On parle beaucoup de service à la clientèle dans de nombreux commerces et entreprises, avec l’objectif de plaire aux clients, mais aussi de les retenir et les fidéliser. Le fameux SBAM (Sourire, Bonjour, Au revoir et Merci) offert en formation comme base relationnelle aux préposés dans les magasins ne suffit plus depuis bien longtemps, même s’il est parfois ressuscité et inculqué aux bénévoles lors d’événements, par exemple les Jeux olympiques.

Le professeur de marketing William Menvielle.
Cet article – Courant d’idées – est rédigé par William Menvielle, professeur au Département de marketing et systèmes d’information de l’École de gestion de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).
On peut affirmer sans conteste que le service à la clientèle est une invention bien japonaise, et que le pays est passé maître dans l’Art de servir les clients. La notion d’omotenashi est un concept qui n’a pas d’équivalent en langue française. Il signifie les notions « d’hospitalité à la japonaise » ou de « service à la japonaise », et s’inscrit dans une logique de service à la clientèle empreint de bienveillance, visant à offrir plus de valeurs aux clients et les satisfaire[1]. Pour les Japonais, le client « n’est pas le roi », comme on le voit parfois sur une affiche à destination des employés ; plutôt, le « client est Dieu »[2].
Pour comprendre ce concept, il faut décrire quelques gestes du quotidien des Japonais ; l’omotenashi se concrétise lorsque dans un train à grande vitesse (Shinkansen), les hôtesses qui accueillent les voyageurs et le contrôleur qui vérifie leur titre de transport s’inclinent devant chaque passager.
C’est aussi la réalité qui berce la vie des consommateurs, lorsqu’à l’entrée des grands magasins, de jeunes employés sourient et souhaitent la bienvenue aux clients[3]. Dans les magasins toujours, c’est l’attention que l’on porte aux clients qui ont longuement patienté dans une file d’attente en leur offrant une petite attention, comme un coupon rabais, une gratuité ou un cadeau promotionnel (p. ex. : un éventail), qui sera utile et grandement apprécié lors des étés chauds et humides du pays[4]. Des entreprises japonaises comme Lexus l’appliquent d’ailleurs[5].
Dans la rue, c’est aussi le passant japonais qui, repérant le touriste égaré, le guide jusque vers une zone touristique ou son hôtel.
Ce concept s’illustre aussi dans la volonté de respecter les besoins du client et sa façon d’être et de se sentir. Ainsi, depuis quelques années est né, toujours au Japon, le concept du kaiwa nashi. Importé en Angleterre sous le nom de quiet chair, il consiste à offrir au client un service « silencieux », sous-entendu ; c’est-à-dire que le prestataire de service n’engage pas la conversation avec le client, qui souhaite rester dans sa bulle et ne pas interagir avec les employés autour de lui. Cette réalité a été initiée par Takahiro Noguchi, propriétaire du salon Hair Works Credo[6], il y a une dizaine d’années maintenant. Résultat ? Plus de 60 % des clients, majoritairement dans la vingtaine et la trentaine, optent pour « le son du silence »[7].
Et depuis, l’idée originale a fait du chemin, à tel point que certains commerces ont emboîté le pas en l’adaptant à leur façon. Le grand magasin de vêtements japonais Urban Research[8] propose aux clients qui ne souhaitent pas être abordés par un membre du personnel d’utiliser un sac de couleur bleue transparent pour faire leurs courses, au lieu de celui entièrement transparent. Ainsi, cette « segmentation » de la clientèle selon son comportement permet d’améliorer le service à la clientèle en utilisant ce signe distinctif comme alternative pour soutenir un client dans sa démarche d’achat ou, au contraire, le laisser libre de ses actions.
Certains chauffeurs de taxi ont essayé de s’inscrire dans cette démarche, qui s’est avérée cependant moins pertinente. Alors, ce proverbe ne s’est jamais aussi bien appliqué : « Si ce que tu as à dire n’est pas plus beau que le silence, alors tais-toi ! »
Références
[1] Belal, H. M., Shirahada, K., & Kosaka, M. (2013). Value co-creation with customer through recursive approach based on Japanese Omotenashi service. International Journal of Business Administration.
[2] https://www.japan-experience.com/fr/preparer-voyage/savoir/comprendre-le-japon/omotenashi-hospitalite-japonaise-accueil
[3] D’autres exemples sont donnés dans ce reportages : https://www.nationalgeographic.fr/contenu-sponsorise/voyage/japon-omotenashi-lart-de-lhospitalite
[4] Voir les exemples dans le livre de Saraka Murata, La fille de la supérette, Collection Folio, Gallimard
[5] Voir : https://www.lexus.fr/decouvrir-lexus/omotenashi
[6] Voir : http://hair-works-credo.com
[7] Yoshikawa, M. (2024, 9 novembre). The sound of silence: Japan’s no-conversation services. The Japan Times. https://www.japantimes.co.jp/life/2024/11/09/lifestyle/silence-customer-service-japan/