efficace. Or, cette initiative n’est pas la seule dans le domaine. Deux plateformes numériques, à savoir Explore Trois-Rivières et BoomLocal, ont été développées par des diplômés de l’UQTR pour donner de la visibilité aux commerces d’ici.
« Nous voulions bâtir une communauté axée principalement autour de la ville de Trois-Rivières et des commerçants locaux. Nous avons démarré notre initiative sur Instagram avec la page @trois_rivieres, afin de rassembler un public. Ensuite, la situation du coronavirus est arrivée, et nous avons jugé que c’était le moment d’aborder le volet plus entrepreneurial du projet », explique Félix Normand de la Brigade Web, l’entreprise derrière Explore Trois-Rivières.
« Pour nous, c’était important d’aider les commerçants locaux. Nous sommes toujours à la recherche de façons d’augmenter la visibilité de nos clients, qui sont pour la plupart des entreprises d’ici. Avec Explore Trois-Rivières, nous leur donnons une chance supplémentaire de se faire connaître, et par le fait même, nous voulions que tout le monde puisse en profiter », renchérit le diplômé du baccalauréat en communication sociale.
Même son de cloche chez les instigateurs de BoomLocal, qui souhaitent démocratiser ce genre de plateforme.
« L’achat local est à la base de notre modèle d’affaires. D’ailleurs, la mission de notre entreprise est de favoriser le rayonnement des activités touristiques et culturelles régionales, ainsi que d’augmenter la visibilité des artisans et des commerçants locaux. En plus de rendre leurs produits et services plus accessibles, notre plateforme transactionnelle intelligente a pour but d’offrir de nouvelles possibilités aux petits entrepreneurs qui ne disposent pas d’une telle plateforme », précise le vice-président Étienne Laforest, également diplômé du baccalauréat en administration des affaires.
« Pour s’assurer que les entreprises d’ici demeurent économiquement viables, les consommateurs doivent changer leurs habitudes de consommation. Nous devons réduire notre dépendance aux produits étrangers, et cette période de crise constitue une belle occasion de mieux orienter nos choix », souligne-t-il.
Un milieu enthousiaste
L’intérêt renouvelé des gouvernements et des citoyens pour l’achat local a quelque chose de rassurant pour les intervenants des milieux économiques régionaux. En effet, le mouvement qui émerge actuellement leur donne de l’espoir quant à l’avenir des PME.
« Certaines personnes ont changé leur façon de consommer pour encourager les entreprises d’ici. C’est un geste important, considérant que certains entrepreneurs ont vu leurs revenus augmenter de manière significative au cours des dernières semaines sous l’impulsion de l’achat local. La population semble prendre conscience de l’impact de ses habitudes de consommation sur la communauté », remarque Justine Lacharité, agente aux communications au Pôle d’économie sociale de la Mauricie, et directrice entrepreneuriat du conseil d’administration de la Jeune chambre de commerce de la Mauricie.
« Le mouvement d’achat local existe depuis plusieurs années déjà, et aujourd’hui, nous comprenons toute sa pertinence. Plusieurs entreprises ont complètement changé leur modèle d’affaires pour répondre à la demande actuelle. Cela nous motive à continuer de nous battre pour qu’elles puissent passer à travers la crise », conclut la diplômée du baccalauréat en communication sociale.