Bien qu’il existe depuis des décennies, le réseau électrique du Québec est susceptible d’être radicalement transformé par le développement des nouvelles technologies. D’une part, la démocratisation des énergies alternatives pourrait offrir la possibilité aux consommateurs de jouer un rôle actif dans la production et la redistribution de l’énergie. D’autre part, les appareils intelligents ont la capacité d’échanger de l’information via Internet, ce qui pourrait leur permettre de partager leurs besoins en alimentation. Ces innovations s’inscrivent dans un concept plus large appelé marché transactionnel de l’énergie.
L’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) s’est récemment démarquée dans ce champ de recherche, par le biais de David Camilo Toquica Cardenas, étudiant au doctorat en génie électrique. Ce dernier a obtenu une reconnaissance importante pour son travail, en remportant le prix du meilleur article (Best Paper Award) lors d’une conférence internationale.
Du 5 au 7 septembre derniers avait lieu la 5th International Conference on Smart Energy Systems and Technologies (SEST 2022) à Eindhoven, aux Pays-Bas. Lors de l’événement, David a présenté ses recherches sur l’évaluation des risques et la précision des estimations dans un marché transactionnel de l’énergie.
« Cela fait quatre ans que moi et mes collègues chercheurs travaillons sur le sujet. Nous nous intéressons plus particulièrement aux risques associés à ce modèle, tant pour Hydro-Québec que pour les unités résidentielles. Dans un marché transactionnel, le nerf de la guerre, c’est de prévoir adéquatement la demande en électricité. Avec des appareils intelligents, nous pouvons anticiper la consommation d’énergie à venir. Cela améliore l’efficacité énergétique des consommateurs, et permet aux distributeurs réseau ou client de mieux gérer les ressources et les actifs disponibles », indique-t-il.
Or, selon les résultats obtenus par David et ses collaborateurs, le plus grand risque qui plane sur un marché transactionnel de l’énergie repose sur des évaluations inadéquates des besoins énergétiques.
« La viabilité du marché transactionnel dépend de la flexibilité des charges chez le client et de la capacité à remplir ses engagements. Si les estimations formulées sont erronées, tant les consommateurs que le fournisseur peuvent se retrouver en situation de défaut. Par exemple, au Québec, la consommation d’énergie varie beaucoup en fonction du climat. Une mauvaise lecture de la météo peut donc entraîner des erreurs importantes dans les contrats énergétiques », souligne David.
« De plus, le pouvoir de marché amplifie le risque de défaillance. Dans le cas du distributeur, il faut s’assurer que les estimations des besoins en énergie soient à la fois précises et fiables, afin de ne pas affecter les consommateurs. En ce sens, nous avons analysé les meilleures stratégies pour atténuer et minimiser les risques inhérents au marché transactionnel. Le but est de développer une sorte d’assurance contre les bris de capacité », ajoute-t-il.
L’article présenté par David à la SEST 2022 est intitulé Risk Assessment of the Local Forward Markets in a Transactive Energy System, et a été rédigé avec le concert de : Kodjo Agbossou, professeur au Département de génie électrique et génie informatique de l’UQTR ; Nilson Henao, agent de recherche à l’Institut de recherche sur l’hydrogène (IRH) ; Fatima Amara, chercheuse chez Hydro-Québec ; Juan Carlos Oviedo Cepeda, chercheur chez Hydro-Québec ; et Luis Fernando Rueda Vasquez, chercheur chez Hydro-Québec.
Un projet porteur
La participation du Laboratoire des technologies de l’énergie (LTE) à Hydro-Québec dans les recherches sur le marché transactionnel ne relève pas du hasard. Pour la société d’État, les chercheurs de l’UQTR peuvent lui fournir des connaissances importantes concernant ses orientations futures.
« Certains étudiants du professeur Agbossou bénéficient de stages Mitacs, et vont passer quatre mois au LTE à Hydro-Québec pour y réaliser différents projets. David, lui, effectuait des recherches sur la gestion transactionnelle. Il s’intéressait notamment à l’optimisation de la consommation énergétique des résidences, au développement d’algorithmes d’optimisation, à l’intégration des technologies dans la gestion du réseau de distribution, et aux mécanismes de participations des clients dans l’optimisation du réseau. Le LTE à Hydro-Québec s’intéresse beaucoup à ces questions, et le rapport que David leur a soumis a inspiré largement l’article qu’il a présenté à la SEST 2022 », précise M. Henao.
De façon générale, la recherche permet également d’entrevoir des façons innovantes de combler des besoins énergétiques toujours grandissants.
« Au rythme où notre consommation d’énergie augmente, nous allons finir par manquer d’électricité. Pour désaturer le réseau et éviter les grands investissements, l’énergie transactionnelle permet d’améliorer notre efficacité énergétique. C’est ce que nous faisons avec les travaux de la Chaire de recherche Hydro-Québec sur la gestion transactionnelle de la demande résidentielle en puissance et en énergie, et dans nos collaborations avec le LTE à Hydro-Québec », mentionne M. Agbossou.
Comme le marché transactionnel représente un sujet incontournable pour l’avenir de la gestion énergétique, le succès obtenu par David lui a valu plusieurs éloges.
« Les recherches menées dans le cadre de la Chaire contribuent à définir les options possibles pour faire face aux défis que rencontreront les réseaux électriques avec la transition énergétique. La distinction qu’a reçue David démontre le sérieux et la qualité des résultats de cette collaboration. Nous sommes fiers de les compter parmi nos partenaires », souligne John Gaspo, chef du LTE à Hydro-Québec.
« Ce n’est pas un hasard si nos travaux retiennent l’attention, la consommation d’énergie augmente partout dans le monde. À cet égard, c’est une belle reconnaissance que David a reçue. Seulement 48 % des articles soumis à la SEST 2022 ont été acceptés, et il a rédigé le meilleur. Je suis très fier de lui, et je le félicite pour son excellent travail », conclut le professeur Agbossou.