Les installations portuaires sont complexes à gérer. Il faut réceptionner, entreposer et expédier de grandes quantités de marchandises. Ces activités impliquent de nombreuses ressources, à la fois humaines et matérielles. Plusieurs moyens de transport – bateaux, camions, trains – fréquentent aussi les lieux. Pour aider les administrations portuaires dans la gestion de leurs opérations, de nouveaux outils numériques sont maintenant disponibles grâce à l’avènement de l’industrie 4.0. Étudiant à la maîtrise en génie industriel à l’UQTR, Érik Bergeron travaille en collaboration avec l’Administration portuaire de Trois-Rivières (APTR) afin d’assister cette dernière dans l’appropriation de ces nouvelles technologies.
Depuis l’été 2019, l’étudiant se consacre au développement d’une représentation virtuelle d’une partie des activités du Port de Trois-Rivières, appelée ombre numérique. Ce modèle permet de simuler et d’analyser les opérations portuaires. L’étudiant prévoit ensuite entamer un doctorat l’automne prochain avec la seconde phase du projet : la mise au point d’un jumeau numérique de l’ensemble des activités du Port. Cet outil bidirectionnel servira de tableau de bord virtuel pour suivre les opérations du Port en temps réel et apporter à distance les correctifs souhaités.
Un modèle descriptif et constructif
« Une ombre numérique, c’est le miroir numérique de quelque chose qui existe réellement, explique Érik Bergeron. Pour bâtir l’ombre numérique du Port de Trois-Rivières, nous avons utilisé des données historiques sur les activités de l’organisation. Ces données concernaient plus spécifiquement les arrivées et départs de navires, de wagons et de camions, ou différentes opérations comme les chargements et déchargements ainsi que les pesées de véhicules. Nous nous sommes aussi intéressés aux quantités de matériaux en stock, notamment en ce qui concerne l’alumine. »
Le traitement de ces données grâce à un logiciel a permis de bâtir un modèle virtuel des activités ciblées. Cette représentation numérique a ensuite été validée à l’aide de calculs, ajustements et simulations. L’ombre numérique ainsi obtenue fournit un portrait de différents processus de l’organisation. Elle permet également à cette dernière d’évaluer la fiabilité des données utilisées pour le suivi des opérations.
« Nous utilisons aussi ce modèle pour identifier de possibles points d’étranglement, ou goulots. Il s’agit des moments ou des endroits où les opérations risquent d’être bloquées ou ralenties. Ça pourrait arriver, par exemple, si trop de camions ou de wagons se retrouvent en même temps à la même place », illustre l’étudiant.
Le repérage des goulots s’avérera particulièrement utile au Port de Trois-Rivières, actuellement en expansion. L’ombre numérique servira ainsi à détecter d’éventuels problèmes liés à la croissance des activités et de la circulation.
Intervenir en temps réel
Pour ses études doctorales, Érik Bergeron poussera plus loin sa collaboration avec l’APTR en passant à un niveau supérieur de complexité : la réalisation d’un jumeau numérique pour toutes les opérations du Port.
« Le jumeau numérique, c’est une représentation virtuelle de l’entreprise permettant de voir ce qui se passe en temps réel sur le site d’opération. Nous pouvons également agir directement sur le jumeau numérique pour déclencher des actions sur les activités réelles. Cet outil implique une boucle de rétroactions. Les modifications que nous apportons dans le jumeau numérique se répercutent dans le système physique réel, et les changements réalisés dans ce dernier influencent à leur tour le jumeau numérique. Le système numérique et le système réel se mettent donc constamment à jour entre eux. Il y a une interaction constante entre les deux », de préciser l’étudiant.
Cette rétroaction nécessite des capteurs dans l’environnement physique du Port, pour alimenter le jumeau numérique en données réelles et actuelles. « Pour que cette technologie fonctionne, c’est sûr que nous avons besoin de nombreux capteurs pour collecter le plus possible d’informations sur le terrain, et ce, en temps réel. Pour arriver à cela, nous utiliserons notamment l’internet des objets, grâce auquel nous pouvons connecter tous les outils utilisés afin d’assurer une communication instantanée », indique Érik Bergeron.
En plus d’évaluer ce qui se passe en temps réel dans l’entreprise, ce modèle numérique sophistiqué permettra aux gestionnaires de se projeter dans un futur proche. Ils seront ainsi en mesure d’entreprendre rapidement les actions nécessaires avant même que surviennent des situations difficiles. « Le jumeau numérique pourrait prévoir, par exemple, la création d’un goulot à un certain endroit à un moment donné. À partir de cette information, le gestionnaire pourra agir sur le système pour commander une action corrective préventive et éliminer ce problème potentiel », ajoute l’étudiant.
Un vecteur d’amélioration
Il existe déjà des jumeaux numériques utilisés dans le domaine portuaire, mais ils sont surtout utilisés à des fins de surveillance des opérations. « Le jumeau numérique que nous envisageons avec l’APTR aura davantage un aspect opérationnel. Il comportera des fonctions permettant d’effectuer des actions pour améliorer le plus possible les performances », rapporte Érik Bergeron, qui effectue ses travaux sous la direction des professeurs Pascal Forget (génie industriel) et Jean-François Audy (management).
L’étudiant se dit très motivé par son projet : « J’ai une belle collaboration avec l’APTR et mes directeurs de recherche. C’est ce qui m’a notamment motivé à demeurer à l’UQTR pour mes études doctorales, car je veux poursuivre mes recherches avec la même équipe de travail. »
Notons que Érik Bergeron a obtenu récemment une bourse d’études supérieures du Réseau Québec maritime pour son projet doctoral de jumeau numérique appliqué au domaine portuaire. L’étudiant s’est aussi déjà démarqué dans le passé avec une première position à la compétition d’étude de cas de la Canadian Student Conference 2019 de l’Institute of Industrial and Systems Engineers (IISE). Il a également été mentor auprès des jeunes de l’Institut secondaire Keranna pour l’activité Robotique FIRST.