Le professeur Phuong Nguyen-Tri, du Département de chimie, biochimie et physique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), et chercheur à l’I2E3, a obtenu un montant de 722 000 $ du CRSNG et des partenaires industriels (572 000 $ en argent et 150 000 $ en contributions diverses) sur trois ans pour un projet de recherche en partenariat avec Hydro-Québec. Le chercheur formera une équipe pour réaliser des recherches sur la durabilité et la stabilité de composantes en caoutchouc, qui sont utilisées dans les entretoises-amortisseurs des lignes de transport électrique.
Pour transporter l’énergie des barrages hydroélectriques chez les clients d’Hydro-Québec, un impressionnant réseau de lignes de transport est nécessaire. S’étalant sur plusieurs milliers de kilomètres, les infrastructures d’Hydro-Québec font face à une météo parfois agitée.
« Dans les grandes lignes électriques, Hydro-Québec a installé un système d’amortisseurs antivibrations. Ces entretoises-amortisseurs permettent d’atténuer le mouvement généré par le vent et les autres intempéries », explique M. Nguyen-Tri.
Depuis 1980, environ 800 000 unités d’entretoises-amortisseurs ont été installées sur les lignes d’Hydro-Québec et ailleurs dans le monde. Cette pièce en forme de « X », qui agit comme articulation entre quatre câbles, absorbe les mouvements grâce à huit petits cylindres en élastomère placés à la base de chacun des quatre bras (il y a donc 32 cylindres au total par amortisseur).
Reliés aux câbles, les bras de la pièce peuvent ainsi bouger librement dans toutes les directions. Or, en raison des conditions climatiques du Québec, ces composantes sont exposées à des facteurs environnementaux qui peuvent accélérer leur vieillissement. Certains facteurs de dégradation, comme les vibrations du vent, les écarts de température, les décharges électriques partielles, l’exposition à des particules chimiques, et l’accumulation de givre ou de glace, sont particulièrement susceptibles d’user le caoutchouc.
Préoccupée par la durabilité des matériaux utilisés dans les amortisseurs, Hydro-Québec fait donc appel à l’expertise du professeur Nguyen-Tri dans le domaine des polymères. Une analyse menée sur les cylindres en caoutchouc montrait en effet des signes d’usure ; le caoutchouc avait durci, s’était déformé et présentait des craquelures. Puisque ces dommages peuvent nuire à la performance des entretoises-amortisseurs, un projet de recherche sur la durabilité des matériaux s’avérait donc nécessaire.
Comme le souligne à juste titre Sébastien Charles, vice-recteur à la recherche et au développement de l’UQTR, « le fait qu’Hydro-Québec se tourne vers l’un de nos experts pour améliorer la robustesse de son réseau démontre à quel point notre université se démarque dans le domaine de la recherche sur les matériaux et la transition énergétique. Les travaux menés par le professeur Nguyen-Tri promettent de consolider des infrastructures de transport essentielles, à l’heure où le gouvernement du Québec a fait le choix de donner une impulsion verte à son secteur énergétique. Ce projet stratégique positionne notre université comme un partenaire de choix dans la concrétisation des chantiers de l’avenir dans ce domaine ».
Simuler les intempéries
Afin d’étudier les mécanismes de vieillissement induits par l’environnement, Hydro-Québec a fait installer une chambre climatique à ozone dans les locaux de l’Institut d’Innovations en Écomatériaux, Écoproduits et Écoénergies à base de la biomasse (I2E3). Cet équipement, qui représente un investissement de 122 000 $, permet de reproduire les contraintes auxquelles les installations électriques sont soumises.
« Nous étions déjà en mesure de faire des tests de vieillissement sur les matériaux polymériques dans des chambres climatiques accélérées normales, afin de simuler des changements en matière de rayonnements UV, de température et d’humidité. Or, lorsqu’on parle de systèmes installés sur de grandes lignes électriques, les facteurs météorologiques ne sont pas les seuls à accélérer le vieillissement. Il y a aussi l’effet corona qui, en plus de causer des décharges électriques partielles, produit un peu d’ozone là où le phénomène se produit », indique M. Nguyen-Tri.
L’ozone, qui est un agent oxydant important, s’attaque tranquillement aux matériaux caoutchoutés. Bien qu’il soit nécessaire d’étudier ce phénomène dans le temps, le professeur précise qu’Hydro-Québec ne pouvait pas attendre 30 ans avant de comprendre la dynamique de l’usure. Pour régler ce problème, il a donc proposé à la société d’État d’accélérer le procédé en laboratoire grâce à la chambre climatique.
« Ce genre de simulation permet de reproduire en trois mois les effets d’une exposition de cinq à six ans dans l’environnement réel. Bien que très pratique, cette technologie est assez nouvelle, alors j’ai demandé à Hydro-Québec d’inclure l’acquisition d’une chambre climatique dans le montage du projet », note M. Nguyen-Tri.
« Ces recherches vont nous permettre de proposer des modèles mathématiques pour prédire la durée de vie du polymère. Hydro-Québec saura ainsi s’il doit remplacer certaines unités, et aura une idée des travaux d’entretien qu’il aura à effectuer au cours des prochaines années », ajoute-t-il.
Trouver la bonne formule
En plus d’étudier les effets du vieillissement sur les entretoises-amortisseurs existantes, M. Nguyen-Tri et son équipe ont un autre mandat : trouver le meilleur polymère à installer dans les nouvelles unités. Le fait est que, malgré l’utilisation abondante des amortisseurs, la composition exacte du caoutchouc qu’ils contiennent n’est pas connue. Comme la durée de vie du matériau demeure ainsi hypothétique, le professeur doit trouver une formule résistante et durable qui pourrait lui succéder.
« Pour bien remplir sa fonction, le caoutchouc utilisé devra pouvoir endurer la fatigue, résister aux facteurs environnementaux et avoir des propriétés semi-conductrices. Nous mettrons à l’essai des caoutchoucs synthétiques, mais aussi des caoutchoucs naturels qui auront été mélangés à des additifs pour leur donner les propriétés souhaitées », conclut M. Nguyen-Tri.
En plus de la contribution financière d’Hydro-Québec et de Hélix Canada, le projet a bénéficié d’une subvention Alliance du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG) d’un montant de 300 000 $. Ce projet recevra également une contribution financière supplémentaire de PRIMA Québec.