Comment devient-on entrepreneur ? En fait, les parcours menant à cette vocation sont aussi diversifiés les uns que les autres. Chose certaine, la fibre entrepreneuriale se cultive ; c’est en nourrissant les passions et en laissant germer les idées qu’elle finit par se développer. Ce principe n’est pas étranger aux méthodes d’enseignement que l’on retrouve au baccalauréat en administration des affaires à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). En effet, la communauté étudiante du cheminement en Innovation, entrepreneuriat et développement des affaires peut compter sur un contact direct avec le milieu pour faire croître son intérêt.

Tinasoa Razafindrazaka, chargée de cours au Département de management de l’École de gestion de l’UQTR.
Tinasoa Razafindrazaka est chargée de cours au Département de management de l’École de gestion de l’UQTR. À la session d’hiver 2025, elle a donné le cours GAE1003 – Entrepreneuriat et démarrage d’entreprises. Dans sa classe, elle s’assure de laisser un maximum de place à l’expérience. À cet égard, huit intervenants de l’écosystème entrepreneurial sont venus présenter leur trajectoire entrepreneuriale et leur expérience d’accompagnement.
« La promesse institutionnelle de ce cours consiste à développer l’esprit d’entreprise chez l’étudiant. Lorsque les étudiants sont en contact direct avec des modèles de réussite et des intervenants expérimentés, ils sont davantage sensibilisés à considérer l’entrepreneuriat comme possibilité de carrière. Cet apprentissage expérientiel facilite l’acquisition des connaissances et contribue à outiller efficacement ceux et celles qui oseront faire le saut », indique Mme Razafindrazaka.
Interpellés par cette approche, les intervenants mobilisés dans le cadre du cours ont souhaité partager leur point de vue par rapport à leur propre participation.
Une démarche cruciale
L’entrepreneuriat étant un sujet à la fois riche et vaste, les intervenants l’ont abordé sous différents angles. Certains ont choisi de faire un parallèle avec leur cheminement professionnel.
« Cet exercice était une belle occasion de discuter de mon parcours avec les étudiants, en toute transparence, tant à propos de mes bons coups que de mes erreurs », note Phil Dallaire, cofondateur et PDG de eezly.
« J’ai commencé en parlant de mon parcours entrepreneurial, avant de poursuivre avec une présentation de la Zone entrepreneuriale et de ses services. Je leur ai ensuite expliqué différents modèles d’entrepreneuriat, dont le flexypreneuriat et le repreneuriat », mentionne pour sa part Danie Dauphinais, agente au développement des affaires à la Zone entrepreneuriale.
Le vécu de l’entrepreneur a également pris beaucoup de place dans les propos des intervenants. Stacey Ward, entrepreneure et propriétaire de la Garderie Canine 3R, a témoigné de son expérience au cours de sa présentation, tout comme l’a fait Elvire B. Toffa, présidente-directrice générale de l’Académie des Amazones, entrepreneure engagée et conférencière.
« J’ai abordé cet exercice avec une approche bio psychosociale, en leur racontant le parcours entrepreneurial de la femme, ancienne étudiante de l’UQTR, mère, professionnelle engagée et entrepreneure que je suis. J’ai eu beaucoup de plaisir à observer leur intérêt, et à répondre à leurs questions. Ç’a été un exercice utile, pertinent et édifiant pour eux comme pour moi-même. Je les ai amenés à définir leur persona d’entrepreneur, leur moi Inc., pour mieux définir leur projet d’affaires », évoque-t-elle.
De leur côté, d’autres intervenants ont mis l’accent sur la réalité entourant le démarrage d’un projet entrepreneurial.
« Nous avons tenté de rendre notre intervention la plus réaliste possible, en leur posant les mêmes questions que nous aurions posées à un entrepreneur en devenir qui entrerait dans nos bureaux. Nous avons aussi fait un lien entre la théorie et le terrain de jeux concret des entrepreneurs », soulignent Marc De Montigny, Mathieu Cossette et Richard Goyette, respectivement commissaire industriel, coordonnateur – services aux entreprises et prospection, ainsi que conseiller chez Innovation et Développement économique (IDÉ) Trois-Rivières.
« Mes interventions se voulaient pratiques et concrètes. J’ai donné des exemples récents qui peuvent aider les étudiants à mieux comprendre certains concepts entrepreneuriaux », renchérit Maxim Montminy, conseiller à l’entrepreneuriat au Carrefour d’entrepreneuriat et d’innovation de l’UQTR.
Vers le démarrage d’entreprise
Les intervenants du cours GAE1003 – Entrepreneuriat et démarrage d’entreprises ont quelque chose en commun : ils croient tous en la pertinence de mettre en contact les entrepreneurs en devenir avec des mentors plus expérimentés.
« Ça rend l’entrepreneuriat plus concret, et ça aide les étudiants à mieux comprendre la différence entre la théorie qu’ils apprennent et la réalité sur le terrain », explique M. Dallaire.
« Le cours est pertinent pour jeter les bases d’un projet entrepreneurial. Le reste s’apprend davantage par l’expérimentation », ajoute M. Montminy.
Certains y voient même l’opportunité d’aborder des parts moins connues du quotidien des entrepreneurs.
« Nos interventions sont pertinentes, édifiantes et inspirantes, car raconter avec authenticité le parcours concret d’un entrepreneur avec les succès et même les échecs démystifie pour ces étudiants la vie d’entrepreneur. On y parle de part de marché, d’isolement de l’entrepreneur, de collaboration, etc. », remarque Mme Toffa.
« Je crois que d’avoir accès aux témoignages d’entrepreneurs qui sont « en plein dedans » peut permettre aux étudiants de voir les deux côtés de la médaille. Être entrepreneur, ce n’est pas seulement un travail, c’est un énorme investissement de sa personne qui vient avec son lot d’enjeux. Donc, c’est une belle façon pour eux de se préparer et de faire des choix éclairés en ayant toutes les cartes en main », précise Mme Ward.
Cette discussion franche sert également à les préparer aux différentes étapes qui les attendent.
« Cette formule permet de mettre en contexte les exigences réelles du marché. Les étudiants peuvent alors saisir quelles sont les attentes d’un financier concernant le démarrage d’une entreprise. Ils comprennent qu’ils doivent faire preuve de réalisme (même de pessimisme, s’il le faut) pour rassurer les partenaires et maximiser les chances de réussite du projet », rappellent les intervenants d’IDÉ Trois-Rivières.
« Il est essentiel que les étudiants soient exposés aux ressources disponibles ainsi qu’aux différents modèles et formes d’entrepreneuriat dès le départ », complète Mme Dauphinais.
Continuer de répondre aux besoins
Au Québec, le domaine de l’entrepreneuriat traverse actuellement une période de turbulences. Les tensions commerciales avec les États-Unis, conjuguées à une vague de compressions dans les subventions aux organismes d’accompagnement, sèment le doute quant aux possibilités offertes aux entrepreneurs en devenir, du moins à court terme. Les intervenants issus de l’écosystème d’accompagnement ont ainsi voulu clarifier leur position.
« Les interventions que nous réalisons sont d’autant plus importantes en période de coupes budgétaires, car elles offrent un accompagnement humain durable et des repères concrets pour démarrer un projet entrepreneurial », soutient Mme Dauphinais.
« Nous demeurons convaincus que l’entrepreneuriat et l’innovation restent le moteur principal de la croissance de notre économie et de la création de richesse. Il faut continuer à accompagner les entrepreneurs dans leurs projets et leur donner les outils afin de se structurer et de réussir. L’entrepreneuriat est extrêmement difficile ; c’est beaucoup de travail, de nuits blanches, de stress. On doit s’assurer que la personne en face de nous est consciente des sacrifices nécessaires pour augmenter ses chances de réussir », avancent les intervenants d’IDÉ Trois-Rivières.
M. Montminy, pour sa part, y va d’une conclusion toute simple :
« Ce que je constate, c’est que l’accompagnement est primordial pour les entrepreneurs. »