La biologie végétale est l’un des créneaux d’excellence de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). Grâce au potentiel de ses projets de recherche, le professeur Tagnon Missihoun vient lui aussi y apporter sa contribution. Le chercheur au Département de chimie, biochimie et physique a reçu deux subventions totalisant plus de 300 000 $, afin de mettre un point des procédés innovants. Membre du Groupe de recherche en biologie végétale (GRBV), ses travaux permettront de mieux comprendre les systèmes végétaux et les molécules qui en sont issues.
Un composé naturel aux applications agricoles
Les dernières années ont démontré à quel point la production alimentaire mondiale est vulnérable aux agents pathogènes et aux ravageurs. Or, les changements climatiques obligent en même temps les producteurs à développer des stratégies de défense plus respectueuses de l’environnement. En ce sens, M. Missihoun et ses collaborateurs ont reçu un montant de 275 000 $ sur trois ans pour étudier les propriétés d’un composé naturel émis par les plantes.
« Pour aborder le problème, nous avons décidé d’améliorer notre compréhension des mécanismes de défense des végétaux. Nous savons qu’en cas d’attaque de ravageurs, les plantes synthétisent la molécule biogénique 2-Hexénal (2-Hex). Or, cette molécule agit sur la croissance de certaines espèces de mauvaises herbes. Nous souhaitons donc exploiter cette information pour développer un nouvel herbicide biologique », explique-t-il.
« Nous nous intéressons plus particulièrement aux protéines affectées par ce composé. Les cibles de la molécule 2-Hex ne sont pas encore très bien connues, et c’est pourquoi nous devons procéder à un travail de caractérisation. En comparant ses effets sur différentes espèces de végétaux, nous pourrons voir si seules les espèces envahissantes y réagissent, ou si les plantes cultivées, comme le canola, la tomate, le poivron, la laitue, le chou-fleur et le maïs, y sont aussi sensibles. Le but est vraiment de mettre au point une nouvelle stratégie de lutte biologique intégrée, que les producteurs pourraient utiliser dans les milieux contrôlés comme les serres agricoles », ajoute le professeur.
Ce projet de recherche est financé par le programme NOVA, une initiative conjointe du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) et du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT). S’adressant aux chercheurs de la relève, ce programme vise à encourager les collaborations de recherche entre les experts des différentes provinces. M. Missihoun collabore ainsi avec les professeurs Arnaud Droit (Département de médecine moléculaire, Université Laval), Glen Uhrig (Département des sciences biologiques, Université de l’Alberta) et Rong Shi (Département de biochimie, de microbiologie et de bio-informatique, Université Laval).
Valoriser les microalgues avec un usage en santé
Dans le domaine pharmacologique, il existe divers moyens de produire des substances d’intérêt. La lyse, par exemple, consiste à détruire la structure moléculaire de tissus végétaux ou animaux ; ainsi départies de membrane, les cellules « éclatent », libérant du même coup leurs composantes. Le lysat cellulaire qui en résulte peut alors être utilisé pour synthétiser des protéines in vitro, grâce à un système appelé cell-free protein synthesis system (CFPS).
« Ces systèmes sont des outils clés pour la production d’anticorps et de protéines cytotoxiques, de même que pour l’expression de particules virales. Ils jouent un rôle important dans la mise au point des vaccins, sans compter de nombreuses autres applications en biologie synthétique. Les éléments qui en sont issus sont utilisés à la fois à des fins thérapeutiques et de recherche pharmaceutique », précise M. Missihoun.
Le professeur recevra au cours des deux prochaines années un montant de 35 000 $, afin de développer un CFPS à base de microalgues. Cette subvention lui a été accordée par le Réseau québécois de recherche sur la fonction, l’ingénierie et les applications des protéines (PROTEO), un regroupement stratégique du FRQNT.
« Nous souhaitons développer un système qui serait plus vert. Notre idée part du fait que les microalgues sont déjà utilisées dans l’industrie pour produire du biocarburant, traiter les eaux usées et réduire les rejets de CO2 dans l’environnement. Or, ces procédés génèrent une biomasse résiduelle. Ce que nous proposons, c’est d’utiliser le contenu cellulaire de cette biomasse, afin de synthétiser des protéines », indique M. Missihoun.
« Les CFPS qui sont actuellement sur le marché ont été développés par des chercheurs japonais, allemands et américains. Leur prix est très élevé, car les tissus cellulaires qu’ils emploient demandent énormément d’investissements. À l’inverse, les microalgues se cultivent à partir de presque rien ; elles poussent partout ! Notre projet pourrait donc permettre d’implanter cette technologie au Québec, en plus de l’inscrire dans un contexte d’économie circulaire. La biomasse algale deviendrait donc un maillon de la chaîne de valeur », complète-t-il.
Pour réaliser ce travail, le professeur a sollicité l’aide du chercheur Yves Durocher, rattaché au Conseil national de recherches Canada (CNRC). Spécialiste de la fabrication de vaccins et autres anticorps, ce dernier pourra évaluer si les produits issus des microalgues peuvent être employés en santé humaine.
« S’il s’avère que le système peut effectivement produire des protéines humaines et virales viables, nous tenterons d’optimiser les paramètres du milieu réactionnel. Plusieurs facteurs peuvent influencer le rendement du système, et en ce sens, nous allons comparer son efficacité à celle d’un CFPS existant. Nous évaluerons la quantité, la qualité et la pureté des extrants, soit des anticorps et des antigènes viraux », conclut M. Missihoun.